Jean-Louis Schiltz se veut un homme de terrain. Interview du ministre de la Coopération, ministre délégué aux Communications

La Voix du Luxembourg: Vous étiez avocat et vous voilà avec un agenda de ministre déjà bien rempli. Quelles sont vos premières impressions?

Je suis en train de m'installer, de m'organiser... Cela ne se fait pas en un jour. Je suis aussi en train de nouer mes premiers contacts et progressivement, je fais connaissance avec mes nouveaux collaborateurs. La grande différence entre avocat et ministre, c'est que vous n'êtes plus le maître de votre calepin. Avant, je prenais mes rendez-vous moi-même. Maintenant, je n'y arrive pas, étant donné que souvent, il y a plusieurs personnes concernées pour un même rendez-vous, et qu'il faut coordonner tout ça. Heureusement, j'ai quelqu'un ici qui fait cela très bien.

Comment gérez-vous votre agenda?

Mon bureau principal est ici au ministère de la Coopération. Je consacre une partie de mon temps – pour le moment un jour par semaine – aux Médias et aux Communications. Mais la plupart du temps, je serai ici.

De secrétaire général du CSV, dont vous avez organisé la campagne électorale, vous passez ministre de la Coopération. Quel est le lien entre les deux?

Le premier lien c'est d'abord l'engagement politique, mais au niveau du travail en lui-même, c'est vrai qu'il y a un certain nombre de différences. Quand vous êtes secrétaire général, vous êtes responsable de la bonne marche d'une organisation formée par des milliers de membres; en tant que ministre, vous êtes responsable de la politique du département dont vous avez la charge et vous travaillez avec les autres membres du gouvernement en étant responsable de 400.000 personnes.

Avez-vous choisi volontairement le ressort de la Coopération? C'était vraiment ce que vous vouliez?

Quand on vous propose d'entrer au gouvernement, vous devez répondre aux défis qui se posent. Ces ministères me conviennent très bien. Notre parti a toujours fait une priorité de la politique de Coopération. En tant que secrétaire général, je me suis attelé à ce que le Luxembourg consacre 1% du revenu national brut à la coopération, et c'est toujours notre objectif. Pour l'instant, nous sommes à 0,84% en 2004. La coopération est un domaine où le Luxembourg montre qu'il sait partager avec les plus démunis. Les organisations non gouvernementales – il y en a 80 pour l'instant au Luxembourg – jouent à ce niveau un rôle essentiel et ma porte leur sera toujours ouverte. Je les rencontrerai tour à tour dans les semaines qui viennent. Je compte aussi beaucoup sur la contribution de la société civile et l'engagement des bénévoles. C'est là que se situent mes priorités.

Les dix pays cibles de la coopération luxembourgeoise seront-ils maintenus?

Il y aura une évolution en la matière. Le programme de coalition prévoit de réviser les critères de détermination des pays cibles. Il est trop tôt pour dire s'il en ressortira un changement. On ne s'engage pas dans un pays en voie de développement du jour au lendemain tout comme on ne se retire pas d'un jour à l'autre d'un pays cible. 70% de la coopération bilatérale se fait avec les pays cibles. Actuellement, nous investissons surtout dans le secteur social, la santé et l'éducation. Après trois semaines d'activité, mon analyse est qu'il reste suffisamment à faire dans tous les pays cibles pour les maintenir sur cette liste. La lutte contre la pauvreté restera l'objectif de la politique de coopération.

Comptez-vous vous rendre régulièrement sur le terrain?

Bien sûr. Ma première visite est prévue début octobre au Cap-Vert, un des dix pays cibles. Puis, ce sera le Vietnam et le Mali. Je crois qu'on ne peut pas faire une politique de coopération sérieuse si l'on ne va pas sur le terrain pour se rendre compte de ce qui se passe.

Quelle est la différence entre une politique de coopération menée «façon» chrétiens-sociaux et une politique de coopération «à la libérale»?

Ce que vous appelez politique de coopération façon libérale est en réalité une politique qui a été élaborée par la coalition CSV-DP. Donc, de ce point de vue là, le fait qu'il y ait continuité ne doit pas étonner. Maintenant, chacun peut y mettre ses accents. Les nôtres seront définis dans les mois à venir, outre ceux que je vous ai présentés.

Vous sentez-vous en concurrence par rapport à votre prédécesseur, Charles Goerens, qui en plus d'être populaire semblait très attaché à ce ministère?

Je sais que Monsieur Goerens est très populaire et c'est quelqu'un que je respecte beaucoup. Mais je ne me sens pas du tout en concurrence avec lui. Dans tous les métiers que j'ai pu exercer, je ne me suis jamais comparé à celui qui me précédait, pas plus que je ne me suis permis de critiquer ce que faisaient mes successeurs.

Une telle popularité, ça vous laisse rêveur... ou de marbre?

J'essayerai de faire la meilleure politique de coopération possible pour le Luxembourg.

Que pense votre famille de cette nomination?

Notre emploi du temps était déjà difficile à gérer avant, et il le sera encore à l'avenir. Mon épouse a beaucoup de compréhension par rapport à cela. Elle a fait des sacrifices concernant sa carrière professionnelle. J'ai trois petits enfants, d'un, trois et cinq ans, et j'essaie de m'occuper le plus possible d'eux. A mon avis, c'est une question d'organisation. Je peux les voir tôt le matin et lorsqu'ils sont couchés, le soir, j en profite pour travailler.

Que disent vos enfants à propos de leur papa ministre?

Ils sont encore petits. Je leur ai juste expliqué que j'avais un nouveau bureau [sourire]!

Qu'en est-il de votre cabinet d'avocats?

Nous étions trois associés, et ils se retrouvent à deux, parfaitement capables et outillés pour reprendre le flambeau. Mais, ça ne s'est pas passé du jour au lendemain. Durant ces cinq dernières années, je consacrais une bonne partie de mon temps à ma fonction de secrétaire général du parti chrétien-social. De ce point de vue là, je ne pense pas que ça a été un choc, mais c'est à eux qu'il faut demander ça...

Votre métier d'avocat vous manquera?

Vous savez, dans la vie, il faut parfois répondre à de nouveaux défis. Et je ne suis pas du genre à regarder en arrière.

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