Rapprocher les cultures. Interview avec le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn

Le Jeudi: Comment aborde-t-on un tel poste quand on a si peu l'expérience de la diplomatie?

Jean Asselborn: II était évident que le parti obtienne ce poste, non seulement parce qu'il est prestigieux, mais aussi parce qu'il colle à celui de vice-président du gouvernement. Il en est ainsi depuis une bonne vingtaine d'années. Ensuite, il faut bien voir que si l'on veut jouer un rôle dans l'avenir du pays, on ne peut pas seulement le jouer à Luxembourg, mais davantage à Bruxelles, à Strasbourg et dans les autres capitales européennes.

Enfin, personnellement, depuis 1997, j'ai tout de même suivi les affaires européennes en ma qualité de vice-président du PSE, à une époque où nous avions un rôle dominant, et puis l'Europe et les Affaires étrangères m'ont toujours intéressé.

Vous allez, d'entrée, vous plonger dans la présidence européenne. Quel sera votre rôle entre le Premier ministre et votre ministre délégué?

Jean Asselborn: Dans tous les pays européens, il y a un partage des responsabilités. La politique étrangère est définie au ministère des Affaires étrangères, en relation étroite avec le ministère d'Etat. Il n'y a à ce sujet aucun problème entre le Premier ministre et moi-même. Nous avons chacun des responsabilités différentes, mais qui vont dans le même sens: défendre les intérêts du pays.

Outre l'Europe, il y a aussi le Proche-Orient, l'lrak, les soubresauts en Russie, les élections américaines... qui va s'occuper de quoi pendant la Présidence?

Jean Asselborn: Ecoutez, le ministre des Affaires étrangères s'occupe de tout ce qui concerne la politique étrangère. C'est normal comme ça. Et le ministre d'Etat prépare aussi avec ses collègues la Présidence luxembourgeoise. Il ne faut pas chercher la petite bête. Quant à Nicolas Schmit, il est mon ministre délégué et il a compétence dans tous les domaines. Pour le reste, nous sommes confrontés à des dossiers difficiles. Par exemple l'lran, qui se prépare à s'équiper de la bombe atomique. Quant à l'lrak, j'espère que les Nations unies vont contribuer à ce que ce pays devienne un vrai pays démocratique.

Et il y a enfin les Balkans. Nous devons nous y investir pour redonner une perspective à ces populations. Sinon, ce sera notre Gaza.

Par rapport à tous ces dossiers, quelles sont les initiatives que vous comptez prendre?

Jean Asselborn: Pour nous, la présidence de I'UE c'est quatre ou cinq points très importants:

  • Elargissement: la Roumanie et la Bulgarie. Nous souhaitons signer les deux traités d'adhésion. Puis, la Croatie. Débuter les pourparlers. Et la Turquie. Avis et recommandations de la Commission le 6 octobre, puis décision au Conseil de décembre, et entamer sans délai les discussions, comme prévu à Copenhague.

  • Processus de Lisbonne: nous sommes à mi-chemin. Il faut relancer l'initiative, en attendant le rapport Kok pour novembre.

  • Paquet financier: très compliqué. C'est le financement de I'UE pour la période 2007-2013, avec toutes les répercussions sur les budgets nationaux. Faut-il maintenir ou supprimer le chèque britannique?

Et puis, il faut aider l'Afrique. Mais pour moi, le plus urgent, ce sont les Balkans.

Quels seront, selon vous, les grands défis géopolitiques des cinq années à venir?

Jean Asselborn: C'est très difficile à prévoir. Mais je pense qu'il y a un mot clé: faire refonctionner le multilatéralisme. Comment? En réformant et redynamisant les Nations unies. Ensuite, rapprocher les cultures et les religions, en démontrant, par exemple, que l'islam ce n'est pas le terrorisme. Et là, la Turquie pourrait être un bon laboratoire.

Enfin, rapprocher les différences qui existent tout autour du globe. Nous, nous sommes du côté des riches, mais nous ne resterons pas riches si nous ne partageons pas. Intellectuellement aussi, en essayant de comprendre. On ne peut pas vaincre la haine et le terrorisme seulement avec des armes.

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