Jean Asselborn à l'occasion de la 51e session de la Conférence générale de l'AIEA, Vienne

Seul le discours prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de me joindre aux orateurs qui m'ont précédé pour vous exprimer mes félicitations pour votre élection à la présidence de cette 51ème Conférence générale de l’AIEA. Je tiens à vous assurer du plein soutien de ma délégation aux efforts que vous déploierez en coopération avec le Bureau, le secrétariat et le personnel de l’Agence pour mener à bien les travaux de cette Conférence.

M. le Président, il va sans dire que je souscris entièrement au discours qui vient d’être prononcé par le Représentant du Portugal au nom de l’Union européenne.

En cette année où l’AIEA célèbre son cinquantième anniversaire, il me tient particulièrement à cœur de féliciter l’Agence pour les efforts incessants qu’elle a menés tout au long de ce demi-siècle, pour promouvoir ses objectifs principaux : l’utilisation pacifique de l’atome, la sûreté nucléaire ainsi que la prévention de la prolifération des armes nucléaires. Quelle meilleure reconnaissance de la qualité de son action pouvait-il y avoir que l’attribution à l’Agence et à son Directeur général, en 2005 du Prix Nobel de la Paix.

Lors de la création de l’Agence, il y a 50 ans, la menace nucléaire était bien réelle. En pleine guerre froide, des dizaines de milliers de missiles et de têtes nucléaires étaient prêtes à être utilisés par les deux superpuissances et l’humanité vivait sous la menace de la destruction mutuelle assurée. La fin de cette époque, il y a plus de quinze ans, a fait espérer la disparition proche de toutes les armes nucléaires. Malheureusement, un tel optimisme était prématuré.

Si le risque d’un cataclysme nucléaire s’est atténué, le monde est toutefois confronté à de nouvelles menaces. Sous couvert d’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, ou par le biais de réseaux d’achats illicites, des Etats essaient d’acquérir une capacité nucléaire ou radiologique militaire, se mettant ainsi en contradiction flagrante avec le régime de non-prolifération.

Malgré les progrès indéniables enregistrés dans la réduction des armes nucléaires stratégiques et non-stratégiques, la présence continue de milliers de têtes nucléaires dans l’arsenal des principales puissances demeure, par ailleurs, un élément préoccupant dans le cadre du désarmement nucléaire.

Il ne faut donc pas relâcher nos efforts.

Le renforcement des normes en matière de non-prolifération est essentiel pour éviter une nouvelle course aux armes nucléaires, et les Etats dotés de l’arme nucléaire doivent, en parallèle, s’engager résolument vers la voie d’une réduction progressive de leurs arsenaux nucléaires.

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) reste la pierre angulaire du régime global de non-prolifération des armes de destruction massive. Le Luxembourg réaffirme son engagement envers ce Traité et son attachement envers chacun de ses trois piliers - qui se renforcent mutuellement - la non-prolifération, le désarmement et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.

Le non-respect des obligations de garanties prévues par le TNP ainsi que le trafic illicite des matières et équipements nucléaires très sensibles constituent les plus importantes atteintes au régime de non-prolifération aujourd’hui. Face à ces menaces, le Traité reste d’une importance vitale et nous devons nous engager à préserver l’intégrité du régime et à renforcer sa mise en œuvre, à travers le processus de révision qui a été engagé.

Les accords de garanties seuls ne permettent pas d’éviter le développement de programmes nucléaires clandestins. Le système actuel de sécurité internationale comportera une faiblesse tant que les accords de garanties ne seront pas complétés par le protocole additionnel. Je voudrais donc rappeler l’importance pour tous les Etats de signer, ratifier et mettre en œuvre le protocole additionnel et d’assurer la mise en vigueur des accords de garanties.

Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires constitue une autre étape importante dans le cadre du processus de désarmement nucléaire ; son entrée en vigueur permettra de garantir une sécurité globale accrue. J’invite donc tous les pays qui ne l’ont pas encore fait, et en particulier ceux mentionnés dans l’Annexe 2 du Traité, à signer et à ratifier ledit Traité pour qu’il puisse entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

Il est de même essentiel de progresser sur la négociation sans précondition d'un traité non-discriminatoire et de portée universelle interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes et d’autres dispositifs explosifs nucléaires. Un tel traité est vital afin de compléter le dispositif de non-prolifération et de désarmement.

Monsieur le Président,

Nous saluons les développements récents qui se sont produits en République populaire démocratique de Corée. La fermeture de la centrale de Yongbyon et la mise en œuvre des mesures de surveillance et de vérification par l’AIEA constituent un premier pas vers la mise en conformité avec ses obligations internationales et la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Il importe de poursuivre dans cette voie : le Luxembourg appelle la RPDC à mettre en œuvre la résolution 1718 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, à démanteler complètement son programme nucléaire de façon vérifiable et irréversible et d’appliquer à nouveau le TNP avec effet immédiat.

Autre sujet d’inquiétude, l’Iran. Si l’accord qui vient d’être conclu entre le Secrétariat de l’AIEA et la République islamique d’Iran sur la mise en œuvre de l’accord de garantie va dans la bonne direction, et que je voudrais assurer le Directeur général M. ElBaradei de notre ferme soutien pour ses efforts soutenus en vue de parvenir au règlement des questions en suspens, nous notons toutefois avec préoccupation que l’Iran n’a toujours pas pris les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec les trois résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations Unies, notamment s’agissant de la suspension de toutes les activités liées à l’enrichissement. Je lance un appel à l’Iran d’y donner enfin suite et de suspendre toute activité liée à l’enrichissement. Ce n’est qu’ainsi qu’un « double time-out », tel que suggéré par le Directeur général, peut être envisagé.

Il est politiquement inopportun d’évoquer la possibilité d’une guerre avec l’Iran et dire que le monde devrait « se préparer au pire ». Au contraire, il s’agit d’éviter à tout prix une intervention militaire, donc d’explorer toutes les voies de l’arsenal diplomatique avec intelligence et patience. L’accord entre l’AIEA et l’Iran en fait partie. Il incombe à l’Iran de respecter et de mettre en œuvre l’accord dans les prochaines semaines. J’encourage l’Iran à accepter l’offre faite par l’UE en 2006, tout en honorant les efforts du Haut Représentant de l’Union européenne Solana, entrepris au nom des six (Etats-Unis, Russie, Chine et les trois pays de l’UE (France, Allemagne, Royaume-Uni)). Mettre en cause la solidarité internationale, le cadre d’action des Nations Unies et les positions élaborées dans le passe récent, seraient, diplomatiquement parlant, suicidaires pour les intérêts de la Communauté internationale.

Monsieur le Président,

La possibilité de l’utilisation d’armes nucléaires ou d’engins explosifs à dispersion radiologique par des terroristes a fait agir la communauté internationale. Le Luxembourg soutient pleinement les mesures destinées à éviter l’accès de groupes terroristes à de telles armes.

Au cours du premier semestre 2005, la Présidence luxembourgeoise de l’UE a ainsi activement œuvré en vue de l’amendement de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Par ailleurs, mon pays vient de rejoindre l’Initiative globale de lutte contre le terrorisme nucléaire.

Cette action du Luxembourg s’inscrit dans le cadre de la stratégie contre la prolifération des armes de destruction massive de l’Union européenne. Celle-ci vise à renforcer le système multilatéral des traités de non-prolifération et de désarmement dans toutes ses composantes. Nous apprécions beaucoup l’engagement de l’AIEA dans les initiatives pertinentes.

Monsieur le Président,

En tant qu’Etat partie du TNP, nous reconnaissons à chaque Etat le droit d’utiliser l’énergie nucléaire pour faire face à la demande croissante en énergie. La politique de mon pays en matière d’énergie nucléaire est claire, nous avons choisi de ne pas produire de l’énergie nucléaire pour nos besoins énergétiques. Le nucléaire n’est pas la réponse à toutes les questions énergétiques ; en conséquence, chaque pays doit se poser la question si le nucléaire représente pour lui une option viable. Toutefois nous sommes conscients de ce que la demande d’accès au combustible nucléaire et l’approvisionnement en uranium enrichi connaîtront probablement un développement important dans les prochaines années. Il faudra éviter la multiplication incontrôlée des centres d’enrichissement et les tentatives d’utiliser la maîtrise de cette technologie à des fins militaires.

A cet effet, je salue l’initiative de l’AIEA et les options présentées par différents Etats, et notamment l’Union européenne, pour mettre en place un mécanisme multilatéral ouvrant aux Etats un accès assuré au combustible nucléaire, idéalement, de notre point de vue, sous forme d’une banque de combustible sous les auspices de l’AIEA. Grâce à un tel mécanisme, on pourrait fournir du combustible à chaque Etat qui présenterait un programme civil crédible, transparent, soumis à un régime de contrôle strict, à la seule condition du respect du régime de non-prolifération. L’événement spécial qui a eu lieu sur ce sujet en marge de la dernière Conférence générale et auquel ma délégation a pu participer, ainsi que le rapport du Directeur général énumérant les différentes options possibles vont dans la bonne direction. J’encourage l’Agence et les Etats concernés de s’engager dans des discussions fructueuses pour mettre sur pied un tel mécanisme.

Monsieur le Président,

Mon pays n’a pas d’installation nucléaire sur son territoire mais, du fait de sa situation géographique et de la proximité de centrales à ses frontières, mon pays attache une importance particulière à toutes les questions relatives à la sûreté nucléaire. Le Luxembourg dispose d’un plan particulier d’intervention en cas d’accident nucléaire. Le plan d’urgence fait régulièrement l’objet d’exercices nationaux, bilatéraux et internationaux.

Une utilisation pacifique de l’énergie nucléaire par un pays va de pair avec la protection de ses citoyens et de son environnement. L’accident de Tchernobyl, il y a plus de vingt ans, avait clairement révélé un manque de coopération internationale, aussi bien dans la prévention d’accident que dans la gestion de crise.

Il me tient à cœur de souligner l’importance que revêt la poursuite d’une coopération internationale en vue de renforcer la sûreté nucléaire, la gestion sûre des déchets, la protection physique des matières nucléaires et la coopération en situation d’urgence radiologique. J’invite les Etats qui n’ont pas encore adhéré à l’ensemble des conventions pertinentes à le faire aussitôt que possible et à appliquer intégralement les engagements qui en découlent et de profiter, comme mon pays le fait, de cet échange indispensable d’expertise.

De son côté, le Luxembourg a toujours cherché et soutenu un dialogue international et mon pays a conclu des accords bilatéraux avec la France et la Belgique qui nous garantissent une étroite collaboration sur tous les aspects de la sûreté nucléaire.

Monsieur le Président,

Le programme de coopération technique de l’Agence est l’un des instruments les plus efficaces pour aboutir au développement nucléaire à des fins pacifiques. L’application de la technologie nucléaire et l’utilisation d’isotopes notamment dans le domaine de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, l’agriculture, l’hydrologie et la médecine ont pour objectif d’améliorer la qualité de vie dans de nombreux pays en voie de développement. Le Luxembourg salue les nombreux progrès déjà réalisés dans ce sens par la coopération technique et encourage l’Agence de continuer, voire même de renforcer ses activités. A l’instar des années passées, vous pourrez compter sur le soutien actif du Luxembourg.

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames, Messieurs,

En conclusion, j’aimerais réitérer encore une fois le soutien de mon pays aux activités de l’Agence et lui formuler tous les vœux de succès dans l’accomplissement de son importante mission.

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