Jean Asselborn. Intervention lors du débat de haut niveau consacré au thème "Commerce et développement pour la prospérité de l'Afrique: actions et orientations", Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Ghana

Ce qui vaut pour les autres pays en développement vaut aussi pour les pays africains: si nous voulons relever le défi du développement, nous devons aussi parvenir à associer les pays en développement au commerce international et à inclure de manière intelligente leurs activités économiques, celles qui existent et celles qu’ils vont encore développer, dans le cadre des échanges internationaux, de sorte qu’ils puissent se développer, de sorte qu’ils puissent prendre en main leur développement ("ownership").

Nous avons besoin de la coopération "classique" dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’eau pour créer les bases du développement - c’est indispensable. Mais par la suite, si nous voulons briser le cercle vicieux de l’assistanat, - et c’est ce que nous voulons - si nous voulons que les Africains prennent eux-mêmes en main leur développement - et c’est ce que nous voulons - alors nous devons faire en sorte qu’ils puissent être admis sur la scène du commerce international en tant qu’acteurs à part entière. Non pas pour promouvoir à tout prix le commerce international. Non pas pour commercer coûte que coûte. Mais pour que le commerce génère de la croissance - au profit des populations - parce que cette croissance génère des ressources, parce que ces ressources entraînent des recettes fiscales et que ces recettes peuvent alors être employées par l’Etat pour mettre en œuvre des politiques - politiques sociales par exemple - dans l’intérêt des populations.

En dépit de toutes ses imperfections, le cycle de Doha, s’il était conclu dans de bonnes conditions, pourrait amener des améliorations en faveur des pays africains. Je vise en particulier des éléments tels que la suppression des subventions à l’exportation des produits agricoles des pays développés ou encore une plus grande ouverture unilatérale des marchés envers les exportations des pays les moins avancés.

Compte tenu des faiblesses des économies africaines, il est clair que leur intégration dans le commerce mondial doit se faire de façon progressive, graduelle. Cette intégration se fera d’autant mieux qu’elle sera accompagnée par une intégration au niveau régional. Dans ce contexte, il est à regretter que seulement 10% du commerce africain se fait en Afrique. L’intégration régionale a apporté au cours des dernières décennies un essor important à l’Europe, le Luxembourg ainsi que d’autres pays d’Europe lui doivent beaucoup. Et ce qui vaut pour l’Europe dans ce contexte vaut aussi pour l’Afrique. Voilà pourquoi l’intégration régionale est une composante essentielle des accords de partenariat économique, les APE qui sont en train d’être négociés entre l’Union européenne et les cinq grandes régions africaines.

Pour renforcer l’intégration régionale, il faudra améliorer les infrastructures dans le domaine de l’énergie et du transport notamment. Dans ce contexte, la Commission européenne, en collaboration avec la Banque européenne d’investissement basée à Luxembourg, a mis en place un Fonds fiduciaire pour les infrastructures en Afrique qui a été lancé en avril 2007. Le Luxembourg a apporté une contribution de deux millions d’euros à ce fonds.

Le Luxembourg entend également apporter sa contribution en matière d’aide au commerce ("aid for trade"), en appuyant notamment les programmes mis en œuvre dans le cadre de l’OMC (je citerais en particulier le cadre intégré renforcé) et les programmes destinés à accompagner les APE. Car l’intégration des pays africains dans le commerce mondial ne pourra réussir qu’à condition que nous aidions nos partenaires africains à renforcer leurs capacités en matière de commerce.

Cela signifie que nous aidions nos partenaires africains à développer les capacités nécessaires pour réorganiser le cadre réglementaire et appliquer de manière cohérente les règles de nature économique. Ainsi, il faut des administrations qui réussissent à organiser - quand il le faut - et à accompagner - quand il le faut - ce processus. Il faut en particulier des administrations capables de collecter les impôts de manière équitable, transparente et acceptable, des administrations qui parviennent à stimuler l’économie et à ne pas l’entraver.

Nos actions devront également être conçues et évaluées de manière à permettre à nos partenaires africains de développer - avec notre soutien - des capacités productives - je parle du secteur privé, entre autres des PME, et de l’esprit d’entreprise en général. Il s’agit en fin de compte de développer un environnement commercial positif et il s’agit d’investir en Afrique, il s’agit de ces investissements dont ce continent a tellement besoin.

Nous devons faire tout cela - et quand je dis "nous", je parle des Africains et des Européens, ensemble, dans un partenariat bien conçu et réellement vécu. Nous devons faire tout cela, non pour le plaisir de réformer et de réorganiser, mais parce que nous voulons qu’à terme les Africains puissent prendre leur développement en main.

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