Jean Asselborn, Discours à la session solennelle du Comité des régions, Rome

Monsieur le Président de la République italienne,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Chers collègues, Mesdames et Messieurs,

Je me réjouis de pouvoir célébrer avec vous ici à Rome, témoin historique de l’antiquité à nos jours, l’anniversaire du traité fondateur qui nous unit depuis 50 ans. Le traité est, et reste, après ses nombreuses modifications et extensions, le ciment de notre vie et de notre réussite commune. Car il ne faut hésiter de dire que notre intégration européenne est une pleine réussite. Garantir à ses États membres la paix, la stabilité et la prospérité, que peut-on souhaiter de plus pour nos peuples, nos citoyens.

Ce que l’on peut vouloir en plus, c’est élargir cet instrument de solidarité qu’est l’Union européenne et qui est certainement unique en son genre, vers d’autres pour réunir le continent européen dans une même destinée. Voilà pourquoi le progrès en matière d’intégration européenne, ce plus d’Europe, doit aller de pair avec l’indispensable élargissement de notre Union européenne. Notre succès des 50 dernières années réside dans cette double approche. C’est comme dans une maison dans laquelle on décore au fur et à mesure les différentes pièces et à laquelle on ajoute régulièrement un étage ou une extension.

Pour continuer à fonctionner et à obtenir des résultats concrets à 27 aujourd’hui, à 30 et plus demain et après-demain, nous devons donc continuer à adapter notre traité, ajuster notre fonctionnement institutionnel et approfondir là où c’est possible notre intégration grâce aussi à notre méthode communautaire. Je pense bien sûr au volet social, mais aussi au domaine de la justice et des affaires intérieures, à l’énergie, au changement climatique, et évidemment à la politique étrangère et de sécurité. C’est la démarche que nous avions suivi pour aboutir à un nouveau traité plus cohérent, le Traité constitutionnel qui a été signé dans cette ville au Capitole en octobre 2004.

Les derniers sondages effectués dans le cadre de l’Eurobaromètre montrent que le soutien au traité des opinions publiques dans tous les pays est croissant. Ceci reflète bien le consensus européen émergent sur la nécessité d’avoir une réforme des traités. C’est bien aussi cette nécessité que le Comité des Régions a soulignée dans sa déclaration pour l’Europe.

Avec nos partenaires espagnols, nous avions décidé d’organiser un rendez-vous de tous les pays qui ont ratifié le texte en janvier dernier à Madrid pour donner entre autre le signal que le temps de la réflexion est venu à son terme et que le temps de l’action, réfléchie et concertée, est là.

Lors du Conseil européen de juin prochain, nous devons arriver à un consensus sur une méthode, une ébauche de contenu et un calendrier serré pour aboutir à ce nouveau traité que nous souhaitons voir en place avant les prochaines élections au PE.

Après les engagements clairs et courageux que l’Union a su prendre au dernier Conseil européen de mars en matière d’énergie et de lutte contre le changement climatique, nous devons donner à l’Europe, à nous-mêmes, les moyens pour affronter avec une efficacité accrue les enjeux du XXIe siècle et pour répondre aux attentes de nos citoyens. Le monde et nos citoyens ont besoin, non pas de moins d’Europe, mais de plus d’Europe; une Europe qui sache défendre ses valeurs et intérêts dans le monde.

Ainsi, personnellement, je pense que les dispositions du traité constitutionnel, fruit d’une négociation complexe et difficile, reflètent très bien les équilibres dont nous avons besoin pour une Europe meilleure, c’est-à-dire plus efficace, plus transparente et plus démocratique.

A cette occasion, permettez-moi de vous rappeler, quelques avancées majeures contenues dans le texte du traité qui consacrent à juste titre les autorités locales et régionales comme des acteurs européens à part entière.

En reconnaissant la structure constitutionnelle propre à chaque État membre, le traité permet aux collectivités territoriales de participer à l’intégration européenne, en amont comme en aval des décisions et de leur mise en œuvre. Les autorités régionales peuvent ainsi travailler en véritable partenariat directement avec les institutions communautaires.

Comme preuve très tangible de la présence accrue des collectivités territoriales dans le processus communautaire, il suffit de compter le nombre de représentations de collectivités territoriales qui ont ouvert des bureaux à Bruxelles pour suivre de très prés la vie politique européenne.

Ceci fait dorénavant partie à part entière de la vie politique européenne et je m’en réjouis. Les collectivités territoriales jouent aujourd’hui un rôle croissant dans la mise en œuvre des politiques communautaires, à la fois pour des politiques à caractère législatif, réglementaire ou à dimension budgétaire. Ainsi, selon les calculs de la Commission européenne, une part importante des budgets des programmes communautaires est directement gérée par les collectivités territoriales des Etats membres. Le succès du processus de Lisbonne passe lui aussi par une participation active des régions tant au niveau européen à travers le Comité des régions, qu’au niveau des Etats membres.

Le traité constitutionnel reconnaît cet état de fait, c’est-à-dire, la dimension régionale et locale de toute politique communautaire, en étendant le principe de subsidiarité des relations entre les institutions de l’Union européenne et les Etats membres aux autorités régionales et locales.

Finalement, permettez-moi de vous rappeler que dans le texte du traité, le Comité des régions pourrait saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes pour toute éventuelle violation du principe de subsidiarité. De même devrait-il être consulté obligatoirement avant l’élaboration et la mise en œuvre de toute politique.

Ces avancées devraient être préservées, mais bien d’autres éléments aussi lorsqu’il s’agira de reprendre dans un nouveau cadre la substance du traité constitutionnel.

L’implication accrue des collectivités territoriales dans les processus législatifs européens ne répond pas seulement à une simple réalité d’interdépendances des processus législatifs européens et nationaux, mais aussi à un souci de légitimation politique de la construction européenne par les citoyens européens. A de nombreux égards, la région et la localité s'avèrent être les meilleurs niveaux pour des débats publics. Les analyses de la Commission dans le cadre de son plan D, n’ont-elles pas montré que les citoyens étaient le plus motivés par des débats sur l’Europe quand ceux-ci étaient organisés au niveau local. Le Comité des Régions, dans son propre avis sur la question du 22 septembre 2006 a reconnu son importance et la valeur ajoutée de son action dans ce contexte. Ainsi, les collectivités territoriales sont des acteurs indispensables dans la construction d’un espace public européen.

C’est aussi à travers les collectivités territoriales que nous pouvons au mieux assurer le concept de cohésion et de solidarité. Les citoyens européens sont prioritairement concernés par la croissance économique et donc la situation des emplois et du chômage. Or, de trop fortes disparités risquent de mettre en cause cette cohésion territoriale. Nos politiques de cohésion sont des instruments précieux pour permettre à toutes les régions de bénéficier des opportunités du marché intérieur. Politique de cohésion et marché intérieur vont ensemble, tous les deux doivent être au service de la prospérité pour tous dans l’UE.

Mesdames, Messieurs,

L’actuelle présidence allemande doit bénéficier de notre plein soutien dans la recherche d'une solution satisfaisante, qui nous rassemble tous et qui serve pleinement les intérêts de l'Union européenne et de tous ses citoyens. Car l’Europe ne peut se faire qu’avec les citoyens et pour les citoyens.

Dernière mise à jour