"Une économie de la culture". Interview avec le ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, François Biltgen, et avec la secrétaire d'État à la Culture, à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, Octavie Modert

Le Jeudi: N'en avez-vous pas assez que tout le monde s'étonne de votre nomination?

François Biltgen: Ce ministère était un souhait de ma part. Ceux qui s'étonnent connaissent mal ce que j'ai fait jusqu'ici. J'ai eu quelques dossiers dans cette maison: le fonds cinématographique, le statut de l'artiste... Les étonnés seront surpris!

Erna Hennicot-Schoepges avait en charge les Travaux publics, vous le Travail. Faut-il y voir un signe?

François Biltgen: ll y a un lien évident entre la Culture et le Travail. Le but, par exemple, n'est pas seulement d'avoir des films sur grand écran, mais de créer une économie autour du cinéma. Qui emploie entre-temps six cents personnes, on l'oublie trop vite.

Nous avons ici un grand volet à traiter, qui est l'industrie de la culture. L'université et la recherche sont aussi des dossiers importants pour le Travail. Le ministre n'est pas là uniquement pour compter les chômeurs à la fin de chaque mois! Il faut suivre l'économie, savoir ce qui s'y passe.

La période des grandes constructions est donc finie?

François Biltgen: Les grands chantiers sont tous lancés, à l'exception de la Bibliothèque nationale, pour laquelle il reste une décision à finaliser. Il faut à présent remplir ces infrastructures de vie. Nous avons deux problèmes: la coordination et la visibilité. La culture fait 1% du budget national. Pour bien employer cet argent, il faut mieux coordonner l'offre. Dans ce sens, un projet de loi sur le développement culturel régional sera élaboré.

Ensuite, il faut convaincre le public luxembourgeois que la scène culturelle est vivante. Et de qualité.

En parlant de public, à qui s'adresseront les nouvelles salles?

Octavie Modert: Pas seulement aux Luxembourgeois, évidemment. L'esprit de la Grande Région prévaut. Nous voulons créer une réciprocité entre nos compatriotes qui vont voir des spectacles à l'étranger et les étrangers qui viendront chez nous.

François Biltgen: Concernant la Philharmonie, tous les styles de musique y seront présentés, de l'Orchestre philharmonique, bien sûr, au jazz, en passant par la disco! Le programme s'adressera à tout public.

Qu'est-ce que la culture, pour vous?

Octavie Modert: Elle doit contenir le bagage historique d'une nation et être porteuse d'avenir. C'est le fondement d'une population, c'est pourquoi toutes les directions sont admises. Il ne faut pas mépriser ceux qui sont moins "calés", tout le monde a le droit de s'exprimer.

François Biltgen: C'est une part de l'identité, et, comme celle-ci, elle évolue. La politique culturelle doit donc sauvegarder ce qui en vaut la peine, mais aussi ouvrir de nouveaux horizons, sans oeillères.

Et ce, sur n'importe quel support. Il n'y a pas un domaine plus important que l'autre. Je n'aime pas la notion de "culture établie".

N'avez-vous pas peur de vous "éparpiller"?

François Biltgen: Le rôle de l'Etat se limite à donner aux différents courants l'occasion de s'exprimer, pas de tout soutenir à 100%. Nous ne voulons pas de culture étatique.

Concernant l'université de Luxembourg, jusqu'où veut aller le gouvernement?

François Biltgen: Nous voulons consolider ce qui existe et, en même temps, agir du haut vers le bas. Une de nos priorités est les masters très spécialisés. Mais avant, il faudra trouver un nouveau recteur, la perle rare. Même si c'est le conseil de gouvernance qui présentera le candidat, le gouvernement ne peut pas s'en désintéresser... L'université doit grandir proprement, comme il faut.

Qu'en est-il du projet de budget?

François Biltgen: Je prends l'exemple de la recherche. Le programme de coalition prévoit d'atteindre 1% du budget national en 2010. Mais penser que la recherche sera deux fois meilleure si on double le budget serait faux. Il s'agit d'établir une stratégie, pas de dilapider beaucoup d'argent

Autre point critique: le statut de l'étudiant.

François Biltgen: Ce n'est plus de mon ressort. Cela dit, il faut certes faciliter la venue et l'établissement d'étudiants et de chercheurs, mais il ne faut pas que l'université soit avant tout une porte d'accès au marché du travail. Du genre: "Inscris-toi à Luxembourg et tu pourras travailler tout de suite." Lors des régularisations des sans-papiers, nous avons retrouvé des "étudiants" dans les fast-foods. Je me demande quel était leur niveau d'études...

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