Lydie Polfer: Ambassades européennes, oui mais... Le ministre des Affaires étrangères au sujet du corps diplomatique luxembourgeois

Le Jeudi: "Quel poids représente un réseau de missions diplomatiques pour un petit pays comme le nôtre?"

Lydie Polfer: "Comme le disait Gaston Thorn, pour un petit pays, l'étranger est encore plus grand. Les ambassades, qu'elles soient bilatérales ou multilatérales, sont donc là pour représenter notre pays, marquer une présence, sonder les intentions du pays tiers face à nos intérêts, et être l'interlocuteur de ce pays pour défendre ces intérêts. Il est donc important que nous soyons représentés dans des pays stratégiquement importants car notre corps diplomatique est assez limité."

Le Jeudi: "Précisément, comment choisit-on ces pays?"

Lydie Polfer: "Tout d'abord, il faut savoir que nous ne sommes pas représentés partout, même dans l'Union européenne. Ceci dit, nous sommes en train de nous établir dans les nouveaux pays membres. Après Prague, ce sera Varsovie et Budapest. Pour le reste, nous sommes présents dans les grands pays alliés, à commencer par les Etats-Unis, mais aussi en Russie et au Japon. Nous sommes également en Inde, depuis deux ans, car c'est la plus grande démocratie émergente, qui recèle des intérêts économiques évidents pour nous. Et nous sommes aussi en Chine, qui est pour nous un partenaire commercial extrêmement important."

Le Jeudi: "L'intégration européenne transforme peu à peu la mission des ambassadeurs basés dans I'UE. Comment voyez-vous leur avenir?"

Lydie Polfer: "Les ambassades bilatérales sont extrêmement importantes. Bien sûr, au niveau ministériel, nous nous voyons chaque mois au moins avec nos collègues de l'Union, mais la présence constante d'un pays membre chez un autre pays membre est essentielle pour représenter les intérêts politiques et économiques de ce pays.
Donc, s'il est vrai que le travail diplomatique a évolue pour s intéresser davantage à la société civile et au monde économique, son importance n'a pas pour autant diminué, d'autant que bon nombre de nos ambassadeurs dans I'UE sont aussi nos représentants auprès d'organisations internationales.
Et je dois dire que c'est là un défi quotidien, du fait de nos effectifs très restreints. Mais c'est ce qui nous permet de nous développer dans le respect de certainés règles, aux niveaux économique, politique, social et même militaire. Or, sans l'engagement, tel qu'il existe, de notre staff, ce ne serait pas possible."

Le Jeudi: "Quand l'intégration européenne sera encore plus avancée, peut-on imaginer des ambassades 'européennes'dans les pays tiers, résultant en quelque sorte de la fusion des ambassades nationales actuelles?"

Lydie Polfer: "Si un jour nous avions une vraie politique étrangère commune, on pourrait l'envisager. C'est d'ailleurs une idée qui a été avancée dans le cadre des travaux de la Convention. Mais cela ne résoudrait pas, malgré tout, le problème de la présence à assurer dans les pays avec lesquels nous avons des relations économiques extrêmement importantes."

Le Jeudi: "Arrive-t-il que telle ou telle de nos ambassades soit chargée d'une mission de bons offices pour le compte de I'UE?"

Lydie Polfer: "Non, c'est au pays qui assure la présidence de I'UE de représenter I'UE. Ceci dit, il est arrivé qu'on nous demande de nommer un envoyé spécial pour telle ou telle mission, mais là encore nous nous heurtons à notre problème de personnel."

Le Jeudi: "Les ambassadeurs luxembourgeois, comme les autres, se plaignent souvent de disposer de budgets trop étroits. Que leur répondez-vous?"

Lydie Polfer: "Je comprends leur réaction car, lorsque vous êtes seul, ou au maximum à deux, dans une ambassade ou une représentation permanente, sauf à Bruxelles, et que vous voyez l'envergure de la tâche et des possibilités qui s'offrent à vous, mais que vous n'avez pas les moyens pour y répondre, ni en ressources humaines, ni financièrement, cela ne peut que vous laisser un arrière-goût de déception.
Heureusement, la plupart du temps notre personnel diplomatique ne pense pas de cette façon. En fait, il faut être positif et se poser la question: dans l'intérêt de mon pays, comment puis-je investir au mieux les moyens dont je dispose?"

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