Jean Asselborn. Discours à l'occasion de la 12e Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED XII), Ghana

Seul le discours prononcé fait foi.

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de Gouvernement,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi avant toute autre chose de remercier chaleureusement le peuple ghanéen pour le magnifique accueil qu’il nous réserve.

Comme représentant du Luxembourg, je m’associe au discours prononcé par mon collègue de la Présidence slovène au nom de l’Union européenne.

Depuis notre dernière conférence ministérielle de Sao Paulo en 2004, c’est peu dire que la situation internationale, surtout vue sous l’angle de l’économie, du commerce et du développement, a profondément changé.

La flambée du prix des matières premières, en particulier celui des denrées alimentaires, l’énergie chère, le retour de l’inflation, les turbulences sur les marchés financiers constituent des défis qui pour n’être pas inédits sont autant de sujets d’inquiétude pris un à un, mais encore plus considérés ensembles.

Pour ne parler que de la hausse spectaculaire des prix des denrées alimentaires, il me paraît que notre conférence doit se prononcer clairement sur cette question. Cette hausse profite bien entendu aux producteurs de certains pays et c’est une bonne chose parce que cela annonce à terme une baisse du niveau de subventions qui peut à son tour profiter aux pays émergents et aux pays les moins avancés. Elle est aussi un signe tangible de l’extraordinaire croissance du pouvoir d’achat dans certains pays émergents ce qui en soi est également un motif de satisfaction. Cela dit, nous voyons que cette flambée des prix a aussi des conséquences humaines et sociales dramatiques dans les pays les moins avancés, et pas seulement dans ces pays d’ailleurs puisque même les pays développés sont affectés.

S’agissant de la crise alimentaire, je pense qu’il convient aujourd’hui d’agir à un double niveau:

  • à court terme, il convient de mettre le P.A.M. (Programme alimentaire mondial) en position de poursuivre sa tâche au même niveau d’intervention.

Mon pays a répondu promptement à l’appel d’urgence de Mme la Directrice du P.A.M. afin de combler le trou financier des opérations régulières pour l’exercice 2008 en annonçant une contribution de 500.000 EUR (environ 750.000 $) dès le 28 mars 2008. Nous sommes très satisfaits de constater que sept autres donateurs ont depuis confirmé une contribution totale de 251 millions $.

A l’évidence, il conviendra de maintenir, voire d’intensifier cet effort afin d’endiguer une crise humanitaire de nature à hypothéquer les acquis et les progrès dans la mise en œuvre des objectifs du Millénaire pour le développement.

  • à moyen terme, il me paraît nécessaire de nous pencher sur une nouvelle priorité à accorder à l’agriculture pour promouvoir la production agricole indigène dans les pays en voie de développement, y compris et surtout dans les pays les moins avancés. Notamment à travers une adoption de certains programmes d’ajustement structurel.

Il conviendra aussi d’aborder la question alimentaire de façon plus large. A cet égard je salue le fait que la future conférence de haut niveau de Rome des 3-5 juin 2008, vient de voir son intitulé être adopté pour porter désormais sur "la sécurité alimentaire mondiale et les défis du changement climatique et des biocarburants".

D’une façon générale, mon pays partage les préoccupations du Président de la Banque mondiale, M. Zoelick, qui s’inquiète, à juste titre, que dans certains pays, les avancées réalisées de haute lutte sur le front de la réduction de la pauvreté risquent de s’inverser et qui appelle tous les membres de la communauté internationale à réunir nos forces non seulement pour fournir un appui immédiat, mais pour aider les pays à définir des mesures et politiques en vue de réduire l’impact de cet état sur les plus vulnérables.

Ce qui précède ne doit cependant pas nous pousser au repli sur soi et au protectionnisme. Nous savons tous combien cela peut être nuisible à tous. Le monde complexe et multifacette qui est le nôtre a plus que jamais besoin du multilatéralisme, pour fournir un cadre équilibré au développement du commerce international.

La conclusion à brève échéance du cycle de négociations commerciales de l’Agenda de Développement de Doha de l’OMC revêt un caractère de nécessité absolue pour l’ensemble d’entre nous. Ceci est cependant particulièrement vrai pour les PMA, dont la part dans le commerce mondial reste insatisfaisante, en particulier dans les secteurs d’avenir comme le commerce des services.

Un accord juste et équilibré à Genève peut contribuer à sortir des millions de gens de la pauvreté en créant de nouvelles opportunités, en particulier pour les entrepreneurs et agriculteurs africains.

Dans les négociations de Doha, l’Union européenne ne demande rien en termes d’accès au marché aux PMA et aux autres pays vulnérables. Les attentes de l’UE vis-à-vis des pays émergents du G20 me semblent réalistes et équitables. Le G20 aussi doit assumer sa part de responsabilité pour pérenniser le système commercial multilatéral de l’OMC. Il devrait aussi prendre des mesures concrètes pour favoriser l’intégration des PMA et autres pays vulnérables dans le système commercial global et pour favoriser le commerce Sud-Sud.

Il demeure bien entendu que c’est en premier lieu aux pays industrialisés de faire des concessions pour arriver à un accord global équilibré.

J’ai un regret: depuis Cancun, l’investissement ne fait plus partie de l’agenda de Doha. L’Afrique et les pays les plus vulnérables ont besoin d’un cadre multilatéral global pour régir les flux d’investissements. Ceci est encore plus vrai aujourd’hui suite à la crise financière et à son effet de destruction de valeur. Dans les relations entre les pays ACP et l’Europe, les accords APE permettront de combler une lacune évidente dans ce contexte.

Mon gouvernement continue de s’engager pour que des accords de partenariat économiques (APE) complets, entre l’UE et tous les pays ACP, puissent être conclus d’ici la fin de l’année.

D’aucuns affirment contre l’évidence que les accords de partenariat économique ouvrent les marchés ACP au commerce européen, au détriment des entreprises locales et de la croissance locale. Il faut le répéter: les APE ne sont pas synonymes de libre-échange entre l'UE et les pays ACP. Les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique pourront protéger et exclure certains produits sensibles et profiter de longues périodes de transition pour développer des industries émergentes et protéger des secteurs agricoles fragiles.

Au demeurant, le processus des accords de partenariat économique ne se limite pas au commerce: il s'agit d’allier réforme économique et aide au développement, de développer les marchés régionaux et d’attirer de nouveaux investissements. L’UE s’est fermement engagée d’augmenter son assistance au développement des pays ACP, jusqu’en 2013, à au moins 23 milliards d’Euros. Les pays ACP seront aussi d'importants bénéficiaires de la décision de faire passer à 2 milliards d'euros par an les dépenses consacrées par l'Europe à l'aide au commerce, la priorité allant aux mesures qui contribuent à la mise en œuvre d'accords de partenariat économique.

En l’espace de moins de cent ans, de la fin du 19e siècle aux années 1950, le Luxembourg est devenu un pays prospère, grâce à un riche sous-sol et l’ingéniosité de sa population, dont une grande partie est venue de l’étranger, combiné avec des frontières ouvertes et un climat d’investissement stable. En tant que pays prospère, nous prenons très au sérieux nos obligations de solidarité vis-à-vis des pays en développement, et nous entendons contribuer avec toute l’énergie et la ténacité qui s’imposent à ce que les objectifs du Millénaire pour le développement soient atteints en 2015. La hausse des prix alimentaires qui touche actuellement les plus pauvres ne nous facilite pas la tâche pour atteindre ces objectifs, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras, au contraire.

Depuis l’année 2000, le Luxembourg est un des très rares pays qui respectent l’engagement pris en 1970 au niveau de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies de consacrer au moins 0,7% de leur revenu national brut à la coopération au développement. L’année dernière, notre aide publique au développement s’est élevée à 0,9% du RNB. L’objectif du Gouvernement luxembourgeois est de porter notre aide à 1% du RNB dans les années à venir.

Dans le cadre de l’augmentation continue de son effort en matière de coopération au développement, le Gouvernement luxembourgeois prévoit aussi d’augmenter de façon conséquente son aide en matière d’aide au commerce, en appuyant notamment les programmes mis en œuvre dans le cadre de l’OMC: je citerais en particulier le cadre intégré renforcé, et les programmes d’accompagnement des accords de partenariat économique entre l’UE et les régions ACP.

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,

La CNUCED reste aujourd’hui plus que jamais l’enceinte par excellence pour débattre, honnêtement et sans dogmatismes, des multiples défis d’aujourd’hui liés à l’interaction du commerce et du développement durable et à la promotion d’un système commercial équitable, juste et ouvert.

La modernisation de la CNUCED engagée depuis Sao Paulo doit continuer. Je tiens à souligner le rôle du Secrétaire Général, Dr. Supachai Panitchpakdi et de son équipe dévoué dans la poursuite de cet objectif.

Avant de finir j’aimerais encore rendre hommage à votre Secrétaire Général Adjoint, M. Dirk Bruinsma, qui nous a malheureusement quitté beaucoup trop tôt.

Je vous remercie de votre attention.

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