Jean-Claude Juncker au sujet de la présentation des priorités de la Présidence britannique

Jean-Michel Aphatie: Bonjour Jean-Claude Juncker. On le sait, l'Europe est en crise, et hier devant les députés européens à Bruxelles, Tony Blair a déclaré ceci: "dans chaque crise il y a une opportunité, il y en a une ici et maintenant pour l'Europe, si nous avons le courage de la saisir". Vous la voyez, vous, cette opportunité dans la crise actuelle de l'Europe Jean-Claude Juncker ?

Jean-Claude Juncker: Je vois d'abord la crise, qui est réelle, qui a été voulue par les uns, qui n'a pas pu être évitée par les autres.

Jean-Michel Aphatie: Elle a été voulue par les Anglais Jean-Claude Juncker ?

Jean-Claude Juncker: Les Britanniques, sur l'affaire budgétaire, n'ont rien fait pour éviter la crise alors que toutes les propositions étaient sur la table qui leur auraient permis de dire oui. On leur avait offert en perspective un changement des perspectives financières à partir de 2009, sur la base d'une étude de la Commission, qui aurait porté sur l'opportunité de toutes les dépenses dans toutes les catégories budgétaires du budget de l'Europe. On a refusé cela. On a refusé du point de vue britannique la nécessité qu'il y a que le Royaume Uni, comme les autres pays, cofinance normalement le coût de la cohésion dans les nouveaux pays membres, à l'exception, puisqu'elle le conteste la Politique Agricole Commune donc on a voulu la crise de toute façon on n'a pas voulu l'éviter. Il y a dans toute crise une opportunité cela nous permettra maintenant de nous mesurer quant à nos ambitions sur le court terme, et sur celles qui sont lointaines.

Jean-Michel Aphatie: Vous avez senti dans le discours d'hier de Tony Blair, qui a été salué par les parlementaires européens qui ont trouvé qu'il avait du souffle ce discours. Vous avez senti, vous une possibilité de sortie de crise justement dans le discours de Tony Blair ?

Jean-Claude Juncker: Tony Blair a dit hier, si j'ai bien compris, qui lui aussi n'était pas d'avis que l'Europe devrait se transformer en zone de libre échange.

Jean-Michel Aphatie: Donc vous êtes tous d'accord alors.

Jean-Claude Juncker: Il était en faveur de l'union politique. Il y a le discours, il y a la réalité. Je voudrais que la réalité suive le discours.

Jean-Michel Aphatie: Vous doutez de sa sincérité Jean-Claude Juncker.

Jean-Claude Juncker: Non, ce ne serait pas convenable que de mettre en doute la volonté de Monsieur Blair de vouloir faire ce qu'il a annoncé au Parlement Européen. Ses annonces n'étaient pas concrètes. C'était un discours qui portait sur les grands principes, qui disait plus souvent ce que le Royaume Uni n'aimerait pas faire, qui décrivait en détail ce qu'il conviendrait de faire. Mais non, je veux partir de l'idée que le Royaume Uni, lui aussi, n'est pas en faveur d'une Europe zone libre d'échange, mais en faveur d'une intégration politique de l'Europe. Il s'agit de le prouver. Il faut prouver la volonté de faire l'union de l'Europe politique, en évitant tout ce qui pourrait donner l'impression qu'on ferait le contraire de ce qu'on aurait annoncé.

Jean-Michel Aphatie: Pour sortir de la crise, José Manuel Barroso, le président de la Commission, disait avant-hier: il faudra que tout le monde fasse un geste: les Anglais - et Tony Blair a dit hier qu'il était prêt à faire un geste et à discuter du rabais - et les Français sur la Politique Agricole Commune et son financement. Vous êtes d'accord avec l'analyse de Monsieur Barroso Jean-Claude Juncker?

Jean-Claude Juncker: Oui. Monsieur Blair a dit hier qu'il était d'accord pour revoir le chèque. Il ne faut pas tout de même ne pas voir qu'il n'aurait pas dit exactement la même chose il y a huit jours. Il a dit la même chose, et lorsqu'on a essayé d'expliquer à nos amis britanniques que le moment était venu de revoir le chèque, ils ont refusé.

Jean-Michel Aphatie: Mais c'est peut-être du côté français que ça a bloqué. C'est peut-être Jacques Chirac qui n'a pas fait le geste qui devait être fait pour qu'un compromis soit trouvé, c'est-à-dire réviser le financement de la PAC.

Jean-Claude Juncker: Non, je ne crois pas qu'on puisse dire cela. Nous avions proposé la présidence luxembourgeoise de réduire pour l'Union Européenne des Quinze, donc les anciens États membres, d'ici jusqu'en 2013, le coût budgétaire de la PAC de 17%, 17% de dépenses en moins. Et pour l'Union Européenne des vingt-sept, donc avec la Roumanie et la Bulgarie par rapport à aujourd'hui, l'Union Européenne des quinze, une réduction du coût de la Politique Agricole de 5%. Les Français ont bougé à Bruxelles la semaine passée, les Allemands ont bougé à Bruxelles la semaine passée. Il y a une délégation qui n'a pas bougé.

Jean-Michel Aphatie: Est-ce qu'il y a dans la crise actuelle de l'Europe une part de dimension personnelle, c'est-à-dire une relation difficile, compliquée, entre Tony Blair et Jacques Chirac, dont souffrirait l'Europe ?

Jean-Claude Juncker: Non, je ne crois pas qu'on puisse simplifier les problèmes politiques de l'Europe. Le choc des conceptions politiques en Europe, je ne crois pas qu'on puisse le réduire à des problèmes entre personnes.

Jean-Michel Aphatie: Ça existe tout de même ça Jean-Claude Juncker, on le sait que les relations personnelles peuvent aider à trouver des solutions politiques.

Jean-Claude Juncker: Lorsque les relations personnelles ne sont pas bonnes, sans être mauvaises, il est difficile de faire des avancées. Il est plus facile en Europe, de faire des avancées, de faire des progrès, lorsque ceux qui ont en charge les affaires de l'Europe s'entendent comme des frères, c'est plus facile.

Jean-Michel Aphatie: Et aujourd'hui, Tony Blair et Jacques Chirac ne s'entendent pas comme des frères, on est d'accord ?

Jean-Claude Juncker: Il y a d'autres frères.

Jean-Michel Aphatie: On a dit aussi que la faiblesse de Jacques Chirac, affaibli par la victoire du non au référendum français le 29 mai, avait pu être un facteur compliquant et emmenant la crise au sommet de Bruxelles. Vous partagez cette analyse Jean-Claude Juncker ?

Jean-Claude Juncker: Le président Chirac était dans une position difficile parce qu'il a dû plaider les affaires de la République à partir d'une situation, qui n'était pas une situation de force après le référendum français. Mais il a pris en charge les affaires avec l'élégance et la détermination que nous lui connaissons.

Jean-Michel Aphatie: Vous êtes un bon avocat de Jacques Chirac Jean-Claude Juncker.

Jean-Claude Juncker: J'essaie, un, de ne pas lâcher mes amis lorsqu'ils vont moins bien, c'est facile. Ce n'est pas mon genre et deux, sur le fond, sur le fond des affaires européennes, il y a entre la France, l'Allemagne, le Luxembourg, tous partis politiques confondus, une intersection forte, qui voudrait faire de l'Europe le prolongement des réussites d'après-guerre.

Jean-Michel Aphatie: Pour beaucoup de gens, le traité constitutionnel européen est dépassé, pratiquement agonisant et vous maintenez quand même un référendum au Luxembourg le 10 juillet là-dessus. Pourquoi Jean-Claude Juncker ?

Jean-Claude Juncker: Nous avons décidé au Conseil Européen que la Constitution n'était pas la question mais la bonne réponse à toutes les questions de l'Europe, qu'il faudrait poursuivre disions-nous à vingt-cinq le processus de ratification, qu'on pourrait intercaler dans les échéanciers une période d'explications et de débats. Nous avons un débat qui est un débat vif mais avancé.

Jean-Michel Aphatie: Donc vous maintenez le référendum.

Jean-Claude Juncker: Donc le parlement luxembourgeois a décidé de faire son référendum le 10 juillet.

Jean-Michel Aphatie: Et si le non gagne. Vous en tirerez les conséquences Jean-Claude Juncker. Vous démissionnerez, c'est ce que vous avez dit.

Jean-Claude Juncker: Oui

Jean-Michel Aphatie: Voilà. Merci d'avoir été avec nous ce matin Jean-Claude Juncker.

Jean-Claude Juncker: Merci.

Dernière mise à jour