Jean Asselborn, "L'avenir entre nos mains - Les changements climatiques: un défi à relever pour nos dirigeants". Discours à l'occasion de la réunion de haut niveau de l'ONU consacrée au changement climatique, New York

Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de féliciter le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon d’avoir convoqué cette réunion. Le sujet mérite en effet notre plus haute attention. Nous savons qu’à défaut d’une action urgente, efficace et solidaire, nous subirons tous, tôt ou tard, les conséquences dévastatrices du réchauffement global. Or, nous disposons aujourd’hui déjà en bonne partie du savoir-faire, des instruments et des moyens nécessaires pour y faire face. Prévenir le changement climatique n’est pas gratuit, mais tout retardement des efforts de réduction des émissions ne fera qu’augmenter les coûts globaux pour la société.

Monsieur le Président,

Il ne fait pas de doute que nous devons lutter sur deux fronts : renforcer l’adaptation au changement climatique, et prévenir les causes-mêmes du réchauffement global, tout en sachant qu’à défaut d’efforts accrus en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nos capacités d’adaptation atteindront très vite leurs limites.

Bon nombre des technologies requises pour faire baisser les émissions sont disponibles à ce jour. A nous de créer un cadre approprié d’incitations pour encourager leur diffusion, pour stimuler le progrès technologique, pour orienter les investissements vers des options plus durables. Ceci vaut surtout pour les domaines de l’approvisionnement en énergie et de l’industrie, où la durée de vie des investissements est souvent très longue. Les marchés du carbone, que nous devons à tout prix étendre, sont un des moyens essentiels pour y contribuer. Un marché mondial du carbone présuppose un régime multilatéral efficace, avec des objectifs de réduction des émissions juridiquement contraignants pour les pays industrialisés, et un encadrement législatif approprié. Des mécanismes flexibles renforcés, dont plus particulièrement le mécanisme pour un développement propre, seront amenés à jouer un rôle important dans ce contexte.

Les principales faiblesses actuelles des marchés du carbone, auxquelles nous devons remédier au plus vite, proviennent d’un côté de l’absence d’un engagement politique à long terme de réduire les émissions, assorti d’engagements juridiquement contraignants à moyen terme, et d’un autre côté de la non-participation de plusieurs acteurs majeurs dans ces marchés. Notre objectif doit consister avant tout à donner confiance aux investisseurs.

En amont, les efforts du secteur public en matière de recherche et développement devront être accentués. Il revient aussi aux gouvernements de mettre en place, à côté des marchés du carbone, tout un ensemble de conditions pour inciter le secteur public à investir dans les technologies propres. Je pense notamment à des mesures de nature fiscale, aux subventions, à des normes renforcées en matière d’efficacité énergétique, à la promotion de partenariats avec le secteur privé, sans oublier l’aspect non négligeable de la sensibilisation des citoyens.

Nous devons absolument surmonter l’apparente mais non justifiée opposition entre le renforcement de la croissance et le développement économique d’une part, et une utilisation plus rationnelle et plus économe des ressources naturelles d’autre part.

Monsieur le Président,

La dégradation de l’environnement, la déperdition des ressources naturelles et le caractère - dorénavant inéluctable - du changement climatique représentent un frein, sinon un obstacle à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement et risquent de réduire à néant les tendances positives constatées dans beaucoup de pays en développement. La qualité de l’environnement est également un facteur essentiel pour assurer un développement économique et social harmonieux à long terme.

Il est de ce fait urgent d’agir rapidement et collectivement. En effet, la lutte contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement doit se concevoir collectivement dans le cadre international fixé par l’Agenda 21, le Plan de Mise en Œuvre du Sommet Mondial pour le Développement Durable, la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification, la Convention-cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique, la Convention sur la diversité biologique et par les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Il est surtout nécessaire de tenir compte du fait que les pays en développement sont particulièrement exposés aux menaces que fait peser le changement climatique sur le développement économique et social, dans la mesure où leurs économies sont souvent plus dépendantes de ressources environnementales et qu’ils ne disposent pas d’autant de moyens que les pays développés, pour mener des politiques d’adaptation au changement climatique.

En concordance avec le septième Objectif du Millénaire pour le Développement – qui vise à assurer un environnement durable et à réduire la déperdition des ressources nationales – la Coopération luxembourgeoise inclut les questions environnementales parmi ses priorités transversales, à la fois dans les discussions politiques et stratégiques avec les autorités de ses pays partenaires privilégiés et dans la mise en œuvre de ses programmes de coopération.

Les pays industrialisés devront non seulement continuer à assurer leur rôle de leader dans un futur régime pour ce qui est de la diminution de leurs propres émissions ; ils devront aussi se montrer solidaires envers les pays en voie de développement, souvent les plus exposés aux conséquences du changement climatique.

Un exemple parlant est peut-être celui de la coopération entre le Grand-Duché de Luxembourg et le Burkina Faso, dans le cadre de laquelle l’environnement et la gestion des ressources naturelles sont couverts à travers un projet d’aménagement participatif de forêts. Ce projet constitue une illustration concrète d’une activité qui allie la lutte contre la déperdition des ressources naturelles et contre la désertification – par une gestion durable et participative des ressources naturelles – aux activités génératrices de revenus et à une sensibilisation des populations locales aux enjeux de la protection environnementale.

A la prochaine conférence des Parties, nous devons examiner de nouveaux moyens de mobilisation de ressources supplémentaires pour financer les projets d’adaptation indispensables, en particulier dans les pays les moins avancés ainsi que dans les pays insulaires les plus vulnérables. L’Union européenne s’est en tout cas déclarée prête à poursuivre et à renforcer son soutien à ces pays afin de les aider à réduire leur vulnérabilité et à s'adapter au changement climatique. Cette aide devrait à mes yeux consister entres autres à assister ces pays à l’élaboration et la mise en œuvre de leurs programmes d’action nationaux d’adaptation, à fournir des mesures d’incitation économique en faveur de la protection des forêts, à faciliter l’accès de ces pays aux projets du mécanisme pour un développement propre, tout comme à améliorer leur préparation aux catastrophes naturelles. De manière générale, il conviendra d’assister les pays en voie de développement à intégrer systématiquement le changement climatique dans les stratégies de réduction de la pauvreté.

La mise à disposition de ressources financières, le transfert de technologies modernes permettant de sauvegarder l’environnement, et la nécessité de construire des capacités de développement propres dans les pays en voie de développement constituent le corollaire logique des engagements politiques de ces pays.

Le Luxembourg a la ferme volonté de continuer à aller de l’avant. A Kyoto, nous nous sommes engagés à réduire nos émissions de CO2 de 28 %. Objectif ambitieux et difficile à réaliser. Au niveau national, nous avons mis en place un programme de promotion des économies d’énergie et des énergies renouvelables. Ainsi, en moins de 3 ans, notre pays est devenu le leader mondial en ce qui concerne la puissance photovoltaïque installée par habitant, avec plus de 50 Watt par habitant. Aussi, nous venons de restructurer la taxe perçue sur les véhicules routiers. Cette taxe, en application du principe pollueur – payeur, est désormais calculée sur base des émissions de CO2. Les recettes supplémentaires ainsi générées, ainsi que celles en provenance d’un relèvement du taux des accises sur les carburants, seront affectées au fonds de financement des mécanismes de Kyoto que nous avons créé en 2004. Ce fonds, doté en 2007 de 100 millions d’euros, aura à sa disposition près de 600 millions d’euros sur la période 2007-2012 et nous permettra, à côté de nos efforts nationaux, de participer à des projets CDM et JI. Ces projets devront s’inscrire dans la logique de notre aide publique au développement, qui atteint actuellement 0,89% de notre PIB, et qui s’adresse en grande partie aux pays les plus démunis.

Monsieur le Président,

Nous avons le devoir de lancer un processus aboutissant à un nouveau régime climatique multilatéral à la fois équitable et efficace d’un point de vue environnemental et économique. Seule une approche basée sur la solidarité, la responsabilité partagée et la coopération entre toutes les Parties nous permettra d’y arriver, dans l’intérêt de nous tous et des générations futures.

L’avenir est entre nos mains ; à nous d’en faire l’héritage d’une génération qui a su réagir à temps face à une menace sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

Je vous remercie.

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