Le ministre Anne Brasseur au sujet de l'éducation nationale

d'Lëtzebucrger Land: En ce moment, pas un jour ne passe sans que l'un ou l'autre lobby n'aille à la rencontre des partis politiques pour revendiquer que leur matière soit enseignée ou revalorisée à l'école... Or, votre approche à vous est à l'opposé celle d'élaguer les programmes, de réduire le nombre de matières pour se concentrer sur quelques branches essentielles - le fameux slogan "back to basics" faisant des priorités du "lire, écrire, calculer". Comment réagissez-vous à ces revendications, que leur dites-vous ?

Anne Brasseur: Mon approche reste toujours la même: toutes ces demandes sont certes légitimes, mais l'école ne peut pas tout ! J'ai par exemple reçu l'Union des consommateurs, et je leur ai dit que je trouve que de toute façon, une des missions de l'école est de faire des enfants des citoyens critiques, donc aussi critiques dans leur consommation, sans pour autant faire de l'éducation à la consommation une branche à part entière. En règle générale, je plaide plutôt pour des enseignements transversaux de ces matières spécifiques.

Comme pour l'éducation des règles de la circulation par exemple: avec le ministre des Transports, nous avons fait une campagne dans les écoles, où plusieurs enseignants de différentes branches ont travaillé ensemble, nous allons d'ailleurs en faire un CD-Rom. Ou "l'éducation des choix" que nous promouvons actuellement: nous devons apprendre aux enfants de gérer toutes sortes d'informations, dans tous les domaines.

Dans le domaine de l'éducation, ce, gouvernement CSV-DP a émis quelques signes symboliques forts, que ce soit l'abolition complète de la dispense, avec introduction d'un coefficient pour les cours de religion ou l'augmentation du soutien financier pour les écoles privées, dont beaucoup sont confessionnelles. Je vous ai posé la question il y a cinq ans et le redemande aujourd 'hui: si ces gestes sont des concessions faites au CSV, quels seraient alors les apports "typiquement libéraux" ?

Anne Brasseur: D'abord je ne crois pas que les sujets que vous évoquez soient des sujets "typiquement CSV". Les écoles privées ont été financées à hauteur de 80 pour cent de leurs frais de fonctionnement par l'Etat jusqu'à présent, maintenant elles le sont jusqu'à 90 pour cent, plus une aide à l'infrastructure, ce n'est donc pas une adaptation si énorme. Par ailleurs, nous avons, et c'est cela l'aspect le plus important de la loi, donné une base légale à l'aide étatique aux écoles internationales, qui n'étaient jusqu'à présent soutenues que ponctuellement.

En ce qui concerne l'enseignement de la religion à l'école, je trouve que nous ne pouvons nous passer d'un enseignement de valeurs à l'école, c'est essentiel. C'est pour cela que j'ai aboli la dispense. Au Luxembourg, il est impossible de trouver une majorité politique qui s'engage pour l'abolition des cours de religion ou leur remplacement par un enseignement de valeurs laïque: à l'école primaire, seuls 20 pour cent des enfants sont inscrits en morale laïque, dans le secondaire, les élèves sont aussi majoritairement inscrits aux cours de religion. La commission pour l'élaboration des nouveaux programmes de morale laïque a fait un travail remarquable, ce sont eux qui demandaient qu'on accorde un coefficient à leur cours afin qu'il soit pris au sérieux. C'est pour cela que nous avons fait la même chose pour le cours de formation religieuse.

Avant l'arrivée d'Anne Brasseur et la grande "offensive" annoncée par les libéraux en 1999, quelque 3.000 élevés étaient logés dans des containeurs, à la fin de votre mandat, il y a toujours 3.000 élevés logés dans des containeurs... Vous avez bien encore posé la première pierre pour le nouveau Lycée technique Mathias Adam à Pétange la semaine dernière, néanmoins, concrètement, on ne voit guère ce qui a changé sur ce plan-là ?

Anne Brasseur: D'abord, en ce qui concerne les containeurs, je tiens à souligner que leur qualité a énormément augmenté, à tel point que certains élèves préfèrent y rester plutôt que d'aller dans d'autres salles provisoires. Nous avons la situation au Lycée de garçons à Limpertsberg, où le dernier pavillon préfabriqué devrait être enlevé en mai de cette année. L'explication pourquoi nous devons recourir à ces pavillons provisoires est simple: le renouvellement des infrastructures scolaires ne peut se faire du jour au lendemain, il y a des procédures et des délais à respecter, qui font que nous n'avançons pas toujours aussi rapidement que nous le désirerions. Néanmoins, et cela, la ministre des Travaux publics, Erna Hennicot-Schoepges, l'a rappelé à Pétange, ce gouvernement a déjà fait voter des projets de loi pour des infrastructures scolaires pour un montant plus élevé que les trois gouvernements précédents ensemble ! Par ailleurs, il ne faut pas oublier que nous avons aussi établi le "plan sectoriel lycées", qui définit entre autres les emplacements des nouveaux bâtiments dont nous avons besoin. Mais là encore, nous ne sommes pas toujours aussi bien accueillis que dans le canton de Rédange, où tous les acteurs ont collaboré afin de définir un terrain pour le lycée. A d'autres endroits, les négociations s'enlisent, soit parce que les propriétaires des terrains ne veulent pas vendre au prix que l'Etat leur propose, soit, et c'est pire à mon avis, parce que les gens sont devenus tellement égoïstes qu'ils s'opposent à l'implantation d'une école dans leur entourage, de peur de possibles "nuisances".

En ce moment, la commission parlementaire de l'Education nationale discute le projet de loi "portant organisation des lycées et lycées techniques". Les parents d'élèves et les enseignants critiquent virulemment ce texte, estimant qu'ils ne sont pas assez impliqués dans les structures de décision. Est-ce que vous voulez faire passer le texte malgré cette résistance ?

Anne Brasseur: Le Conseil d'Etat a déjà écrit son avis et suggéré une série d'amendements. La commission parlementaire va adopter prochainement une série d'amendements, de sorte que le texte déposé par le gouvernement sera modifié. Je suis confiante qu'elle arrive à terminer ce travail et à taire adopter le projet de loi en séance plénière avant la fin de la législature.

En ce qui concerne les structures de participation, nous avons tout simplement un avis divergeant: les parents et les syndicats d'enseignants veulent des responsabilités horizontales, mais moi, je plaide pour une hiérarchie réelle, dont le directeur est le plus haut responsable.

El puis, en ce qui concerne les parents, c'est la première fois qu'on leur accorde officiellement des droits. Mais la Fédération des associations des parents d'élèves voudrait que soient introduits des représentants des parents sur le plan national. Ce n'est pas mon approche, je veux laisser plus d'autonomie aux lycées afin qu'ils puissent décider eux-mêmes comment ils désignent les représentants des parents d'élèves.

Vous avez aussi déposé un projet de réforme de la loi sur l'école primaire de 1912 et une loi de base sur l'école au Luxembourg. Où en sont-ils ?

Anne Brasseur: La loi de base sur l'école est quelque chose de tout à fait nouveau, nous n'avions jusqu'à présent aucun texte qui régisse toute l'école au Luxembourg. J'ai déposé ce texte en octobre, ensemble avec celui sur la réforme de la loi de 1912 sur l'école primaire, ils sont actuellement tous les deux au Conseil d'Etat pour être avisés. Nous avons consacré beaucoup de temps à l'élaboration de ces textes, nous avons beaucoup consulté. Pas moins de onze réunions avec les acteurs ont eu lieu.

Néanmoins, sur différents points, nous n'avons pas trouvé de consensus, y compris de la part des syndicats. Le Syndicat national des enseignants (SNE, membre de la CGFP, ndir.) était plutôt favorable et le Syndikat Erzéihung a Wëssenschaft (SEW, attaché à I'OGBL, ndir.) plutôt défavorable aux textes. En tout cas, je ne veux rien forcer dans ce domaine, le sujet est trop important. J'estime que pour ces textes, nous devons nous accorder le temps nécessaire pour discuter à fond et chercher le consensus.

Dans le budget de l'État pour 2004, adapté à un environnement difficile, toutes les demandes de recrutement auprès de l'État ont été bloquées jusqu'à nouvel ordre, à l'exception de la police et de l'Education nationale. Le plan quinquennal de recrutement prévoit d'engager entre 170 et 190 nouveaux enseignants par an entre 2002 et 2007. Où en êtes-vous ? Vous aviez longtemps même des problèmes pour recruter assez d'enseignants...

Anne Brasseur: Cela s'est amélioré. Ces derniers temps, nous avons recruté plus facilement, peut-être aussi parce que nous avons introduit une deuxième session de recrutement au printemps, ce qui permet de rattraper ceux qui avaient encore un dernier examen à passer ou un mémoire à soutenir en automne. Les demandes sont différemment importantes selon la matière; ainsi, il nous manque des enseignants en mathématiques, en informatique ou en français, par contre il y a pléthore de candidats en chimie ou en histoire.

D'ailleurs, je regrette que, dû au fait que de nombreux candidats font leurs études en France, ils soient spécialisés en une seule matière. Je crois que s'ils pouvaient enseigner plusieurs disciplines, cela résoudrait beaucoup de nos difficultés.

En ce qui concerne le primaire, vous avez enfin régularisé les suppléants ou chargés de cours du primaire, qui voient leur situation professionnelle un tant soit peu stabilisée. Mais vous avez été beaucoup critiquée par les syndicats d'enseignants pour cela, qui vous reprochaient d'ouvrir ainsi la porte au recrutement de personnel non formé. C'est pour cela que fut créée la "réserve de suppléants" fonctionnant sur le plan national. Où en sont les formations et les recrutements dans l'enseignement primaire ?

Anne Brasseur: Dans le préscolaire, nous avons presque rattrapé notre retard en matière d'embauché de personnel formé. Pour le primaire, le retard en matière de recrutements était plus important. Malgre les améliorations, une pénurie persiste. La régularisation des suppléants était certes contestée, mais urgente. Afin de pouvoir néanmoins contrôler le nombre de suppléants recrutés, nous avons prévu que l'envergure du "pool" soit fixée chaque année par le budget de l'Etat. L'année scolaire dernière fut la première année de formation, 72 personnes y ont obtenu leur certificat. Cette année, nous avons à nouveau une centaine de personnes dans notre formation, qui se fait en 120 heures, plus un accompagnement par un tuteur sur le terrain.

Je crois que nous avons maintenant atteint notre rythme de croisière dans cette formation, qui est dans l'intérêt des suppléants - ils deviennent ainsi employés auprès de l'Etat à durée indéterminée, et ont donc la sécurité de l'emploi qu'ils revendiquaient -, mais aussi dans l'intérêt de la qualité de l'enseignement.

Une autre de vos priorités affichées est la lutte contre l'échec scolaire, entre autres suite aux résultats désastreux des élèves luxembourgeois dans l'étude Pisa. Cela est encore plus urgent dans l'enseignement technique, où presque trente pour cent des élevés redoublent en dixième. Or, chaque tentative de changement est accompagnée par nombre de mises en garde, notamment des syndicats d'enseignants et des parents, qui craignent un nivellement vers le bas d'une part, et un plus fort cloisonnement des différents ordres d'enseignement d'autre part, estimant qu'il deviendra de plus en plus difficile de remonter vers le classique...

Anne Brasseur: Pour lutter contre l'échec scolaire, nous avons pris différentes mesures, toujours dans la philosophie de demander aussi un effort à l'élève - l'école le prépare mieux, mais il doit aussi mieux se préparer lui-même ! Ainsi, l'année scolaire 2002/2003 fut la première durant laquelle les élèves des septièmes étaient obligés d'assister à des cours d'appui dans les matières dans lesquelles ils avaient une note insuffisante. Nous voulions éviter qu'ils commencent leur carrière lycéenne avec un échec. Il était nécessaire de rendre ces cours d'appui obligatoires, car nous avions constaté que les élèves qui avaient le plus de problèmes ne venaient pas sinon.

Au cours de la dernière décennie, une attitude de nonchalance, dans le genre "moins que la moyenne suffit aussi" s'était installée, due au système de compensation trop laxiste. Je ne suis pas contre la compensation, mais je suis contre les abus qu'elle peut générer. C'est pour cela que nous avons relevé la note-seuil, au-delà de laquelle on peut compenser, de 25 à 27 points sur 60 et aboli la compensation si on a des notes insuffisantes dans les branches fondamentales. Les élèves doivent comprendre qu'on leur demande de faire un effort.

Dans l'enseignement technique, le taux d'échec dans le cycle inférieur a légèrement baissé ces dernières années grâce aux mesures que nous avons prises, mais alors les élèves n'arrivent pas à passer leur dixième. La demande d'y remédier émanait des lycées eux-mêmes, qui tiraient la sonnette d'alarme. Nous avons donc introduit de nouveaux critères de promotion entre la neuvième et la dixième, dans le but de mieux orienter les élèves non pas vers une formation qui leur plaise ou qui plaise à leurs parents, mais vers une formation qui soit mieux adaptée à leurs compétences. Ainsi, il faut obtenir des notes élevées pour continuer les études à un échelon supérieur.

Justement, est-ce que cela ne rend pas un changement d'ordre d'enseignement carrément impossible ?

Anne Brasseur: Je ne crois pas. Je veux que le plus d'élèves possible sortent de notre école avec une certification en poche. Et dans ce sens, remonter les échelles est certainement plus motivant que de faire un cursus vers le bas rythmé d'échecs.

L'examen de passage entre le primaire et le postprimaire a été aboli et remplace par une orientation plus personnalisée par votre prédécesseure Erna Hennicot-Schoepges déjà. Or, de plus en plus d'enseignants se soucient de taux relativement peu élevés d'enfants qui seraient orientés vers le classique. Constatez-vous ce changement dans l'orientation ?

Anne Brasseur: Je ne peux que comparer les chiffres: avant, légèrement plus de quarante pour cent des élèves ont été orientés vers le classique, ces dernières années, ce taux oscille entre 37,7 et 40 pour cent - donc ce sont sensiblement les mêmes pourcentages. Mais nous constatons néanmoins que depuis cette nouvelle procédure, moins d'élèves redoublent leur septième.

Un des résultats les plus inquiétants de l'élude Pua, celui qui est actuellement souligné par le "Pôle pour une école démocratique", c'est que l'Ecole luxembourgeois, au lieu de réduire les différences sociales, les cimente en fait. En gros, on a plus de chances de trouver un fils d'avocat en classe de première, section mathématiques classique, qu'une fille d'ouvrier immigré. Comment comptez-vous y remédier ?

Anne Brasseur: C'est un des problèmes de l'Ecole qui m'inquiètent le plus aussi. Mais je crois que cela a beaucoup à voir avec notre trilinguisme d'une part, et avec le background des parents de l'autre. Pour remédier au premier point, nous avons introduit une section "allemand langue étrangère" dans quatre lycées classiques. Mais ce gouvernement a fait le choix politique de ne pas introduire de "bac français", parce que nous estimons que les langues sont notre richesse, et qu'il est essentiel de donner le poids qu'elles méritent aux langues dans l'enseignement classique.

Nous avons réformé la méthode de l'enseignement de base dans les premières années du primaire en introduisant le nouveau livre Mila, qui part d'une autre approche des enseignements de base. Ensuite, en introduisant les cycles d'apprentissage dans la première et deuxième année primaire ainsi que le team-teaching, nous voulons donner à tous les enfants de meilleures chances dès le début de leur scolarité, en consolidant le fond de leurs connaissances et en assurant un suivi plus différencié de leur évolution.

En ce qui concerne le background social ou culturel des parents, nous avons constaté que l'échec scolaire des petits Luxembourgeois est au même niveau que celui des petits Belges, Français ou Allemands, mais que ceux des petits Portugais ou Capverdiens sont beaucoup plus élevés. J'en conclus donc que les carrières scolaires et l'approche envers l'école des parents est essentielle pour la carrière de l'élève. C'est pour cela que j'ai organisé des réunions d'informations à l'encontre des parents d'élèves portugais et capverdiens: afin de les inclure dans le processus qui fait de notre école une école de la réussite pour tous.

Lors du débat sur l'école d'intégration à la Chambre des députés, il a beaucoup été dit que le luxembourgeois devrait jouer le rôle de langue d'intégration. Avez-vous accordé, depuis lors plus de poids à la langue nationale à l'école ?

Anne Brasseur: Oui, nous avons pris ces recommandations très à cœur. Nous commençons aujourd'hui systématiquement à enseigner le luxembourgeois dans l'école préscolaire. Il s'avère d'ailleurs que cela est d'une certaine importance pour les enfants luxembourgeois aussi, qui manquent singulièrement de bagage langagier. On constate que les enfants ont de moins en moins l'occasion de parler, et que le rôle de l'école sur le développement de la langue croît sans cesse.

Puis nous avons édité un nouveau livre avec des textes en luxembourgeois, d'auteurs luxembourgeois, pour les classes de troisième et quatrième primaire, Lies a fléi. Mais je crois qu'il suffit de bien savoir lire, comprendre et parler le luxembourgeois, il n'est pas essentiel de savoir l'écrire avec toutes les finesses et toutes les règles grammaticales. Ma génération ne l'a jamais appris, et je me suis toujours débrouillée pour écrire mes discours en luxembourgeois. Là encore, nous ne devons pas surcharger les programmes. L'essentiel pour nos élèves doit être qu'ils lisent, comprennent et écrivent correctement en allemand et en français.

Durant son mandat, Ema Hennicot-Schoepges fut la première ministre de l'Education nationale à devoir affronter un procès devant le jeune Tribunal administratif, à l'époque de la part des chargés de cours de l'enseignement secondaire, qui demandaient, sur base du droit du travail, à être engagés à durée indéterminée après deux CDD consécutifs. Ils obtinrent gain de cause. Depuis, les recours devant les juridictions administratives pour des sujets qui concernent l'école se multiplient, le plus célèbre étant celui d'une élève d'Esch qui contestait les résultats de son examen de rattrapage en géographie. Ne craignez-vous pas que ces recours se systématisent et que le fonctionnement de l'Ecole soit désormais régi par la Justice ?Quelles mesures avez-vous envisagées pour éviter cela ?

Anne Brasseur: L'École doit avoir la possibilité de résoudre elle-même ses problèmes. Elle doit disposer des instruments nécessaires pour faire respecter l'autorité dont elle a besoin. Ceci dit, je trouve normal aussi que les élèves, les parents et les enseignants aient la possibilité d'exercer un certain contrôle. En ce qui concerne l'affaire eschoise par exemple, l'école avait effectivement épuisé tous les contrôles internes de cet examen de rattrapage, il est inconcevable qu'un ministre, quel qu'il soit, intervienne ou agisse en dernière instance. Ce serait la porte ouverte à l'arbitraire. Suite à cette affaire, j'ai élaboré un règlement grand-ducal urgent, qui a déjà été adopté en conseil des ministres, et qui donne au directeur la possibilité de consulter un expert externe et de faire discuter son appréciation par le conseil de classe. Ce sont eux qui connaissent le mieux les élèves concernés, donc ce seront eux qui prendront la décision la plus juste possible.

Nous devons donner à l'Ecole tous les outils nécessaires pour effectuer son propre contrôle, mais l'Ecole doit accepter aussi qu'une de ses décisions soit contestée. Ainsi, je trouve tout à fait normal que les élèves et leurs parents puissent voir les copies corrigées d'un devoir ou d'un examen. Il faut dire que, normalement, cela se passe ainsi sans problèmes. Mais parfois, comme à Esch, ou dernièrement à Wiltz, les différents protagonistes campent sur leurs positions et le dialogue devient impossible. Je regrette que ces discussions, qui devraient se faire en interne, soient par après menées sur la place publique. Ce n'est pas bon pour l'École, mais surtout, c'est très mauvais pour les élèves en question.

L'affaire eschoise a aussi remis en question l'autorité de l'enseignant et rappelé l'étemelle crainte d'un certain arbitraire du prof dam son royaume. Les associations d'élèves demandent depuis des années que les professeurs soient aussi soumis à une évaluation régulière...

Anne Brasseur: Une telle évaluation serait extrêmement difficile, car chaque élève aura une appréciation différente de la compétence de ses enseignants. Nous avions entamé une procédure disciplinaire à l'encontre d'un enseignant, mais nous avons perdu devant le tribunal administratif, parce que le dossier d'accusation était trop mince...

Nous avons prévu dans la loi sur le fonctionnement des lycées un contrôle régulier par les directeurs. En tout cas, l'attitude des enseignants qui s'estiment seul maître à bord une fois que la porte de la salle de classe est fermée doit changer ! Les nouvelles méthodes de team-teaching par exemple demandent de toute façon une meilleure collaboration des enseignants. De même, la formation continue, que nous sommes en train de restructurer et de mieux coordonner, aide elle aussi à réduire à l'individualisme des professeurs.

A partir de la rentrée, scolaire 2005, l'offre en éducation précoce sera obligatoire pour toutes les communes. Où en est l'équipement en structures dans le pays ?

Anne Brasseur: Suivant mes dernières informations, nous atteignons actuellement les 88 pour cent en taux d'équipement pour le précoce. Maintenant qu'une dernière grande commune, Esch-sur-Alzette, vient de se lancer tout récemment dans l'enseignement précoce, il ne reste que quelques petites communes qui essayent encore de trouver la meilleure solution possible pour offrir l'éducation précoce tout en en maîtrisant les frais, par exemple en la fusionnant avec de petites communes voisines. Ceci dit, l'éducation précoce manque encore de base légale, elle ne sera créée qu'avec la réforme de la loi de 1912.

Vous êtes aussi responsable des Sports et venez de lancer l'Année européenne de l'éducation par le sport. Or, malgré tout, les enseignants de sports se plaignent que leurs cours sont peu à peu amputés d'une heure par-ci, d'une heure par-là. Ce qui serait d'autant plus dramatique que la condition physique des enfants est en chute libre.

Anne Brasseur: Je crois que là encore, il s'agit d'une question d'attitude. Si je pouvais, j'accorderais certainement plus de leçons à toutes les branches, y compris au sport. Mais voilà, il y a la limite de trente heures de cours par semaine. En sports aussi, nous devons sensibiliser avant tout, redonner goût aux enfants de marcher - pourquoi pas pour venir à pied à l'école ? -, de jouer, de bouger... Nous ne devons et ne pouvons tout organiser. Beaucoup d'activités sportives, par exemple celles organisées par la Lasel/Lasep, donnent déjà la possibilité aux enfants de faire du sport. Puis nous organisons des activités de sensibilisation comme Wibbel an Dribbel, d'Schoul bewecht sech ou la journée sportive à l'école. Mais, une fois encore, l'école ne peut pas tout.

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