Jean Asselborn, Discours à l'occasion de la 4e session du Conseil des droits de l'Homme, Genève

- seul le discours prononcé fait foi -

Monsieur le Président,
Madame le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Cette première année de travail du Conseil des droits de l’Homme a réservé une grande priorité à la mise en place des instruments et des méthodes de travail. Oeuvrons à ce que cette étape institutionnelle s’achève, comme prévu, d’ici la fin de la session de juin.

Ensemble avec ses partenaires européens, le Luxembourg estime que le système des procédures spéciales doit être maintenu et renforcé dans tous ses aspects, thématiques et par pays. Le mécanisme d'examen périodique universel est un projet ambitieux qui aura une grande influence sur la crédibilité et, par conséquent, sur le futur statut du Conseil des droits de l'Homme. Dans ce cadre, il est indispensable d’assurer la collecte des informations pertinentes avec la coopération d’experts indépendants. Il nous semble par ailleurs impératif de continuer à œuvrer pour une coopération étroite entre les États et la société civile au sein de notre Conseil. Dans le dispositif à mettre en place, le maintien de l’indépendance du Bureau du Haut commissaire aux droits de l’Homme est, enfin, pour mon gouvernement un élément clé et un garant pour un travail efficace.

Monsieur le Président,

Le gouvernement luxembourgeois reste très préoccupé par la situation des droits de l’Homme au Darfour. Je me dois de dénoncer avec véhémence la situation humanitaire absolument dramatique au Darfour marquée par le déplacement de millions de personnes, une insécurité persistante, des attaques inqualifiables contre les acteurs humanitaires, des actes de violence barbare dont ne cessent d’être les victimes surtout les femmes et les enfants. J’invite solennellement le gouvernement soudanais à se conformer enfin aux décisions du Conseil de sécurité concernant le déploiement de la force hybride de l’Union africaine et de l’Onu au Darfour. Le temps presse pour sauver la vie de milliers d’innocents. La responsabilité de ceux qui bloquent est immense, politiquement et pénalement.

Le Luxembourg s’est félicité de la tenue par ce Conseil, en décembre dernier, d’une session spéciale sur cette question, et de la décision, prise par consensus, d’envoyer une mission d’évaluation sur le terrain. Mon gouvernement ne peut de ce fait que regretter vivement que le gouvernement du Soudan ne se soit pas montré coopératif et ait refusé d’émettre les visas d’entrée. En examinant le rapport que lui aura présenté la mission, le Conseil devra prendre des mesures concrètes visant à mettre fin aux violations graves et systématiques qui s’y commettent et à améliorer la situation abominable qui y prévaut. Il en va de notre crédibilité.

C’est par le dialogue et la négociation associant les parties directement concernées que passe la recherche d’une solution politique et d’un accord de paix globale au Proche-Orient, en premier lieu entre Israéliens et Palestiniens. Les rapports réguliers que nous présente le Haut commissaire aux droits de l’Homme, les travaux menés par ce Conseil les mois passés ont montré, une nouvelle fois, la gravité de la situation des droits de l’Homme dans toute cette région, et en particulier dans les Territoires palestiniens occupés. Qu’une fin soit enfin mise à la violence, à l'insécurité et aux violations incessantes des droits de la personne humaine! Dans ce contexte, j’encourage tous les pays, et notamment Israël, à coopérer avec les missions que le Conseil a décidées de mettre en place.

Monsieur le Président,

Ensemble avec les États membres de l’Union européenne, le Luxembourg s’engage sans réserve dans la lutte pour l’abolition universelle de la peine de mort. Cette abolition est au cœur des valeurs universelles que nous défendons et qui fondent le concept d’une société humaniste auquel nous croyons. Elle relève de l’essence du droit à la vie que proclament nombre de Conventions internationales des droits de l’Homme. Le 3ème Congrès mondial contre la peine de mort auquel j’ai participé fin janvier à Paris a montré que nous progressons sur le chemin de cette abolition : un nombre toujours croissant de pays ont aboli la peine de mort ou ont instauré un moratoire. Je salue la décision récente prise à cet égard par les Philippines et la Moldavie. Je me félicite de même du soutien accordé par 85 pays à la Déclaration solennelle sur l’abolition de la peine de mort et l’instauration d’un moratoire dans les pays dans lesquels la peine de mort existe encore, présentée par l'Union européenne en décembre dernier à l'Assemblée générale des Nations unies.

Un autre sujet qui me tient tout particulièrement à cœur est la défense des droits des enfants. Trop d’enfants dans le monde sont aujourd’hui encore privés de leur enfance, privés de toute dignité et subissent l’exploitation au travail ou toute sorte de violences. 25.000 enfants meurent de faim chaque jour. Quelque 300.000 enfants soldats sont impliqués dans plus de 30 conflits dans le monde. Souvent, ils sont recrutés de force ou enlevés. Début février, la Conférence ministérielle sur les enfants soldats, co-organisée par l'UNICEF et le Ministère des Affaires étrangères français, a abouti à l'adoption des "Engagements" et des "Principes de Paris" visant à mettre un terme à ce fléau. Un suivi résolu doit leur être assuré.

L'ouverture prochaine, par la Cour pénale internationale, du premier procès traitant, entre autres, du crime de recrutement forcé d'enfants représente à cet égard un progrès considérable pour la communauté internationale. Dans ce contexte, j’aimerais souligner l’importance que revêt pour mon gouvernement la traduction en justice de tous les auteurs de crimes de guerre et de violations massives des droits de l’Homme et du droit humanitaire. L’impunité ne peut plus être tolérée. Je salue donc les récentes actions que la CPI a lancées en République Démocratique du Congo, en Ouganda et au Soudan.

Le combat de ce Conseil contre la discrimination à l’égard des femmes est aussi à renforcer. Nous devons mieux appliquer la Convention de 1979. La discrimination contre les femmes reste trop présente dans toutes les régions du monde. Elle se manifeste par la préférence accordée aux garçons par rapport aux filles, même avant la naissance, par des possibilités restreintes d’études et de travail imposées aux filles et aux femmes et par des formes de violence physiques et sexuelles dont les femmes sont victimes. Nous devons avoir le courage de remettre en question les traditions culturelles et les stéréotypes qui perpétuent l’exclusion sociale et la discrimination de génération en génération.

La protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste doit demeurer une préoccupation à nous tous. C'est précisément parce que nous condamnons sans réserve le terrorisme que nous devons veiller en le combattant au respect des droits de l'Homme et des procédures de l'État de droit. Les personnes détenues qui sont soupçonnées d’actes terroristes ont droit au respect des droits de la défense et à des traitements conformes aux Conventions régissant le droit humanitaire et les droits de la personne humaine. Je souligne donc l’importance qui s’attache au suivi de la résolution intitulée "Personnes privées de liberté dans le cadre de mesures antiterroristes" que ce Conseil a adoptée fin 2006. Notre crédibilité est en jeu. Elle l’est encore plus pour tous les gouvernements européens qui – comme le mien – ont signé à Paris il y a à peine un mois, la Convention contre les "disparitions forcées".

Monsieur le Président,

L’ouverture à la signature, le 30 mars prochain, de la Convention sur les droits des personnes handicapées marquera une étape décisive pour la reconnaissance internationale et la protection des droits des personnes handicapées. L’objectif de la Convention sera de permettre aux quelque 600 millions de personnes handicapées dans le monde de participer à la vie sociale de leur pays de la manière aussi autonome et complète que possible. Lutter en faveur des personnes handicapées, pour la reconnaissance de leurs droits, pour leur pleine intégration, c’est faire progresser l’ensemble de notre société.

L’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits de l’homme restent un défi majeur. Il appartient à ce Conseil de traduire dans des actes l’importance de tous les droits de l’Homme qu’ils soient civils ou politiques, économiques, sociaux ou culturels y compris le droit au développement. Je tiens de ce fait à saluer les avancées dans les travaux de ce Conseil quand il délibère sur le droit à l’alimentation, quand il se prononce sur l’extrême pauvreté, le droit à la santé, sur l’accès à l’eau et sur l’accès aux médicaments. Mais d’autres progrès restent indispensables.

Ce n'est qu’ainsi que ce Conseil pourra apporter une contribution à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui restent au centre de la stratégie internationale pour le développement. La réalisation de ces Objectifs d’ici 2015 doit faire l’objet d’un suivi régulier. Dans ce contexte, soucieux de poursuivre sa politique de solidarité avec les pays en développement, mon pays se propose d’atteindre en 2007 une APD de 0,90% de son revenu national brut.

Monsieur le Président,

Le combat pour les droits de l’homme est un combat difficile, un combat de tous les instants qui demande du temps, de la détermination et surtout du courage. Nous ne saurions réussir dans ce combat sans la coopération de nous tous avec le Bureau du Haut commissariat aux droits de l’Homme et sans l’action que vous, Madame Arbour, menez à la tête de celui-ci. Je tiens à rendre hommage à la compétence et au talent que vous ne cessez de mettre au service de la cause des droits de l’homme.

Je vous remercie de votre attention.

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