Claude Wiseler: pas seulement bâtir, c'est concevoir qui importe. Interview du nouveau ministre des Travaux publics, ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative

La Voix du Luxembourg: De nombreux cadres du CSV vous voyaient future tête de liste aux élections communales dans la capitale avec de sérieuses chances de remporter la mairie. Ne regrettez-vous pas la ville de Luxembourg?

Claude Wiseler: Laurent Mosar et moi-même avons évoqué la question, fait le choix ensemble. Il n'y en avait qu'un seul de nous deux qui pouvait quitter le collège échevinal. Nous avons eu une discussion très utile et très amicale. Lui préférait rester à la commune, moi le choix que j'ai fait. Nous nous complétons utilement. Mais bien sûr que je regrette un peu la ville de Luxembourg. La politique locale est très proche du terrain, des gens. J'avais un contact très étroit avec les habitants, le monde scolaire, les enseignants, les classes. J'ai eu un pincement au cœur en
vidant mon bureau mais je suis content car Martine Stein-Mergen reprend mes dossiers, elle fera du bon boulot. Vous savez, j'ai toujours eu la chance de changer périodiquement d'activités et j'ai toujours eu des emplois intéressants. Je le considère comme une vraie chance, un nouveau challenge d'entrer au gouvernement. On ne peut pas dire non.

On vous voyait ministre de l'Education nationale et on vous découvre ministre des Travaux publics et de la Fonction publique. N'est-ce pas frustrant?

Votre réflexion est logique puisque je m'occupais des questions d'éducation au parti chrétien social mais la politique en a décidé autrement. La politique de l'Education est pour moi une passion et je la suivrai donc avec un grand intérêt. Mais j'aborde ma nouvelle tâche de façon positive. Tout d'abord il est logique que je prenne en charge la Fonction publique, département que je connais bien, y ayant travaillé pendant 15 ans. Me retrouver aux Travaux publics peut étonner mais il s'agit en fait d'un ministère très important. C'est là que s'écrit la conception que l'on a de l'avenir du pays. C'est là qu'en harmonie avec l'IVL (Concept intégré des transports et du développement spatial) et avec l'Aménagement du territoire se met en place une politique coordonnée pour doter le pays d'infrastructures garantissant son développement. Il ne s'agit pas seulement de bâtir, c'est surtout concevoir qui importe. Le succès, c'est allier la conception à la réalisation en passant par la planification. Il s'agit de l'un des grands ministères traditionnels où l'on dépense beaucoup d'argent. Il faut donc une étroite collaboration avec les ministres du Budget et des Finances.

A propos d'argent, ne trouvez-vous pas dommage d'arriver à un moment où l'argent se fait plus rare?

Mais la politique des dix dernières années a permis de constituer des réserves financières suffisantes. Cette politique très sage permet au ministère des Travaux publics de poursuivre les gros chantiers, de les achever pour les mettre à la disposition de nos concitoyens. Les réserves des fonds d'investissement nous permettent de maintenir un niveau élevé de dépenses publiques pour stimuler l'économie. Pour économiser de l'argent, notre réflexion tourne autour de trois axes. D'abord il existe deux secteurs où les chantiers sont prioritaires: les infrastructures scolaires pour couvrir les besoins, notamment dans le secondaire, et les projets européens comme la Cour de justice des Communautés européennes, l'Ecole européenne, autant d'investissements indispensables pour permettre au Grand-Duché de justifier et de stabiliser sa place dans l'Union européenne. Le troisième axe, non prioritaire celui-là, s'avère une démarche permanente: c'est veiller à ce que les dépenses soient gérées de manière rationnelle. Nous construirons, non pas en abaissant la qualité, mais en suivant les dossiers de près dans le souci de limiter les frais. Deux exemples: dans le plan sectoriel «lycées», nous procédons à une standardisation des constructions, ce qui permet de gagner du temps et de l'argent. Et en second lieu la commission d'analyse critique aura la possibilité de suivre les dossiers de la planification à la réalisation. Cette commission sera assistée par un «project manager».

Qu'en ira-t-il des projets autoroutiers?

L'élargissement à deux fois trois voies de l'autoroute A3 et de l'A6 entre Bettembourg et Marner ainsi que la liaison Micheville sont prioritaires.

Et les chantiers culturels comme le musée Pei?

J'espère pouvoir finir le musée Pei le plus vite possible pour l'ouvrir au plus tôt au public. Il en va de même pour la salle de concert. Nous devrons être prêts pour le grand rendez-vous de 2007. Prêts signifie aussi rodés.

Comment faites-vous face à vos nouvelles obligations ministérielles?

Avec des journées de travail qui finissent à 22 ou 23 heures, au bureau ou à la maison. C'est un gros travail dans lequel on n'entre pas intuitivement mais il est passionnant. Je l'ai toujours fait et cela ne me gêne pas.

La vie familiale en souffre-t-elle?

La famille l'accepte. J'ai de la chance. Ils sont très compréhensifs. Heureusement, car sans équilibre personnel, rien n'est possible.

Que pensent vos enfants du fait d'avoir un papa ministre?

Vous devriez le leur demander. En fait, cela n'a rien changé. Bien sûr qu'ils m'ont posé la question de savoir si cela allait changer quelque chose dans nos relations. Je leur ai répondu qu'on allait tout faire pour ne rien changer. Même si je suis à l'extérieur, ils savent que je reste disponible. La famille demeure la priorité. Vous savez, l'intensité des relations n'est pas forcément liée au temps passé ensemble.

Que pense Claude Wiseler de sa collègue ministre de l'Education nationale?

Nous sommes sur la même longueur d'onde. Cela s'est bien vu lors de l'élaboration du programme de gouvernement.

Elle n'occupe pas un département ministériel facile.

Honnêtement, quel est encore aujourd'hui le ministère facile. Il n'y en a plus. Il y a un travail à abattre, des responsabilités à prendre, où que l'on soit mais voilà ce qui rend le métier d'homme politique fascinant.

Nous n'avons pas encore véritablement parlé de la fonction publique. Pourquoi avoir pris ce ministère?

J'ai 17 années de fonctionnariat derrière moi. Je sais comment elle fonctionne, comment elle réfléchit, comment elle respire. Ce milieu m'est familier et il est donc tout naturel d'avoir dit oui. J'ai tenu à ce que la réforme administrative y soit associée car je suis bien conscient qu'elle ne s'achève pas avec le vote d'une loi. Il s'agit d'une procédure permanente d'adaptation à la réalité du monde.
Mais ce qui sera nouveau, c'est que le même ministre concentre entre ses mains les possibilités de développer eLëtzebuerg car la poursuite de l'informatisation doit servir de moteur à la réforme administrative. Introduire de nouvelles technologies signifie de nouvelles procédures aussi bien dans le travail que dans le contact avec le public, ce qui doit amener à réfléchir sur le mode de fonctionnement en les conceptualisant, en réfléchissant à leur bien-fondé. Car je ne pense pas qu'une informatisation ne doit l'être que de surface. Cela prendra du temps. J'ai l'intention de m'y impliquer personnellement en m'appuyant sur un comité de coordination chargé de donner des impulsions. D'ailleurs le service eLëtzebuerg sera renforcé. Un nouveau chef de service débutera en septembre. Nous mettrons en place un concept stratégique qui aura le soutien complet du gouvernement. Dans un pays où les nouvelles technologies jouent un rôle majeur, il s'impose de voir l'administration se hisser à un très haut niveau dans ce même domaine.

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