Interview avec le ministre de l'Economie Henri Grethen sur les points importants de l'économie luxembourgeoise

A comme Arcelor

Henri Grethen: En 1977, la participation de l'État dans ARBED était supérieure à 40 %. Elle s'est réduite de plus de 30 % dans le capital d'Arcelor. L'intérêt de la fusion Aceralia-ARBED-Usinor était d'avoir le QG à Luxembourg et des investissements importants dans notre pays. Le train moyen, c'est 170 millions d'euros investis ici par Arcelor. Les outils de production luxembourgeois sont donc pérennisés. L'État conserve ses 7 % dans le capital d'Arcelor. Si nous avions un besoin urgent de fonds, nous pourrions vendre les bijoux de la couronne. Mais ce n'est pas le cas. Alors, l'État garde sa participation, ce qui lui permet d'être tenu au courant des décisions stratégiques.

A comme avenir de la sidérurgie luxembourgeoise

Henri Grethen: Nous aurons le 8 avril une tripartite sidérurgie. Arcelor est en train de faire des constats, ce que font tous les groupes industriels du monde. Dans les cinq ans à venir, la production d'acier au Luxembourg va passer de 2,7 millions de tonnes à 3 millions grâce notamment à la politique de modernisation. Mais à production égale ou supérieure, les gains de productivité vont entraîner une réduction du nombre de collaborateurs.

Les syndicats demandent à l'État de proroger les mises en préretraite. Après les élections du 13 juin, le prochain gouvernement devra rapidement se décider pour savoir si des sidérurgistes continueront à pouvoir partir à 57 ans.

Dans la tripartite, nous allons discuter en nous appuyant sur le fameux modèle luxembourgeois. Il y a eu 30 000 sidérurgistes dans ce pays. Il en reste 7 000 avec un noyau dur de 4 000 puisque les autres sont dans des branches qui n'existaient pas auparavant. Demain, il en restera sans doute moins.

E comme emploi

Henri Grethen: Si l'on prend l'exemple de Villeroy & Boch, je comprends que les salariés qui perdent leur emploi soient déçus, amers. Mais si un projet de recherche et développement permet le développement d'une nouvelle ligne de production, l'entreprise doit s'adapter.

Si une personne vous suffit alors qu'il en fallait dix avant, cela a des conséquences sur l'emploi. D'un autre côté, ces nouvelles méthodes de production enrichissent la gamme et crée d'autres métiers. Il vous faut alors des designers, des vendeurs...

Il est certain que nous aurons de moins en moins d'emplois dans le secteur industriel qui subit la concurrence internationale. Mais il y a des emplois dans le secteur des services. À condition que les gens soient formés. Cela passe par l'école et par la formation continue. À terme, cela crée plus d'inégalités. Mais le rêve d'un même salaire pour tous est utopique.

F comme Findel

Henri Grethen: II ne faut jamais oublier que Luxair et Cargolux représentent 2,5 % de notre produit intérieur brut et 1,8 % de l'emploi salarié. Ce n'est certes pas négligeable. Autant j'ai de la compréhension pour les riverains du Findel, qui étaient là avant le développement de l'aéroport, autant je ne comprends pas ceux qui ont acheté là l'an dernier et qui pestent contre les nuisances. Il ne faut tout de même pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages.

Luxair et Cargolux doivent pouvoir compter sur un outil de travail performant et moderne. Dans les semaines à venir, je proposerai aussi au gouvernement un règlement grand-ducal pour taxer les utilisateurs de l'aéroport suivant deux grands principes. Nous avons besoin d'un aéroport moderne et il ne saurait être ailleurs qu'au Findel. Il faut voir par contre dans quelle mesure l'Etat ne peut pas participer aux frais des riverains pour améliorer leur isolation contre les nuisances.

I comme indexation

Henri Grethen: C'est une règle de base du jeu politique luxembourgeois. Celui qui touche à l'indexation automatique des salaires sur le coût de la vie joue au casse-cou. Nous l'avons fait une fois, nous ne le referons plus. Mais si l'on compare l'évolution des salaires sur dix ans entre le Luxembourg et d'autres pays, index ou pas, on aboutit à des situations comparables. L'index peut avoir parfois un effet pernicieux pour les entreprises car cela peut tomber au mauvais moment. D'un autre côté, cela oblige en permanence les entreprises à faire des gains de productivité.

K comme Kyoto

Henri Grethen: L'Europe a voulu se montrer le bon élève de la classe en s'engagéant à réduire ses émissions de CO2 de 28 %. L'engagement est pris, il faut maintenant le respecter. Mais cela pose d'énormes problèmes pour le Luxembourg. Mon prédécesseur, le socialiste Robert Goebbels, a fait réaliser une centrale turbine gaz-vapeur qui dans l'hypothèse haute aboutit à +15 % de rejets CO2. Nous sommes dans une impasse et le respect de notre engagement fait peser une grosse pression sur les entreprises.

M comme ministre

Henri Grethen: Je suis optimiste et je pense que je serai réélu député. Si le DP a la confiance des électeurs et s'il est à nouveau au gouvernement, j'aimerais conserver les deux postes qui sont les miens comme ministre : Économie et Transports. Mais je demanderai à être assisté d'un secrétaire d'État ou d'un ministre délégué.

Imaginez le travail qu'il va y avoir avec une Europe à 25, le tout sur fond de nouvelle Commission européenne et de nouveau Parlement européen avec deux tiers d'élus en plus. En tant que ministre de l'Économie et des Transports, j'assiste à l'Eurogroupe, à l'Ecofin, au Conseil compétitivité, au Conseil transports, au Conseil énergie et au Conseil consommateurs.

De plus, au premier semestre 2005, le Luxembourg assumera une nouvelle fois la présidence tournante de I'UE, la dernière fois avant bien longtemps. Comme en 1997, nous devrons tout faire pour réussir cette présidence. C'est un enjeu national.

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