Jean Asselborn, discours à l'occasion de la 15e réunion du Conseil ministériel de l'OSCE, Madrid

Monsieur le Président,
Chers collègues,

Comme d’aucuns l’ont déjà souligné, nous sommes à quelques jours de plusieurs échéances importantes qui sont susceptibles d’affecter la situation sécuritaire sur notre continent européen. Nous devons dès lors redoubler nos efforts et travailler ensemble en vue de consolider le rôle de notre Organisation et de la mettre en mesure de répondre à ces nouveaux défis.

Kosovo

Dans moins de deux semaines, la troïka du Groupe de Contact remettra son rapport sur les négociations directes qu’elle a menées avec les parties au sujet du statut futur du Kosovo. Je ne vais pas m’attarder à des spéculations sur ce qui va se passer après le 10 décembre - nous en avons déjà largement discuté lors de notre déjeuner hier. Je soutiens la proposition de Bernard Kouchner de prendre en compte la date de l’élection du Président serbe, à la mi-janvier 2008, dans le processus de décision sur le statut du Kosovo. Mais j’aimerais souligner à mon tour que je me refuse à croire que l’OSCE, la seule organisation de sécurité qui réunit tous les pays du continent européen, n’aurait pas un rôle important à jouer dans l’avenir du Kosovo. Et je pense surtout à la mission de l’OSCE au Kosovo, la plus grande entreprise de notre Organisation qui, avec plus de 1.000 personnes, joue un rôle critique pour la stabilité d’un Kosovo pacifique et apporte une contribution de grande valeur à toutes les parties. Voilà pourquoi je plaide à mon tour pour prendre, ici à Madrid, l’engagement de poursuivre les activités de l’OMiK et de proroger son mandat au-delà de la fin de l’année, quelle que soit l’issue des négociations sur le statut du Kosovo.

FCE

Nous sommes également confrontés à la décision de la Fédération de Russie de suspendre, à partir du 12 décembre prochain, la mise en œuvre du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe. En assurant l’équilibre des forces conventionnelles, le régime institué par ce Traité a amélioré la situation sécuritaire non seulement des Etats parties mais de tous les Etats du continent européen. Il est donc de notre devoir de le préserver. Aussi espérons-nous que les négociateurs sauront faire preuve de suffisamment de créativité et de flexibilité pour trouver des solutions aux préoccupations soulevées au cours de la Conférence extraordinaire du mois de juin, que le Luxembourg a eu l’honneur de présider. Ces solutions doivent évidemment prendre en compte les besoins sécuritaires de tous les Etats parties au Traité. En attendant de nous mettre d’accord sur ces solutions, nous devons, ici à Madrid, réitérer la validité du régime FCE et convenir de tout mettre en œuvre afin de créer la base pour la ratification de l’Accord d’adaptation pour tous les Etats parties.

Conflits gelés

Je fais appel au sens global des responsabilités et à la volonté politique nécessaires pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent encore et toujours les conflits en Ossétie du Sud, au Haut-Karabagh et en Transnistrie. La persistance de ces conflits met à mal la crédibilité de notre Organisation. Hélas, depuis la dernière réunion ministérielle à Bruxelles, il y a eu certes des mouvements mais pas d’avancée ni de véritable progrès en vue d’une solution. Il y a même eu un regain sérieux des tensions en Ossétie du Sud depuis l’incident missile de l’été dernier qui a montré que la capacité de réaction de l’OSCE était perfectible même si notre Organisation dispose déjà de tout un éventail d’instruments nécessaires pour faire face à ce genre de crise. Il convient de rafraichir les procédures et mécanismes existants et de poursuivre la discussion à ce sujet sur base notamment du papier de réflexion de la Présidence-en-exercice.

Convention sur la personnalité juridique

L’année dernière j’avais regretté que l’absence de capacité juridique de l’OSCE entravait ses relations avec d’autres acteurs et présentait des inconvénients incontestables. Aujourd’hui, nous disposons d’un projet de Convention sur la personnalité juridique internationale dont la substance bénéficie d’un soutien unanime grâce aux efforts remarquables de la Présidente néerlandaise du Groupe de travail, que j’aimerais féliciter ici. Ce serait vraiment dommage si nous ne réussissions pas à saisir cette opportunité pour mener à bon port cette Convention en l’adoptant maintenant.

Présidences futures

Je me félicite que nous sommes prêts à trouver un accord sur les Présidences de notre Organisation en 2009, 2010 et 2011. Cet accord permettra à l’OSCE d’envisager son avenir de manière plus sereine et de mieux planifier ses activités à long terme. J’aimerais d’ores et déjà adresser mes meilleurs vœux à la Grèce, au Kazakhstan et à la Lituanie pour l’exercice de ces responsabilités importantes.

Afghanistan

Je salue également la décision d’étendre le champ d’action de notre Organisation en renforçant la coopération avec l’un de nos pays partenaires, l’Afghanistan. L’assistance de l’OSCE devrait apporter une réponse appropriée aux nouvelles menaces à la sécurité, tel le trafic des stupéfiants aux proportions alarmantes, qui se posent aux frontières de l’Afghanistan avec trois de nos Etats participants. Cette nouvelle initiative devra tirer pleinement profit de l’expertise et de l’expérience dont dispose l’OSCE, notamment dans les domaines de la police et du renforcement de la sécurité aux frontières.

Revitalisation du dialogue dans la dimension politico-militaire

J’aimerais exprimer notre reconnaissance au Forum pour la Coopération en matière de Sécurité pour sa contribution inlassable au renforcement de la première dimension de notre Organisation. Le dialogue sur la sécurité et la mise en œuvre des mesures de confiance existantes a regagné en vitalité au cours de l’année écoulée. Les efforts entrepris dans les domaines de la lutte contre le trafic illicite des armes légères et de petit calibre et de l’élimination des stocks de munitions conventionnelles en excès, de même que dans la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies dans la lutte contre le terrorisme doivent être maintenus. Nous soutenons enfin l’initiative du Forum pour une meilleure mise en œuvre du Code de conduite sur les affaires politico-militaire de la sécurité.

Stratégie sur l’environnement et la sécurité

Aujourd’hui plus que jamais les questions environnementales figurent tout en haut de l’agenda de la communauté internationale. Il est par conséquent tout à fait approprié que la Présidence espagnole ait pris l’initiative d’une déclaration sur l’environnement et la sécurité en vue de mobiliser et de coordonner les capacités dont dispose l’OSCE afin de faire face aux nouveaux défis sécuritaires liés à l’environnement. Cette initiative a aussi comme mérite de contribuer au renforcement de la dimension économique et environnementale de notre Organisation.

Monsieur le Président,

Dimension humaine - Préserver l’autonomie du BIDDH et l’apport des ONG

Cette année nous sommes confrontés à des tentatives qui visent à remettre en cause la crédibilité de notre Organisation ainsi que certains de ses acquis les plus précieux: l’autonomie et les moyens d’action du BIDDH en matière d’observation des élections et le dialogue franc et ouvert avec la société civile.

L’autonomie d’action du BIDDH est gage de sa crédibilité et, en remettant celle-ci en cause, nous revenons sur les progrès que nous avons réalisés ensemble à travers des engagements qui vont au cœur de l’objet de cette Organisation. Toute tentative de remettre en cause ces engagements trouvera notre opposition ferme. Tout au long de l’année, le BIDDH a fait rapport des mesures qu’il a prises pour mettre en œuvre les recommandations de la décision 19/06 adoptée à Bruxelles et il s’est ainsi pleinement acquitté de ses obligations.

L’autonomie et la crédibilité du BIDDH doivent aussi être préservées sur le terrain et j’appelle tous les Etats participants à respecter la lettre et l’esprit des engagements en matière d’observation des élections auxquels ils ont sans exception souscrits. Je regrette vivement que les conditions n’aient pas été réunies afin de permettre au BIDDH d’observer les élections parlementaires qui auront lieu en Russie dans quelques jours.

Quant au dialogue avec la société civile, représentée par les ONG, il doit refléter à l’OSCE le principe de la liberté d’expression qui est le fondement de nos sociétés démocratiques. Par conséquent, ce dialogue ne saurait être entravé par des critères de sélection arbitraires des ONG habilités à prendre la parole aux différentes manifestations de l’Organisation auxquelles elles sont susceptibles d’apporter des contributions importantes.

Enfin, je regrette vivement que cette année encore il n’ait pas été possible d’adopter une décision sur les défenseurs des droits de l’homme qui, parfois au péril de leur vie, œuvrent en faveur du respect des valeurs universelles.

Monsieur le Président,

Au terme de mon intervention, j’aimerais adresser mes meilleurs vœux à la future Présidence finlandaise et l’assurer de notre plein appui dans l’importante et lourde tâche qu’elle assumera au cours de l’année à venir.

Enfin, je tiens à exprimer à la Présidence espagnole et à vous personnellement, Monsieur le Président, mes félicitations pour l’excellent travail accompli tout au long de cette année ainsi que mes remerciements pour l’hospitalité généreuse qui nous est offerte ici à Madrid.

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