Jean-Claude Juncker fait le bilan de la Présidence luxembourgeoise

Olivier de Lagarde: Jean-Claude Juncker, merci d'être en duplex depuis votre bureau de Premier ministre au Luxembourg. Vous cédez donc la place aujourd'hui à Tony Blair à la tête de l'Union. On va pas revenir sur l'échec du sommet de Bruxelles, mais à votre avis la Grande-Bretagne peut-elle réussir, veut-elle réussir, à trouver un accord sur le budget européen?

Jean-Claude Juncker: En fait, le Royaume Uni n'a pas d'autre choix. Nous devons avoir une perspective budgétaire claire avant la fin de l'année. Il eut été préférable de l'avoir en juin. On devra l'avoir en décembre, donc Tony Blair et son équipe devront travailler d'arrache pied pour dégager un accord.

Olivier de Lagarde: Alors, on le sait bien, c'est la politique agricole commune qui est au cœur du dossier, en tout cas c’est un des points importants. Il y a eu un accord entre les 15 sur le financement de la PAC en 2002 jusqu'en 2013. Les Britanniques veulent le remettre en cause. Ils peuvent véritablement le faire?

Jean-Claude Juncker: Je ne croix pas qu'ils puissent le faire entièrement. D'ailleurs la Présidence luxembourgeoise avait déjà, avec l’accord de la France, qui a fait un pas en direction du Royaume Uni, touché quelque peu à cet accord des dates pour 2002. Parce que nous avions intégré six milliards sur six milliards de coûts pour les agricultures bulgares et roumaines. Nous les avions intégrés sous le plafond de la décision de 2002. La dépense agricole, suivant les propositions luxembourgeoises, aurait vu sa part budgétaire diminuer. La dépense agricole aurait diminué pour l'Europe des 15 de 17 pourcent et pour l'Europe des 27 de 5 pourcent. Donc, il y avait déjà dans la proposition luxembourgeoise un très réel effort d'économiste pour le relais agricole du budget. Je ne croix pas, à vrai dire, que les Britanniques puissent aller beaucoup plus loin, parce que la France n'est pas le seul pays à rester attaché à la politique agricole commune. Il y en a plusieurs pays qui tiennent cette partie élémentaire du pacte fondamental de l'Union européenne. Ce sera donc très difficile.

Olivier de Lagarde: Mais revenons quand même à la France et à la Grande-Bretagne. Jean-Claude Juncker, vous êtes à un poste même d'observateur très privilégié. Comment jugez vous le duel Chirac-Blair?

Jean-Claude Juncker: Il n'y a pas de duel Chirac-Blair. Il ne faudrait pas, pour mieux le comprendre, simplifier le débat, en le présentant comme constituant un différent entre les personnes. Il s'agit bien de deux concepts qui s'affrontent. Et il s'agit bien de voir que sur l'agriculture la France et d'autres étaient prêts à entrer en scénario de compromis. D'autres ne l'ont pas voulu, n’est-ce pas. Il ne faut pas comparer ce qui n'est pas comparable. La dépense agricole, puisqu'elle est d'une politique vraiment communautaire, celle qui est agricole, est financée entièrement et exclusivement par le budget communautaire, alors que toutes les autres politiques ne le sont pas. On compare très souvent les budgets de la recherche à celui de l'agriculture. C'est une comparaison qu'on peut avoir, mais si l'on veut l’avoir, il faut comparer ce qui est comparable. Les dépenses de la recherche, elles sont nationales et européennes à la fois. Les dépenses, dédiées aux politiques de recherche, auraient connu un montant en 2013, suivant les propositions luxembourgeoises, qui, pays et Union européenne prises ensemble, auraient porté le volume des niveaux publics d’aides à la recherche à 775 milliards, alors que la dépense agricole aurait été à 305 milliards en dépenses, donc plus que le double pour les politiques de recherche que pour les politiques agricoles. Alors il ne faut pas opposer l'une à l'autre en donnant l'impression qu’est moderne celui qui est en faveur des dépenses pour la recherche et qui est archaïque et démodée celui qui plaid pour la dépense agricole. Déjà aujourd'hui, suivant les propositions luxembourgeoises, les dépenses pour la recherche en Europe auraient été plus que le double de la dépense agricole.

Olivier de Lagarde: Jean-Claude Juncker, permettez-moi quand même de revenir à Jacques Chirac et Tony Blair.

Jean-Claude Juncker: Allez-y.

Olivier de Lagarde: On met souvent en avant le rôle des hommes dans la construction européenne. Est-ce que, à votre avis, ils ont le profil pour porter la construction européenne dans les mois et les années qui viennent ?

Jean-Claude Juncker: Il n’y a pas en Europe le camp de Blair qui serait opposé au camp de Jacques Chirac. Il ne faut pas simplifier à outrance. Jacques Chirac a pris place dans une longue tradition française, politique française, qui fut toujours ouverte sur l’Europe, qui a toujours voulu faire de l’Union européenne une union politique. Elle fait de l’intégration européenne une partie de sa raison d’état française. C’est bien la différence entre les uns et les autres. Je ne conteste pas Monsieur Blair et d’autres, ait droit de vouloir changer à tout prix, l’Union européenne. C’est ma politique, ma philosophie politique, qui doit soutenir les politiques mises en place. Mais Jacques Chirac, Gerhard Schröder, d’autres, continuent une tradition franco-allemande partagée par d’autres qui a prouvé des mérites et qui ?

Olivier de Lagarde: Jean-Claude Juncker, merci, d’avoir été en direct avec nous et en duplex depuis votre bureau à Luxembourg.

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