"Défendre les intérêts de l'Europe" Interview avec le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn

Le Quotidien : Pourquoi avez-vous choisi le ministère des Affaires étrangères?

Jean Asselborn : Dans une coalition, chacun doit avoir des responsabilités en ce qui concerne la politique étrangère et européenne. Il est de tradition, depuis vingt ans, que le partenaire de coalition détienne soit le ministère d'État, soit le ministère des Affaires étrangères. Il fallait garder cet équilibre.

Comptez-vous agir différemment de votre prédécesseur Lydie Polfer?

Jean Asselborn: Je n'ai aucun intérêt à le faire. Il y a une continuité de la politique étrangère pour un pays comme le Luxembourg. L'avenir du Luxembourg, c'est l'Europe.

Avez-vous un modèle politique en matière de diplomatie et de politique étrangère?

Jean Asselborn: Il n'existe aucun modèle. L'Europe fonctionne dans des structures bien établies. La nouveauté est que nous sommes désormais 25 pays sans compter les Commissaires européens. Le modèle pour faire fonctionner l'Europe est une Commission forte et un Conseil européen qui cherche à faire avancer l'idée européenne.

Comment se sont passés vos premiers contacts avec vos homologues étrangers?

Jean Asselborn: Mes premiers contacts sont très bons. Javier Solana a également été sympathique. Il m'a promis de m'aider lorsque le Luxembourg assumera la présidence de I'UE.

Ne craignez-vous pas d'être «coincé» entre votre Premier ministre et le ministre délégué aux Affaires européennes?

Jean Asselborn: Non, la politique étrangère est faite par le ministère des Affaires étrangères, en étroite collaboration avec le Ministère d'État.

Quels seront les défis de la présidence luxembourgeoise durant le premier semestre 2005?

Jean Asselborn: Le volet financier sera sans aucun doute le plus difficile. On peut aussi citer les Balkans où l'Europe devra être forte pour éviter une seconde vague de violence, ce qui n'est pas à exclure. Le processus de Lisbonne devra également être relancé. Au Moyen-Orient, il faut absolument défendre les principes de la «feuille de route» qui sont bafoués avec la construction de colonies israéliennes et le manque d'ordre public palestinien. Un débat important concerne aussi la réforme de I'ONU avec l'Allemagne qui souhaite entrer au sein du Conseil de sécurité du fait de sa contribution financière qui est la troisième plus importante des États membres. Le plus intéressant serait d'avoir l'Union européenne comme représentante au Conseil de sécurité.

La présidence luxembourgeoise sera aussi l'occasion de traiter les nouvelles demandes d'adhésion.

Jean Asselborn: La Bulgarie est prête, la Roumanie pas encore. Il y a aussi la Croatie avec qui nous allons commencer des discussions sans pour autant donner un agenda précis. Enfin, il y a la Turquie. Le 6 octobre, nous allons avoir le rapport – accompagné de recommandations – de la Commission qui devrait être assez positif. Ensuite, le Conseil européen de décembre devra statuer quant aux démarches d'adhésion de la Turquie. Pour le gouvernement luxembourgeois, il est clair que nous serons favorables si le rapport et les recommandations vont dans ce sens. Nous avons commencé il y a 40 ans les pourparlers avec la Turquie. La Turquie ne sera pas membre avant au moins cinq ans. Elle doit d'ici là encore démontrer que démocratie et islam sont compatibles.

Quelles sont les limites de l'Europe?

Jean Asselborn: C'est une question philosophique. L'Europe vieillit et a besoin d'immigration pour survivre.

Cela passe par la définition d'une véritable politique d'immigration?

Jean Asselborn: L'Europe sans immigration perd à long terme en substance. Démographiquement, l'Europe est sousdéveloppée. En matière d'immigration, il faut que tous les États de I'UE aient les mêmes lois.

Qu'est-il prévu pour adopter la Constitution européenne?

Jean Asselborn: La Constitution sera soumise à un référendum d'approbation. Le Parlement votera d'abord, puis il y aura un référendum. Mais, j'espère que l'adhésion turque ne viendra pas s'immiscer dans le débat.

Une date de référendum a-telle été arrêtée?

Non, il n'y a pas encore de date précise.

Comment voyez-vous l'évolution des relations internationales?

Il faut revenir sur un multilatéralisme honnête, efficace et en conformité avec le droit international. C'est le seul chemin pour faire parler la diplomatie plutôt que les armes. Il ne faut pas moins d'Amérique, mais plus d'Europe dans le monde.

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