François Biltgen, Discours à l'occasion de la cérémonie des HR Awards

Mesdames et Messieurs les organisateurs de HR One,
Cher Monsieur Roden,
Madame la Commissaire du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs,

Comme toutes les années c’est un grand plaisir pour moi que d’ouvrir la journée HR qui rassemble presque 800 responsables du domaine appelé des ressources humaines. Votre journée est devenue une belle tradition et un rendez-vous important. Il y a donc un besoin manifeste, pour employer un beau terme français, de créer un network entre professionnels. Ce réseau intéresse aussi les autorités publiques compétentes, en ce qu’il leur permet de prendre acte des réflexions des professionnels, mais aussi de faire passer certains messages.

J’en saisis une nouvelle fois l’occasion.

Les sujets que vous comptez traiter sont hautement intéressants aussi pour le ministre du travail et de l’emploi. En effet, les besoins en main d’oeuvre, l’employer branding et la gestion de la diversité sont autant de points qui rentrent, d’une manière ou d’une autre, dans le champ d’application du sujet que je voulais aborder aujourd’hui. Il en est de même d’ailleurs de certains aspects "RH" d’une réorganisation voire restructuration que ne manquera certainement pas d’aborder votre invité d’honneur.

Je voulais en effet vous dire quelques mots au sujet de ce qu’on appelle, par une expression assez barbare, la flexicurité. Le débat entre dans la dernière ligne droite, tant au niveau europèen, où le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de décembre sera appelé à formuler ses recommandations, qu’au niveau national, où le Conseil économique et social, organe tripartite, est saisi du sujet et travaille actuellement sur son avis.

Je suppose par ailleurs que le sujet pourra aussi intéresser les responsables des ressources humaines qui seront appelés à en discuter avec leur hiérachie et leurs fédérations et qui devront négocier avec les partenaires sociaux les éléments de mise en oeuvre pertinents pour leur entreprise ou leur secteur.

Il m’est apparu nécessaire d’aborder le sujet sur cette tribune, parce que le débat me semble totalement biaisé au Luxembourg, en ce que tant les employeurs que les syndicats semblent défendre des positions qui ne correspondent nullement au vrai contenu de la notion, ni aux résultats qu’on peut attendre de la mise en oeuvre du concept.

Les uns, les employeurs et leurs fédérations, réduisent souvent la notion au seul aspect de flexibilité, et notamment à la manipulation du droit du travail et les autres, les syndicats, ressentent la notion de flexibilité comme voie à sens unique dans l’intérêt des employeurs et redoutent précisément le démantèlement du droit du travail par le biais de la flexicurité.

Ce dialogue de sourds risque de nous priver d’un débat constructif que le concept et son éventuelle utilité méritent sans doute, d’autant si l’on sait que la définition des contours de la notion et ses éventuelles applications possibles au Luxembourg relèvent très largement du dialogue social plutôt que de l’intervention ex cathedra des pouvoirs publics.

Un récent document de la Fondation européenne de Dublin pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, appelé "Typology of working time flexibility", démontre d’ailleurs qu’en pratique, une bonne flexibilité arrangeant toutes les parties, comme en peut en trouver en Scandinavie, n’existe presque pas au Luxembourg. 23% des entreprises ont une flexibilité faible, 43% des entreprises ont une flexibilité moyenne, et, pour la moitié en ce qui concerne les heures supplémentaires, alors que 21% des entreprises connaissent une flexibilité haute orientée sur l’entreprise et uniquement 13% une flexibilité haute orientée sur les salariés.

Sur base de ce constat préliminaire, je voudrais commencer par vous dire ce que la notion de flexicurité ne peut pas être, aux yeux du gouvernement luxembourgeois, avant de vous dire ce que le concept pourra être.

Mesdames, Messieurs

La notion de flexicurité ne peut en aucun cas être le simple prétexte à un démantèlement du droit du travail, avec l’argument que les entreprises ont besoin de plus de flexibilité. Je m’opposerai jusqu’au bout à toutes les tentatives de réformer le droit des licenciements, d’abandonner l’obligation de motivation d’un licenciement voire d’introduire un renversement de la charge de la preuve en cette matière. De telles tentatives non seulement n’apporteront rien à la solution des problèmes d’emploi et de chômage, mais bloqueront dès le départ toute discussion constructive, et je dirai même, ce à juste titre.

J’ai dit que la simple libéralisation du droit du travail, surtout en matière de droit du licenciement, n’apporterait rien. En effet, comme l’analyse des chiffres luxembourgois sur le marché du travail le prouve - notre chômage est structurel et non conjoncturel -, ce ne sera pas une libéralisation de la législation sur les licenciements qui créera plus d’emplois, ni ne réduira le taux de chômage.

Je laisse ouverte la question si une libéralisation du droit du travail permettra à plus d’outsiders d’intégrer le marché de l’emploi tout en ne mettant pas les insiders à la merci de l’arbitraire de l’employeur. En effet, si je lis attentivement les statitiques sur le marché du travail je ne pense pas que nous ayons un problème d’insiders/outsiders. Même si les jeunes mettent quelques semaines de plus qu’il y a deux ou trois ans pour intégrer le marché du travail, je n’y décèle pas, surtout au regard du taux de chômage qui reste bas, une problématique d’insiders ousiders. Je concède que le faible taux d’emploi des travailleurs âgés (cette catégorie débute avec la tranche d’âge des plus de 50 ans, parfois même de 45 ans) pourrait être décliné en termes d’outsiders, même s’il nous faudrait plus d’analyses à ce sujet. Je conteste cependant que plus de travailleurs de cette catégorie d’âge seront embauchés si on affaiblit la protection contre le licenciement. Il y a d’autres mécanismes notamment de politique active de l’emploi qui peuvent aider les employeurs, dont le recours au contrat à durée déterminée qui est plus ouvert qu’on ne le dit souvent pour l’embauche de certaines catégories de personnes, le recours aux stages et au contrat d’initiation-emploi, qui justement permet de tester une personne sans toutes les contraintes du droit du travail pendant une année, à des coûts réduits, tout en offrant une perspective d’emploi réelle au demandeur d’emploi, etc etc. Je constate toujours que ces instruments sont top peu utilisés.

Vous me direz, oui, mais qu’en est-il de la question de plus de flexibilité pour les entreprises? Là encore je vous renvoie aux dispositifs législatifs existant en matière d’organisation du travail et de temps du travail, voire des possibilités assez larges d’ouverture à un contrat à durée déterminée voire, dernière solution pour moi, le travail intérimaire.

Je m’inscris par contre totalement en faux contre cette idée simplificatrice et réductice consistant à dire que la flexibilité se décline simplement en termes de libéralisation des procédures de licenciement. Le droit du travail actuel contient des éléments de flexibilité (cdd, travail intérimaire, organisation du travail etc) qui permettent de trouver des solutions: celles-ci doivent certes être négociées, mais le partenariat social est de toute évidence le seul levier viable dans toute la discussion sur la flexicurité. Sans dialogue social l’idée ne sera pas soutenue et restera lettre morte même s’il savérait que le concept pourrait servir les intérêts communs des salariés et des entreprises dans certains cas bien déterminés.

La flexicurité ne peut pas non plus être une simple transposition d’un modèle étranger (on cite souvent le "golden triangle" danois, à savoir, large possibilité de hire and fire, solides politiques actives de l’emploi, y compris de formation, et protection sociale élevée aussi en termes de revenu). En effet les contextes historiques et socio-culturels sont si différents d’un pays à l’autre, de même que les problèmes à résoudre, que la transposition d’un modèle restera un simple exercice théorique. D’ailleurs la communication de la Commission du 27 juin 2007 le dit aussi. Ceci dit, je constate que très souvent les défenseurs et les adversaires du modèle danois n’en citent qu’un seul des éléments constitutifs. Oui, il y n’y a pas de protection légale contre licenciement. Mais le dialogue social et les conventions collectives l’ont réintroduite en partie. Car le dialogue social développé au Danemark est un modèle de partenariat social au plus haut niveau. Et puis, c’est un modèle très cher de par sa politique de protection sociale et d’activation qui allient élémets incitatifs et sanctions.

La flexicurité ne sera pas non plus la panacée ou la solution universelle mais un simple instrument pour arriver à une combinaison avantageuse, pour toutes les parties, de plus de flexibilité, mais aussi de plus de sécurité. D’ailleurs, et je reviendrai à ce point, essentiel : la flexicurité n’est pas une vois à sens unique mais peut servir les intéêts communs ou complémentaires des entreprises et des travailleurs.

Et j’en arrive donc à ce que la flexicurité peut contribuer à réaliser.

Mesdames, Messieurs

Je me permets de vous renvoyer dans ce contexte à la communication de la Commission européenne du 27 juin 2007: "Vers des principes communs de flexicurité". Je vous prierai de considérer cette communication, très bonne dans son équilibre, comme la base de la discussion actuelle.

La Commission considère la flexicurité comme un instrument destiné à trouver la bonne balance entre des situations d’emploi flexibles et des transitions sécurisées entre emplois, notamment en vue de créer des emplois et des emplois de meilleure qualité, ce que le vice chancelier allemand Franz Muentefering appelle "gute Arbeit", du travail décent selon la terminologie du Bureau international du travail , l’idée étant de ne plus considérer flexibilité et sécurité comme opposées mais comme complémentaires.

La flexicurité concerne aussi des modèles d’organisation du travail flexibles dans le cadre desquels les travailleurs peuvent combiner leurs responsabilités professionnelles et familiales, où ils peuvent consacrer du temps à la remise à niveau de leurs compétences et la formation professionnelle continue sur base d’un horaire de travail flexible.

L’idée concerne par ailleurs les possibilités de donner aux employeurs et aux travailleurs, donc les deux, un environnement du travail plus flexible notamment en vue de transitions dans l’emploi.

La flexicurité signifie encore "sécurité dans l’emploi", donner aux personnes l’encadrement légal et, surtout, les formations nécessaires lors des transitions de carrière, tout en les faisant bénéficier d’indemnités de chômage ou de prestations sociales élevées pour leur assurer la sécurité nécessaire durant les périodes de transition au cas où il devraient passer par une période de chômage et n’auraient pas les possibilités de rester dans un emploi.

Je voudrais en tirer dès le début quatre constatations:

  1. La flexicurité n’est pas un simple trade off entre flexibilité et sécurité, un marchandage bon marché entre les deux composantes, mais est conditionnée par des arrangements négociés où flexibilité et sécurité sont les deux côtés d’une médaille, donc nécessairement complémentaires. Je donne toujours l’exemple suivant: la flexicurité ne peut pas signifier que là une protection de droit du travail importante existe, on n’aurait pas besoin d’investir dans la formation ou vice versa: non, il s’agit de trouver dans chaque cas la bonne balance dans les systèmes négociés adaptés à chaque situation nationale voire d’entreprise.
  2. La flexicurité n’est pas faisable suivant le schéma "one size fits all". La Commission le reconnaît dorénavant elle-même; le schéma de flexicurité doit être adapté à chaque cas, à chaque problème, à chaque pays.
  3. La flexicurité est nécessairement dans l’intérêt des deux parties : et cela devrait vous intéresser particulièrement en tant que responsables du personnel: une entreprise peut avoir besoin de flexibilité, le travailleur certainement aussi (conciliation vie familiale et professionnelle, formations à faire, éléments de vie privée, comme congé sabbatique, etc. …).

    Cependant dans le même esprit, tant l’entreprise que les travailleurs ont besoin de sécurité: le travailleur évidemment, pour se sentir en sécurité dans le cadre de relations contractuelles qui ne le mettent pas à la merci de chaque soubresaut conjoncturel ou structurel, l’entreprise aussi, et j’y insiste, pour laquelle des travailleurs sécurisés, dans l’entreprise ou lors des transitions, sont un facteur de production compétitif et efficace; sécurité signifie aussi motivation, donc productivité!

    Je vous donne un exemple qui devrait vous donner à réfléchir en tant que responsables du personnel, exemple d’ailleurs tiré du fameux modèle danois: au Danemark le système de flexibilité combiné à un certain degré de sécurité engendre ce qu’on appelle le "job hopping": un quart de la main d’oeuvre change volontairement d’emploi chaque année, ce qui engendre pour les entreprises danoises un perte de know how permanente, de même que des coûts de formation exorbitants: la fidélisation des salariés me semble donc une voie alternative qui sera certainement bénéfique aussi aux entreprises. Toujours dans ce modèle danois, un tiers (800.000 salariés) de la population active passe chaque année par au moins une période de chômage: est-ce que nous voulons un tel système, le financement revenant d’ailleurs largement aux entreprises? Je conseille donc la plus grande prudence en parlant de trop de flexibilité.

    Ce qui m’amène à répéter - et je crois que beaucoup d’entre vous le savent - que la fidélisation des salariés reste un souci permanent des entreprises, surtout en période de boom. Donc il faut les retenir, et non pas les inciter à partir. Et il faut les retenir par des considérations autres que l’inflation des salaires. Comme l’a écrit aujourd’hui votre DRH de l’année passée, Vinciane Istace "La surenchère salariale est un refuge facile mais pernicieux… Il faut apporter un plus pour garder un élément sur le long terme." C’est ce que j’appelle la politique de "bien-être au travail".

  4. Finalement la flexicurité, pour qu’elle fonctionne, ne peut être imposée mais doit être négociée entre partenaires sociaux aux niveaux appropriés.

La flexicurité ne peut être apportée par les lois. Elle ne peut fonctionner que dans un cadre de dialogue social soutenu et complet, et ceci à tous les niveaux.

Mesdames, Messieurs,

La flexicurité a donc quatre grandes composantes, se décline donc en quatre grands principes que chaque Etat doit mettre en oeuvre selon ses problèmes et son approche politique.

1) La recherche de relations contractuelles assez flexibles, mais fiables, et ce dans l’intérêt des deux parties, selon les problèmes constatés dans chaque situation précise.

Ces relations plus flexibles peuvent contribuer à résoudre un problème d’insiders/outsiders, là où il existe: donc aider les personnes employées dans des contrats à durée déterminée ou précaires, notamment intérimaires, ou qui sont sans emploi (les outsiders), et qui viennent d’ailleurs souvent de groupes appelées à risque sur le marché de l’emploi, dont les femmes, les jeunes, notamment peu qualifiés, les personnes plus âgées ou encore les migrants, à trouver des emplois stables.

Je donne comme exemple l’Espagne, qui a radicalement combattu le fléau de la surcote de contrats précaires (35% à l’époque) en instituant des contrats à durée indéterminée après deux ans de travail déterminé ou intérimaire, respectivement deux renouvellements de tels contrats, et en réduisant dans ce cas le délai de préavis de 45 à 33 jours par année de travail; dans cet arrangement trouvé entre partenaires sociaux, tant les travailleurs que les entreprises trouvent leur compte: depuis 2005, 1 million de contrats à durée indéterminée ont été ainsi conclus en Espagne.

Des organisations du travail modernes devraient augmenter le taux de satisfaction dans l’emploi et rendre par là même les entreprises plus productives et compétitives.

Finalement dans ce contexte, la flexicurité doit aider les insiders avec des contrats à durée indéterminée de se préparer à des changements d’emplois notamment en cas de restructurations, souvent inévitables.

On peut donner comme exemple la législation luxembourgeoise sur le maintien dans l’emploi (loi du 22 décembre 2006: articles L. 513-1 et suivants du Code du travail): en cas de licenciements économiques de 5 personnes au cours de 3 mois ou de 8 licenciements au cours de 6 mois, qui doivent désormais être signalés au secrétariat du comité de conjoncture, le comité de conjoncture peut inviter, après examen approfondi de la situation dans l’entreprise, les partenaires sociaux aux niveaux appropiés, à négocier un plan de maintien dans l’emploi, avant toute négociation de plan social, le but étant d’éviter aux salariés de devoir passer par la "case chômage" et de rester dans un emploi au sein de l’entreprise ou dans une autre entreprise. Différents instruments doivent être explorés à cette fin, dont des périodes de référence plus longues, le recours à des comptes épargne-temps, des formations ou reconversions en vue d’un emploi tant dans la même entreprise que dans une autre entreprise, l’usage du prêt temporaire de main d’oeuvre, etc. L’Etat accompagne d’ailleurs financièrement beaucoup de ces mesures.

Je crois que chaque entreprise aura intérêt à remplacer dorénavant les plans sociaux par des plans de maintien dans l’emploi. Elle épargnera les indemnités de départ qu’elle pourra investir dans la formation et l’accompagnement des salariés qui quitteront l’entreprise. Et elle se donnera une bien meilleure image d’entreprise socialement responsable. Et aura en plus anticipé la restructuration au lieu de l’avoir repoussée ou subie.

Je renvoie aussi aux possibilités de flexibilisation négociée de l’organisation du travail contenues déjà actuellement dans le code du travail ; évidemment ces modèles sont sujets à des négociations entre partenaires sociaux. Je pense que c’est la seule approche viable ; de toute façon le modèle ne peut vivre que sur base d’une philosophie de "donnant-donnant".

Je ne peux donc qu’inviter à essayer d’utiliser les ouvertures négociées figurant au code du travail, sachant évidemment que la flexibilité le cas échéant obtenue doit être compensée par des éléments de sécurité. Mais je pense qu’il vaut la peine d’innover dans la négociation collective en y intégrant les éléments dont je viens de parler et de s’éloigner de plus en plus de simples négociations salariales.

2) Des stratégies cohérentes de life long learning; la formation tant intiale que continue étant un élément indispensable dans toute discussion sur la flexicurité.

L’idée est que tous les travailleurs atent au moins finalisé des études secondaires, sinon supérieures (alors que 56% des emplois créés au Luxembourg sont des emplois requérant une qualification BAC +), qu’ils développent une variété très large de compétences clé et qu’ils acquièrent de nouvelles connaissances et compétences ou mettent à jour leurs compétences et connaissances par une stratégie de formation continue. Il s’agit donc aussi d’une politique incitant les entreprises à investir plus dans le capital humain et à permettre à leurs salariés de développer leurs connaissances.

Je citerai deux exemples concrets de la législation luxembourgeoise.

D’abord la loi de 1999 sur le soutien de la formation professionnelle continue qui finance largement les plans de formation continue développés par les entreprises ainsi que toute la politique de développement de la formation continue, où il reste beaucoup à faire au Luxembourg.

Et puis, innovation remarquable, qui démontre d’ailleurs que le dialogue social peut conduire à des résultats intéressants pour toutes les parties, l’accord interprofessionnel sur l’accès individuel à la formation continue, coulé entretemps dans le projet de loi sur le congé formation (projet 5337) voté par le Parlement et entrant en vigueur au 1er janvier 2008.

L’accord trouvé au niveau interprofesionnel national tel que déclaré d’obligation générale par le règlement grand ducal du 30 mars 2006 vise l’accès individuel à la formation continue en dehors de la loi de 1999 (accès dit collectif). L’accord vise un droit au congé sans solde pour formation, qui est de 2 années de calendrier par employeur au bénéfice d’un salarié, la durée minimale d’un congé étant de 4 semaines consécutives par année de calendrier et de 6 mois maximum par année de calendrier, le contrat étant évidemment maintenu et suspendu durant cette période.

Cet accord se complète de la loi portant création d’un congé individuel de formation qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain et qui crée un droit au congé individuel de formation payé de 80 jours maximum par travailleur au sours de sa carrière, dont 20 jours au maximum par deux ans, la durée minimale étant de un jour. Le congé est de droit et payé, l’indemnité y relative égale au salaire journalier moyen avec un mâximum de 4 fois le salaire social minimum non qualifié étant remboursée par l’Etat à l’entreprise.

Voilà donc un vrai système de formation tout au long de la vie qui peut soustendre un modèle de flexicurité, ensemble d’ailleurs avec les formations spécifiques s’adressant aux chômeurs.

Dans le cadre des deux premiers éléments de la flexicurité on peut citer aussi les préparatifs de l’introduction d’un compte épargne temps à vie comprenant des possibilités de compte formation, prévu par le projet de loi sur le statut unique ; un avant projet pourrait être finalisé dans les prochains mois, les problèmes techniques étant complexes. Ce compte pourrait être alimenté par des congés dépassant le congé légal, les heures supplémentaires et les jours fériés usuels par exemple; ce sera un modèle visant toute la carrière professionnelle du salarié utilisable à son gré pour motifs privés, de formation, de transition professionnelle etc….

Le gouvernement entend créer un système légal de base que peuvent choisir toutes les entreprises, s’il y a accord entre salariés et employeur. Ce système doit notamment assurer la transférabilité et la transportabilité des droits. Au-delà de ce système légal de base, les conventions collectives peuvent aller plus loin.

3) Ce qui m’amène au troisième élément de la flexicurité, à savoir des politiques actives de l’emploi performantes.

Je renvoie aux récentes réformes des mesures actives dont le contrat appui emploi et le contrat initiation emploi, ce dernier permettant aux entreprises d’embaucher pour une année des demandeurs d’emploi aux fins de formation et dans la perspective d’un emploi, sans contrainte de droit du travail, le contrat étant entre l’ADEM et l’entreprise, et à des conditions financières intéressantes; ces mesures combinent donc facilités financières et juridiques pour l’employeur avec des perspectives presque fixes d’emploi pour les demandeurs d’emploi. Je citerai aussi la réforme en cours de l’ADEM et le projet en cours de coopération entre ADEM et entreprises de ressources humaines, notamment les entreprises intérimaires en vue du placement à long terme surtout de catégories difficles à placer de chômeurs.

Ces éléments de politique active de l’emploi sont indispensables si un modèle de flexicurité doit fonctionner.

4) Reste le quatrième élément constitutif, un système de sécurité sociale performant, la sécurité du revenu étant évidemment essentielle dans un modèle de flexicurité visant notamment les transitions et la sécurité dans l’emploi. Il faut ce filet de sécurité. Le débat concernant le montant et la durée des indemnités de chômage ou encore du revenu minimum garanti est donc en fait un faux débat. Si j’entends réaliser presque toutes les recommandations de l’audit de l’OCDE sur la réforme de l’ADEM, il y a une proposition que je ne réaliserai pas, celle de la modification des indemnités de chômage. Les indemnités de chômage limitées en principe à un an, doivent permettre au demandeur d’emploi de passer le temps dit du "chômage frictionnel", celui de la recherche active d’un nouvel emploi sans devoir subir des chutes trop fortes de ses revenus. Il faut qu’il puisse continuer pendant ce - court - temps à servir ses prêts et à entretenir sa famille.

On ne peut pas tout avoir. Plus de flexibilité ne se fait pas si on démantèle les filets de sécurité.

Mesdames, Messieurs,

Voilà donc les éléments qui doivent rentrer dans le débat sur la flexicurité au Luxembourg qui sera entamé par le Conseil économique et social et aura sans doute des suites au niveau du dialogue social bi- et tripartite.

Dernière remarque à l’attention plus particulière des directeurs du personnel:

En effet on parle de flexicurité interne et externe. Je voudrais notamment porter à votre attention la flexicurité interne à l’entreprise, qui, si elle est bien faite évite parfois le recours à la flexicurité externe. Il n’est pas nécessairement question de changer d’office l’entreprise. La flexicurité est aussi une question d’organisation interne des entreprises et de leur anticipation des changements ou encore de leur gestion prévisionnelle des ressources humaines. Des entreprises bien organisées (et c’est ici que vous intervenez de manière déterminante) sont plus capables de gérer de nouveaux besoins en qualifications et de procédés de production. Cette capacité renforce leur force économique et améliore en même temps les conditions de travail et la qualié de l’emploi. Je suggère des réflexions sur les points suivants: des structures hiérarchiques plus planes, une implication plus prononcée des travailleurs dans la prise de décisions, une grande autonomie des travailleurs dans l’exécution de leurs tâches, et un contenu plus riche des emplois, de même plus d’autonomie dans l‘horaire de travail en vue de combiner travail et vie privée.

Je rappelle, comme la Commission, qu’un modèle unique ne peut être transposable partout et qu’il doit être négocié en fonction des besoins constatés dans un pays ou dans un secteur ou une entreprise.

Je vous renvoie notamment aux annexes de la communication où la Commission décrit, sans en faire des modèles, 4 "pathways" vers la flexicurité qui visent les 4 situations suivantes: segmentation du marché de l’emploi, flexicurité interne et transitions, traiter les "skills and opportunity gaps" et améliorer les chances d’insertion pour les bénéficiaires des prestations sociales et les travailleurs illégaux.

A chaque Etat membre, à chaque structure concernée de cerner ses problèmes et de choisir des modèles adaptés.

Je suis ouvert à toute discussion constructive au Luxembourg.

Merci de votre attention.

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