Henri Grethen: La politique de l´innovation axée sur nos pôles de compétences: Un premier bilan encourageant

par Henri Grethen, Ministre de l’Economie

Il y a deux ans, dans ce traditionnel supplément du Land consacré à la vie économique luxembourgeoise, j’ai déjà eu l’occasion de présenter les orientations de ma politique en matière d’innovation et de recherche-développement.

Il m’importe dans cette nouvelle contribution, de tirer un premier bilan sur les initiatives gouvernementales que j’avais annoncées à cette occasion.

Je constate tout d’abord avec beaucoup de satisfaction que nos entreprises n’ont pas réduit leurs efforts de recherche-développement durant la période économique difficile qui a suivi les événements tragiques du 11 septembre 2001 et les guerres en Afghanistan et en Irak.

L’année 2002 a même constitué l’un des meilleurs crus des 22 dernières années en la matière. Au total, le Ministère de l’Economie a encouragé quelque 15 projets de recherche-développement auxquels les entreprises bénéficiaires ont réservé des budgets d’investissement de l’ordre de 74,3 millions d’euros. La SNCI a complété l’effort gouvernemental par de nouveaux prêts à l’innovation de l’ordre de 3,8 millions d’euros.

Or, je puis affirmer dès à présent qu’en 2003 nos entreprises ont continué sur cette lancée.

Il faut en déduire qu’un nombre croissant d'entre elles conçoit la recherche-développement comme un déterminant permanent de sa compétitivité et considère que sa capacité d’innover constitue de nos jours un argument de vente très puissant. Je partage cette appréciation et les encourage à persévérer dans cette voie.

Je rappelle dans ce contexte que le Gouvernement a affiché sa volonté de continuer à augmenter ses moyens d'encouragement de l’innovation et de la recherche-développement. En dépit de la politique de prudence budgétaire du Gouvernement, mes crédits qui sont dédiés à la politique de l'innovation sont prévus de progresser de 27% en 2004 pour atteindre les 9,5 millions d’euros.

J’aimerais également soulever que cette prise de conscience que j’ai évoquée précédemment se généralise à tous les secteurs économiques et qu’elle est également indépendante de la taille des entreprises. C’est ainsi qu’on dénombre dans les 15 nouveaux projets de l’année dernière 8 projets de petites et moyennes entreprises, dont 3 "start-up" et 1 projet d’une entreprise d’origine artisanale.

Il convient finalement de relever que pour la moitié des projets nouvellement entamés en 2002, les ambitions dépassent les objectifs qui prédominent généralement dans la recherche privée, à savoir la quête de résultats immédiatement valorisables dans de nouveaux produits, services ou procédés. Il s’agit en l’occurrence de projets qui explorent le potentiel à plus longue échéance de connaissances scientifiques nouvelles ou de technologies émergeantes.

Or, la réussite de tels projets aux enjeux autrement plus importants, présuppose des compétences scientifiques et technologiques confirmées. Je me vois dès lors réconforté dans mon analyse, exposée à cette même tribune il y a deux ans, que notre pays compte aujourd’hui un certain nombre de pôles de compétences technologiques générateurs de croissance économique et qui constituent des bases solides pour notre développement économique futur.

Devant l’enjeu, tant financier que technologique, de ces efforts de recherche et en raison d’expériences similaires et encourageantes de nos voisins immédiats et d’autres pays de la zone OCDE, j’ai voulu miser dans cette entreprise sur les vertus de la collaboration entre entreprises, comme d’ailleurs entre recherche privée et publique. Plus nombreux on est, plus efficacement peut-on exploiter des synergies et complémentarités et plus rapidement peut-on progresser à moindres risques individuels et collectifs.

C’est sur ces hypothèses, que j’ai lancé fin 2001 mon initiative « Cluster » d’incitation à la collaboration technologique au niveau national.

Au cours de la phase pilote d’une année, l’agence nationale de l’innovation Luxinnovation, que j’ai chargée de la promotion et de l’animation de cette initiative, a su motiver quelque 40 entreprises luxembourgeoises à échanger leurs expériences en matières de techniques de traitement et de revêtement de surfaces. Sous son appellation "Surfmat", cette initiative rassemble une « grappe » d’entreprises qui proviennent de secteurs aussi divers que le verre, les céramiques, les matières plastiques, le caoutchouc ou la métallurgie. Elles ont entre-temps évalué plus de 150 offres de transfert technologique recueillies par Luxinnovation. Des collaborations concrètes ont déjà généré 7 projets de recherche-développement, dont le Ministère de l’Economie a été saisi pour statuer sur leur cofinancement public. D’autres projets en préparation envisagent également des collaborations internationales et s’orientent sur les appels à proposition du 6ième Programme Cadre de la Commission européenne ou l’initiative intergouvernementale EUREKA.

Les résultats encourageants de cette phase exploratoire m’inspirent les mêmes conclusions que l’avis annuel du Conseil Economique et Social qui m’invite à continuer cette démarche. J'ai donc donné mon accord pour une première phase opérationnelle de 5 ans.

Luxinnovation anime entre-temps un second cluster (InfoCom) qui réunit des opérateurs du domaine des technologies de l’information et des communications. Une troisième grappe (AeroSpace) est en préparation pour aborder des coopérations avec des consortia internationaux qui participent aux programmes de l’Agence Spatiale Européenne (ESA).

Ce dernier exemple montre par ailleurs que l'initiative gouvernementale ne vise pas la quête de l’autarcie technologique et scientifique et qu’une collaboration active avec des initiatives similaires de nos voisins est envisagée dès à présent.

A titre d’illustration supplémentaire, j’aimerais également citer mes pourparlers avec mon homologue de la Sarre qui portent aussi sur la sous-traitance dans le secteur automobile.

Je me félicite également que, dans la lignée de la démarche du Gouvernement de stimuler la concertation en faveur du développement de pôles de compétences communs, le Fonds National de la Recherche a également lancé un programme dédié à la recherche complémentaire de nos Centres de Recherche Publics et de nos Etablissements d’Enseignement Supérieur dans le domaine des technologies d’analyse, de traitement et de revêtement de surfaces (programme "Trasu"). La proposition émanait d’ailleurs directement des entreprises associées au cluster "Surfmat".

Dans le contexte d’un autre projet du Gouvernement luxembourgeois soutenu par les fonds structurels de la Commission européenne dans le contexte de son initiative intitulée "Innovating Regions", le CRP-Henri Tudor va s’associer avec des entreprises du Technoport Schlassgoart au mouvement des grappes technologiques pour promouvoir notamment l’utilisation des logiciels libres.

Comme il importe d'informer le public et tout particulièrement les entreprises immédiatement intéressées, j'ai finalement chargé Luxinnovation de réaliser, dans le contexte du plan d'action eLëtzebuerg, un portail Internet thématique dédié à l'action des pouvoirs publics en matière de politique de recherche-développement et d'innovation, qui a été inauguré le 2 juillet 2003. Sous l'adresse www.innovation.public.lu, ce portail n'est pas seulement un outil d'information, mais également une place de marché ou s'échangent l'offre et la demande de technologies et une fenêtre d'exposition des compétences de nos entreprises à la recherche de partenariats.

Il fera découvrir à tout intéressé, j'en suis convaincu, que le Luxembourg n'a pas à craindre la comparaison internationale en matière de sa capacité d'innovation.

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