Le ministre délégué Nicolas Schmit au sujet de la Présidence du Conseil de l'UE

"La Présidence nous expose au monde"

Tageblatt: C'est la 11e fois que le Luxembourg assure la Présidence du Conseil de I'UE: Les responsables ont donc une certaine expérience. Mais qu'en est-il des ministres, parmi lesquels il y a tant de nouveaux?

Nicolas Schmit: La Présidence a été bien préparée. Les différents ministres, surtout ceux qui sont devenus membres du gouvernement issus des élections de juin 2004, ont eu suffisamment de temps pour se préparer à leur tâche de Président d'une formation du Conseil.

Tageblatt: Quels sont les accents principaux de cette Présidence?

Nicolas Schmit: Les dossiers à traiter sous Présidence luxembourgeoise sont dictés par l'agenda européen. Il s'agit notamment de la relance de la stratégie de Lisbonne, de la réforme du Pacte de stabilité et des nouvelles perspectives financières 20072013.

A côté, la Présidence doit faire adopter ou avancer une série de textes importants dans les domaines les plus divers de la législation européenne: social, environnement, transports. L'Union européenne doit également renforcer sa coopération judiciaire et policière. Finalement, elle est un acteur sur la scène internationale: la Présidence a aussi une responsabilité à cet égard ... Kosovo, Moyen Orient, Darfour, sont quelques repères.

L'ambition du Luxembourg est d'accomplir au mieux la tâche de la Présidence. Les moyens mis en œuvre sont considérables pour un pays comme le nôtre, même si en comparaison avec la plupart des autres Etats membres ils peuvent paraître modestes. Si cela fonctionne, c'est dû à une extrême disponibilité de tous ceux qui, à tous les niveaux, participent à l'exercice de la Présidence. L'ambition de bien faire, et cela dans l'intérêt du Luxembourg comme de la cause européenne, est partagée par tous.

Tageblatt: Quand pourra-t-on parler d'un succès de la présidence? Quand d'un échec?

Nicolas Schmit: Une Présidence se juge d'après les résultats obtenus, c'est évident. Mais elle se juge avant tout selon la manière dont elle gère les affaires de l'Union: rechercher des accords, en travaillant etroitement avec les autre institutions, notamment le Parlement et la Commission; écouter les partenaires; préparer les compromis; ne pas mettre en avant des intérêts nationaux, et finalement, faire avancer la constitution européenne. Tout cela a fait le succès des Présidences luxembourgeoises par le passé. Il faut évidemment avoir un peu de chance et surtout pouvoir compter sur la volonté de coopération des partenaires.

L'éventualité d'un échec de notre Présidence me paraît improbable. Le succès plus ou moins important dépendra de notre capacité, respectivement de la possibilité de résoudre les grands dossiers que j'ai mentionnés, ou du moins de préparer des solutions.

Tageblatt: Quels fruits le Luxembourg peut-il récolter pour son engagement au cours de la Présidence?

Nicolas Schmit: La Présidence de l'Union ne change pas fondamentalement la perception qu'on a d'un grand pays. La France est la France, l'ltalie, même si sa Présidence est médiocre, garde son aura culturelle, etc.

Pour un petit pays comme le nôtre, c'est différent. La Présidence nous expose au monde. C'est une formidable chance de nous faire connaître et de faire preuve de notre capacité de jouer pleinement notre rôle sur la scène européenne, mais aussi sur un plan international.

Le rôle international du Luxembourg, sa place dans le monde, la reconnaissance internationale dont il bénéficie, sont dus avant tout à notre action au sein de l'Union européenne. Une Présidence bien menée nous aide à re-confirmer et à consolider ce rôle qui va bien au-delà de notre poids démographique ou économique. L'Union européenne reste un projet de paix, de liberté et de progrès social. C'est cela l'espoir que nous devons concrétiser à 25 et plus.

Tageblatt: Qu'en est-il des relations du moins tendues entre la "vieille Europe" et les Etats-Unis?

Nicolas Schmit: Les Etats-Unis sont des partenaires importants pour tous les pays européens. Mais les schémas simplistes vieille Europe/nouvelle Europe présentés par tel ou tel responsable américain sont dénués de sens. Même certains néo-conservateurs qui n'ont cessé de ridiculiser l'Union européenne sont en train de changer et de reconnaître que l'Europe est un modèle pour beaucoup de pays dans un monde globalisé.

Tageblatt: Que peut-on espérer pour l'Europe des 25 ..., bientôt des 27 ou 28?

Nicolas Schmit: L'Europe des 25 est faite. Il faut la consolider. L'intégration des dix nouveaux États membres qui est formellement acquise depuis le ler mai 2004 doit maintenant se réaliser concrètement. La Roumanie et la Bulgarie devraient rejoindre l'Union en 2007. On commencera la négociation avec d'autres, la Croatie probablement, et la Turquie, en octobre.

Le projet européen garde une énorme attractivité. Regardons la réaction de la nouvelle Ukraine où la démocratie l'a emportée. Vers qui est-ce que ce pays se tourne?

L'élargissement ne doit pas fatalement conduire à l'implosion. Nous avons besoin d'institutions fortes et qui fonctionnent, et surtout l'Europe ne peut se construire sans l'adhésion des citoyens à ce projet.

Tageblatt: Pensez-vous que l'on pourra aboutir à un consensus européen sur une politique d'immigration qui ne se limite pas à des expulsions par charters affrétés?

Nicolas Schmit: L'immigration est un défi majeur pour l'Europe. Nous avons besoin d'immigration, vu l'évolution de notre démographie. Mais l'immigration doit s'organiser. Elle doit être encadrée. C'est d'êtres humains qu'il s'agit et non pas de facteurs de production.

De l'autre côté, l'Europe ne peut pas accueillir tous les malheurs du monde, et des centaines de millions d'êtres humains sont prêts à se mettre en marche, forcés par la faim, la misère, l'oppression ... Les charters ne sont certainement pas la vraie réponse. Celle-ci réside dans le développement, la solidarité, l'éducation. Si l'Europe veut rester un modèle politique social, c'est à ce niveau de solidarité que nous devons agir. L'aide au développement, c'est aussi un investissement dans la stabilité de nos propres sociétés.

Les questions d'immigration ont besoin d'un traitement global et cohérent. Des réponses simplistes sont d'emblée condamnées à l'échec.

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