"Discipline et responsabilité" Interview avec Lucien Lux, ministre des Transports, sur ses priorités politiques

Le Jeudi: Entre l'affaire Kralowetz, le dossier Luxair, la restructuration des CFL, les accidents de la route et le BTB, le ministère que vous prenez en main a été sous les feux de la rampe pendant cinq ans. Est-ce un cadeau empoisonné?

Lucien Lux: Non, bien au contraire. Je trouve que c'est un merveilleux challenge. On sait que, pendant vingt-cinq ans, je me suis plutôt occupé de politique sociale, du dialogue social, et là je découvre un nouveau secteur vis-à-vis duquel tout ce bagage sera un formidable atout car, dans bien des domaines, il faudra enrichir le dialogue social pour rétablir la confiance.

Et puis, dois-je rappeler que je suis fils de cheminot, que je l'ai été moi-même pendant deux ans, et que, en tant que bourgmestre de Bettembourg, j'ai toujours vécu au milieu des cheminots? On ne peut donc pas douter que je mettrai toute mon énergie à défendre les chemins de fer dont je crois en l'avenir, y compris dans le cadre de la libéralisation.

Si l'on prend les dossiers Kralowetz et Luxair, on s'aperçoit qu'ils ont en commun des problèmes de personnes, de passe-droits, de magouilles, de dysfonctionnements. Comptez-vous aller au fond des choses dans le dossier Luxair, quelles que soient les personnes concernées?

Lucien Lux: Oui. Bien sûr, il est encore trop tôt pour moi pour donner un avis sur tous les sujets. Mais j'aurai des discussions avec les responsables, très vite. Je suis en train de voir tout ce qui a été étudié, audité. Je connais un peu le sujet au niveau des hommes: pilotes, tripartite. Je tâcherai de me faire une opinion très vite, car la Luxair est très importante pour le pays. Il faudra trancher et prendre des décisions.

Votre prédécesseur a pesé de tout son poids dans le dossier Luxair pour tenter d'éviter l'"explosion". L'Etat a-t-il un rôle à jouer dans la gestion quotidienne d'une entreprise dont il est actionnaire?

 Lucien Lux: A priori non. Je crois que tout le monde, à son niveau, doit prendre ses responsabilités. Avec tout ce que cela comporte. Avec toutes les sanctions possibles. Moi, je n'ai pas cette culture du ministre interventionniste sur tous les sujets. Il faut responsabiliser, mais chacun doit
savoir ce que ça veut dire.

Mais nous ne serons pas non plus de simples spectateurs. Je veux avoir de bonnes relations avec les responsables de Luxair ou des CFL pour parler des grandes décisions stratégiques. Mais pour les engagements de personnel – là aussi il y a eu des interventions! -je ne serai pas ce ministre-là. Chacun doit travailler et prendre ses responsabilités. Discipline et responsabilité sont pour moi deux mots clés.

Faut-il, dans ce contexte, s'attendre à certaines restructurations au sein du ministère, et notamment de l'Aviation civile?

Lucien Lux: Non, je ne pense pas. Il faudra clarifier certaines situations, par exemple au niveau de la direction de l'Aviation civile, mais dans l'ensemble le ministère est bien structuré. Il restera à obtenir un certain renfort de l'effectif, ce dont nous parlerons dès septembre au gouvernement.

Du côté des CFL, la situation connaît des tensions également du fait des perspectives de restructuration. Un réseau ferré comme le nôtre peut-il encore être rentable aujourd'hui?

Lucien Lux: Que veut dire "être rentable"? Il ne faut pas oublier la notion de service public. Ni celle d'aménagement du territoire. Ni les répercussions environnementales. Autant de critères qui permettent aux États membres de subventionner ces services publics dont l'avenir m'apparaît certain.

Le projet BTB aurait-il pu contribuer au développement des transports en commun, au bénéfice des CFL?

Lucien Lux: Certainement. Mais nous avons perdu quinze ans! Et je comprends le public qui commence à douter sérieusement de notre capacité à faire démarrer de nouvelles infrastructures de transports publics. Après tant d'études, de discussions, de polémiques... Là aussi, la confiance est importante.

Les cinq ans qui viennent doivent être ceux des réalisations concrètes. A commencer par la liaison entre la gare, le Kirchberg et l'aéroport. A partir de là, je suis persuadé que les responsables de la Ville de Luxembourg et les commerçants comprendront que, sans train-tram, la ville sera bientôt commercialement morte.

La sécurité routière est un domaine où Henri Crethen s'est montré particulièrement timoré. Envisagez-vous d'aligner notre réglementation sur celles de nos voisins?

Lucien Lux: Ce n'est pas pour rien que le programme gouvernemental dit que cest un sujet majeur pour les cinq ans à venir! Là encore, je vais discuter avec les divers responsables concernés. Mais je pense qu'il faut accroître la répression.

Harmoniser le taux d'alcoolémie à 0,5%0, et à 0%0 pour les jeunes qui sont en stage. Installer des radars fixes sur les routes réputées dangereuses, mais s'attacher également à tenir un langage responsable vis-à-vis des jeunes. Leur montrer les conséquences de leur comportement. Le nombre de tués parmi les motocyclistes, par exemple, est intolérable.

Les relations entre votre prédécesseur et la Sécurité routière étaient difficiles. Quelle sera votre démarche?

Lucien Lux: Franchement, on parle de l'insécurité routière comme d'un formidable gâchis sociétal et humain, et on n'a rien d'autre à faire que de se chamailler! Ça ne va pas continuer comme cela. Chacun a sa place et ses responsabilités. Il faut travailler main dans la main pour combattre le fléau.

La peur du gendarme reste-telle l'une des meilleures méthodes?

Lucien Lux: Oui. Bien sûr, c'est un problème d'effectifs, mais qui s'est amélioré. La répression reste nécessaire car, malheureusement, certains ne comprennent que ça.

Le nombre toujours croissant de poids lourds en transit sur nos routes pose de gros problèmes. Allez-vous prendre des initiatives dans ce domaine?

Lucien Lux: Là aussi, mes mandats de bourgmestre de Bettembourg m'ont beaucoup appris. Sur la situation en zone frontalière, ou sur celle de l'aire de Berchem. Mais c'est aussi une responsabilité du ministre des Travaux publics. Il faudra voir, au niveau européen, ce qu'on peut harmoniser.

Justement, dans quatre mois ce sera la Présidence luxembourgeoise. Quel sera votre cheval de bataille?

Lucien Lux: Je ne suis pas encore fixé, car il y aura des réunions importantes en septembre pour préparer cette présidence. Mais il y aura sans doute la libéralisation des chemins de fer. Peut-être proposerons-nous d'évaluer ce qui a déjà été libéralisé au niveau du premier et du deuxième paquet, en termes de conséquences économiques, environnementales et sociales. Pour ne pas foncer tête baissée, et défendre la notion de service public.

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