Jean-Claude Juncker au sujet du bilan de la Présidence luxembourgeoise

Hélène Zelany: Justement, puisqu’on parle d’Europe, vous savez la Présidence de l’Union européenne passe demain entre les mains de la Grande-Bretagne. Nous sommes avec Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois et président en titre de l’Union jusqu’à ce soir. Bonsoir. A la veille de céder votre place à Tony Blair, vous êtes dans quel état d’esprit?

Jean-Claude Juncker: Je suis structurellement fatigué, mais néanmoins satisfait du travail que nous avons pu faire. Nous avons déformé et amendé le pacte de croissance et de stabilité. Nous avons amené l’Europe à corriger vers le haut ses niveaux de dépenses, en ce qui concerne l’aide publique au développement, nous avons modernisé la stratégie de Lisbonne, en faisant en sorte que demain le modèle social européen reste accessible au plus grand nombre des Européens. Mais nous avons échoué sur les perspectives financières, sur le cadre budgetaire de l’Europe pour 2007-2013. C’est une tâche qui continue à ne pas me plaire.

Hélène Zelany: On vous a senti très, très amer après le Conseil européen. Vous n’avez toujours pas digéré l’échec?

Jean-Claude Juncker: Ce n’est pas mon échec, bien qu’il s’agisse également de mon échec, mais c’est l’échec de l’Europe, parce que nous ne nous sommes pas montrés à la hauteur, parce qu’au moment où la géographie et l’histoire européenne se sont retrouvées pour mieux vivre ensembles, nous avons été incapables de mieux organiser la solidarité notamment entre les deux parties de l’Europe. Je suis donc triste, parce que les dirigeants de l’Europe n’ont pas été à la hauteur de l’histoire.

Hélène Zelany: Vous laissez votre place à Tony Blair demain. Vous avez un conseil à lui donner?

Jean-Claude Juncker: Non, probablement j’aurai un bref entretien avec lui. Je n’ai pas de conseil particulier à lui donner, sauf de lui dire, après ma quatrième présidence de l’Union européenne, qu’il faut savoir écouter les autres, qu’il faut s’intéresser aux autres, qu’il faut un peu aimer les autres, et qu’il ne faut pas placer ses propres intérêts au centre des intérêts de l’Europe.

Hélène Zelany: Vous pensez qu’il va à l’échec?

Jean-Claude Juncker: Je ne souhaite pas que la Présidence britannique aille à l’échec, en ce qui me concerne. Et après les moments d’amertume que j’ai ressentis, je suis plus déterminé que jamais, de ne pas laisser retomber tous les efforts qui peuvent être les miens, et de joindre ceux-ci à ceux des autres, qui voudraient faire de l’Europe une sphère de solidarité qui fasse un peu rêver les Européens.

Hélène Zelany: Vous et votre référendum sur la constitution c’est le 10 juillet: on sait qu’il n’y a plus de sondage à l’heure actuelle, mais vous la sentez comment l’opinion à l’heure actuelle?

Jean-Claude Juncker: L’opinion est très chancelante. Je crois que le camp du oui et le camp du non sont presque à égalité, et je me battrai pourque les Luxembourgeois disent oui à l’Europe.

Hélène Zelany: Et s’ils disent non, vous persistez, vous signez, vous démissionnerez?

Jean-Claude Juncker: J’ai tout dit à ce sujet, je ne veux pas exercer un quelconque chantage sur les Luxembourgeois. Mais si les Luxembourgeois disaient non, je ne pourrai plus défendre les intérêts de mon pays, ni ceux de l’Europe avec la même vigueur et avec le même désintéressement, si j’ose dire, qu’auparavant. Alors un autre devrait prendre cette charge sur ses épaules. Mais je ne menace pas, je décris une conséquence normale qu’impose le respect devant le suffrage universel.

Hélène Zelany: Merci, d’avoir été avec nous, Jean-Claude Juncker, vous êtes Premier ministre luxembourgeois et ce soir encore président de l’Union européenne.

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