Le ministre des Affaires étrangères au sujet de la politique extérieure: Nous avons un bilan à défendre.

Le Quotidien : Quel bilan dressez-vous de ces bientôt cinq années comme ministre des Affaires étrangères?

Lydie Polfer : Au cours de cette période, je pense que nous avons non seulement consolidé, mais aussi fortifié la place du Luxembourg sur la scène internationale et européenne. Cela est vrai autant au niveau de la politique du siège, que des résultats du commerce extérieur ou encore de notre place au sein des institutions européennes.

Pour y arriver, il faut savoir être à l'écoute de l'autre, accepter la différence pour en tirer souvent un avantage et un enrichissement mutuels. C'est en tout cas la méthode qui m'a permis d'affirmer notre présence sur la scène européenne et internationale.

Vous avez vécu de plein fouet les attentats du 11 septembre 2001 et la crise irakienne. Qu'en pensez-vous?

Lydie Polfer: C'était une période pour le moins mouvementée, une période où tout ou presque a été subitement remis en cause. Il m'en reste une impression fort désagréable car nous n'avons pas pu et su nous parler. Nous devions collaborer, mais nous n'en étions pas capables. Les relations internationales en ont beaucoup souffert.

Il aurait fallu éviter certaines paroles offensantes qui sont autant de blessures longues à cicatriser. Le Luxembourg a été très clair et très ferme sur ses positions. Nous n'avons jamais voulu soutenir une intervention militaire sans mandat du Conseil de sécurité. Nous avons espéré un accord jusqu'au bout. Il n'est pas venu.

Malgré cela, nous avons conservé nos relations amicales avec les États-Unis. Colin Powell a compris nos arguments même s'il ne partageait pas notre analyse. L'amitié profonde entre les USA et le Luxembourg n'a pas été remise en cause. C'est la preuve qu'on peut exprimer sa désapprobation sans véhémence, sans blesser, mais avec une grande fermeté.

Qu'est-ce qui vous a finalement le plus agréablement surpris dans cette mission?

Lydie Polfer: Même si on traite des dossiers extrêmement complexes, c'est toujours avec des hommes et des femmes. Le côté personnel finit donc toujours par avoir une grande importance. Il faut établir une relation de confiance. Celle-ci ne se décrète pas, elle se bâtit sur des prises de position cohérentes. Nous sommes un petit pays, nous devons rester un partenaire crédible et fiable. Contrairement à certains grands pays, nous ne pouvons pas nous permettre le moindre écart.

Y a-t-il des côtés plus désagréables, voire insupportables?

Lydie Polfer: Oui, à chaque fois que l'on se sent impuissant à pouvoir changer une situation qu'on sait être dramatique. Je ne me résous pas à voir ceux qui sont au cœur du problème ne pas réussir à s'en sortir. Regardez le Moyen-Orient, c'est insupportable de voir cet en chaînement de violence. Il faut sortir du cercle vicieux, de la haine et du terrorisme. On laisse trop le champ libre aux extrémistes de tous bords pour détruire les progrès faits pas à pas.

Avez-vous parfois eu du mal à exister dans l'ombre de l'omniprésent Jean-Claude Juncker?

Lydie Polfer: Il est vrai que le Premier ministre est très présent, mais les rôles et les tâches sont bien répartis. Le Premier ministre a comme tous les autres chefs de gouvernement un rôle certain à jouer sur la scène européenne. L'essentiel, c'est qu'avant les grands rendez-vous européens nous définissions ensemble nos positions et là nous n'avons jamais eu de divergences de fond.

Vous allez pourtant être adversaires aux législatives?

Lydie Polfer: Adversaires, non pas vraiment! Depuis que je suis entrée en politique, je ne me suis jamais battue contre des personnes. Je me suis battue pour défendre mon bilan, pour partager mes projets, mes idées, mes convictions, ma façon de faire de la politique.

Qu attendez-vous des élections du 13 juin prochain?

Lydie Polfer: J'espère très fort que les électeurs vont honorer la politique que le DP a menée depuis cinq ans. Nous avions un projet ambitieux et concret. Nous l'avons réalisé en grande partie. Le climat a changé dans ce pays et il n'y a plus ces querelles incessantes qui sapaient l'énergie sans apporter de solutions.

Avez-vous le sentiment que le DP a réussi son retour au gouvernement?

Lydie Polfer: Bien sûr et je citerai quelques exemples. Nous avons ramené le calme et la motivation dans la fonction publique. D'après une étude de la Banque centrale européenne, les citoyens luxembourgeois se déclarent à 85 % satisfaits de leur service public. Au niveau de la santé, Carlo Wagner a fait une réforme en profondeur, de même pour les retraites du secteur privé, et ceci dans le calme et le dialogue.

Au niveau de l'éducation, quand nous avons dit avant les élections de 1999, qu'il fallait s'attaquer au problème, tout le monde nous riait au nez. Depuis la fameuse étude PISA, plus personne ne mésestime le problème. Anne Brasseur a pris les choses à bras le corps. Elle a réussi à remettre au goût du jour «il faut que l'école apprenne à lire, à écrire et à compter». Si on n'arrive pas à faire cela...

Partout où nous avions un programme de réforme, nous l'avons mis en place. Exemple : les impôts. Nous avions promis de les réduire, c'est chose faite. Notre bilan existe. Nous ferons tout pour le défendre en espérant que les électeurs nous donneront cinq ans supplémentaires pour avancer encore plus.

Si vous êtes toujours au gouvernement, vous retrouvera-t-on. ministre des Affaires étrangères?

Lydie Polfer: Ce serait mon souhait. La continuité est indispensable pour faire avancer à la fois ses idées et ses réformes. Et puis, j'aimerais connaître la présidence de I'UE, présidence que nous préparons tous d'arrache-pied.

Si vous perdez les élections, qu'allez-vous faire?

Lydie Polfer: Redevenir députée et me réinscrire au Barreau.

Que pensez-vous de la présence des femmes en politique?

Lydie Polfer: Elles ne sont malheureusement pas assez nombreuses. Mais elles le seront de plus en plus. L'administration publique rattrape son retard, il faut maintenant que le privé suive aussi. Un jour, un ambassadeur luxembourgeois sur deux sera une femme. Pour y arriver, il n'y a nul besoin de quotas. Je suis contre car je suis pour le mérite. Or, les femmes sont aussi capables que les hommes et elles gagnent petit à petit les places qui leur reviennent.

Pourquoi le DP est-il moins misogyne que les autres partis?

Lydie Polfer: C'est vrai que le DP a été le parti qui le premier a confié à des femmes des fonctions importantes comme celle de président de parti ou encore de bourgmestre de la Ville. Colette Flesch a été la première, moi-même j'ai été proposée au poste de bourgmestre à 29 ans. Si les électeurs du DP se sont affranchis plus vite que d'autres des préjugés à l'égard des femmes venant d'un autre temps, c'est probablement parce que l'idée même d'affranchissement est à la base de l'idée libérale : libérer l'être humain de toute servitude arbitraire afin de lui permettre de développer sa créativité pour augmenter le bien-être de tous.

Est-ce plus facile pour une femme que pour un homme d'être ministre des Affaires étrangères?

Lydie Polfer: Le sexe n'a rien à voir dans tout cela. Seuls comptent la personnalité, la connaissance des dossiers, la qualité d'écoute et le respect profond de l'autre. Peut-être les femmes sont-elles capables d'avoir un petit plus d'écoute et de respect parfois...

On a souvent parlé de votre vie sentimentale. En aurait-on fait de même si vous aviez été un homme?

Lydie Polfer: Non.

Que ferez-vous le jour où la politique ne sera plus dans votre vie?

Lydie Polfer: Je n'y ai pas encore pensé, mais le moment venu, on en reparlera.

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