Mars Di Bartolomeo: vers un plan national de santé. Interview avec le ministre de la Santé et de la Sécurité sociale

Le Quotidien: Monsieur le Ministre, au sein du gouvernement, vous avez accepté deux ressorts généralement qualifiés de «difficiles». Dans quel état d'esprit abordez-vous votre double mission de ministre de la Santé et de la Sécurité sociale?

Mars Di Bartolomeo: Certains ont effectivement toujours tendance à dire qu'il s'agit de ressorts difficiles, ingrats. Je ne suis pas d'accord. À mon avis, ils sont tout d'abord parmi les ressorts les plus importants car la sécurité sociale est synonyme d'assurance dans la vie de chacun. Quant à la santé, il n'y a rien de plus précieux. Vu leur importance, j'assume dès à présent ma tâche avec conviction et motivation. En ayant la certitude que, dans ces deux domaines, on peut mettre beaucoup de choses en mouvement.

Vous venez de débuter des consultations au niveau des assurances sociales et des caisses de maladie. Quel est votre sentiment sur leur état?

Il y a cinq ans, à l'avènement du nouveau gouvernement, on faisait procès à l'ancien ministre socialiste d'avoir laissé un déficit de 25 millions d'euros au niveau des caisses de maladie. À l'époque, le nouveau ministre en avait fait son cas. Son parti avait déclaré, dans le programme gouvernemental, qu'à la fin de la période 1999-2004, il n'y aurait plus de problème de déficit des caisses de maladie. Or, il en est tout autrement. Pour 2004, si nous n'avions pas eu recours aux fonds (130 millions d'euros) venant des caisses de pension, nous aurions été confrontés à un déficit de 90 millions d'euros pour cette année, et de 100 millions pour l'an prochain. Le problème est donc réel.

Est-ce à dire que vous ferez de sa solution une priorité?

Précisons d'abord que même s'il y a déficit, il n'y a pas de quoi paniquer. Les caisses de maladie ne sont pas là pour faire des bénéfices, mais pour financer la meilleure des prises en charge de santé possibles. Nous avons intérêt à établir une stratégie cohérente afin de consolider à court et moyen terme les caisses de maladie au niveau du financement. Dans la durée, ce sera effectivement la priorité des priorités.

Comment comptez-vous y parvenir?

De grands rendez-vous nous attendent en automne. Il nous faudra discuter avec les responsables des organes concernés, les forces vives et les représentants des patients, des différentes possibilités d'assainir la situation. Il s'agira de présenter un «mix» équilibré tendant à trouver de nouvelles recettes, contenir les dépenses, cerner des domaines de sous-couverture et des domaines de confort, créer éventuellement de nouvelles sources de financement, motiver et mobiliser tous les acteurs (prestataires et assurés), épargner ou ne pas dépenser ce qui est excessif.

Peut-être aussi de lutter contre les abus?

Je n'aime pas utiliser le terme «abus». Je préfère constater qu'un certain nombre d'acteurs n'ont peut-être pas toujours conscience de la suite d'habitudes ou de réactions risquant de compromettre les équilibres. Il s'agira de créer cette conscience. La santé publique n'a pas de prix, mais elle a un coût.

Quels seront vos autres chantiers?

Tout d'abord la préparation prochaine de l'ajustement des pensions. Le débat a été annoncé lors de la déclaration gouvernementale. Il faudra aussi se pencher sur le financement du forfait éducation et sur son extension vers ceux qui ne l'ont pas eu. À propos de ce forfait éducation, le gouvernement a pris sa position. Il s'agira de la confronter à celle des partenaires sociaux. Le gouvernement doit avoir le courage de cette confrontation. La dernière décision n'est pas encore prise. Une discussion animée n'a jamais nui à un débat. Nous ne sommes qu'en début de procédure à ce propos et il nous faudra, de toute façon, l'aval législatif. L'adaptation de l'assurance dépendance (le projet de loi en cours d'instruction devra être finalisé à brève échéance) et la préparation de la présidence luxembourgeoise de I'UE notamment dans les domaines social et de la sécurité sociale seront d'autres points forts de mon action au cours des semaines à venir.

Au niveau de la santé, votre objectif principal est de proposer un plan national. Pouvez-vous expliciter votre projet?

Au cours de ces dernières années, on s'est trop concentré sur le débat concernant les infrastructures. Et les autres composantes de la santé publique ont peut-être été négligées. Je me suis donné effectivement comme objectif de travailler sur un tel plan me basant sur un certain nombre de principes. Le premier est celui d'un changement de mentalité donnant une plus grande importance aux modes de vie sains et à une conscience orientée vers la santé. Il me parait très important d'y sensibiliser les gens. Mauvaise nutrition, manque de mouvement, accidents, consommation de drogues, notamment celles dites de luxe représentent des dangers pour la santé dont il faut essayer de tenir compte. Il faudra réussir à faire de la prévention des maladies un but prioritaire, un concept de prévention cohérent.

Quels sont les autres composantes de ce plan national? 

Tout d'abord, la programmation des besoins, la définition des buts et des moyens pour y arriver. Il faudra assurer la bonne couverture du pays en soins primaires (généralistes, polycliniques). Mais, aussi, finaliser les plans d'investissements infrastructurels, en veillant à ce que les grands acteurs se mettent d'accord sur un partage des missions, plutôt que de miser sur une concurrence à outrance. Assurer la continuité des soins et veiller à ce que la prise en charge des personnes plus âgées se fasse d'une façon plus systématique. La réhabilitation gériatrique aura un autre poids que par le passé.

Quid de la psychiatrie?

Modernisation et décentralisation de la psychiatrie représentent une grande priorité dans le domaine de la santé. La modernisation des bâtiments et la décentralisation du Centre hospitalier neuropsychiatrique d'Ettelbruck sont en cours. La décentralisation se fera vers des hôpitaux généraux dont le Kirchberg, Saint-Louis à Ettelbruck, le CHL à Luxembourg et l'hôpital d'Esch-sur-Alzette. Ils disposeront tous d'une station de psychiatrie.

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