"Créer une offre alternative". Mady Delvaux-Stehres à l'occasion de la rentrée scolaire 2005/2006

Laurence Harf: Lors de la rentrée 2004, vous annonciez vouloir "allier l'excellence à la formation du plus grand nombre". Quels outils vous êtes-vous donné pour y parvenir?

Mady Delvaux-Stehres: Tous les outils ne sont pas prêts, bien sûr. Je veux d'abord une offre diversifiée au niveau des écoles. Le premier instrument est le Neie Lycée, j'espère que d'autres vont suivre. Il n'y a pas un modèle idéal pour tout le monde. Le cadre légal de l'autonomie scolaire existe, il faut le mettre en musique.

Il y a aussi les nouveaux critères de promotion, harmonisés entre le secondaire et le secondaire technique. Le but est d'insister sur les forces de l'élève en permettant de compenser, de "pardonner" une faiblesse.

Je pense aussi aux devoirs à domicile. Je ne veux pas véhiculer le message que les enfants n'ont pas besoin de travailler, mais leur apprendre à le faire de façon autonome pour ne pas ajouter d'inégalité sociale aux inégalités innées qui existent.

Laurence Harf: Un de vos credo est "Apprendre avec plaisir"...

Mady Delvaux-Stehres: L'idée n'est pas de faire uniquement plaisir aux enfants, mais je veux leur donner le goût d'étudier, les clés de la diversité du savoir. C'est plus une méthode d'enseigner qu'une mesure institutionnelle. A mon niveau, je peux favoriser l'esprit d'équipe à l'école et le partenariat avec les parents. Cette culture du dialogue devra apparaîtra dans la réforme de la loi de 1912.

Laurence Harf: Le DP dénonce des "illusions soixante-huitardes"!

Mady Delvaux-Stehres: En1968, j'avais 17 ans et j'étais au lycée à Esch! Ce fut un grand moment d'émancipation, avec cet idéal de rendre les gens libres et critiques. Si le DP le prend dans ce sens-là, c'est un compliment. Oui, je crois que chaque enfant est capable d'apprendre.

Laurence Harf: Voté en juin , ouvert en septembre, le Neie Lycée est la plus rapide et éclatante de vos réalisations. Quels sont ses objectifs concrets?

Mady Delvaux-Stehres: Je suis heureuse que ce soit allé si vite. Le but est simplement de créer une offre alternative au sein de l'école publique, sans devoir partir à l'étranger ou dans le privé. Il repose sur la journée continue, mais aussi sur l'interdisciplinarité, la coopération, le travail d'équipe. Le but n'est pas de transformer toute l'école en Neie Lycée, mais de répondre aux besoins de certains élèves...

Je pense qu'un des aspects utiles pour l'enseignement général est le principe multidisciplinaire. Il y a des liens entre une dissertation allemande, française ou anglaise. Entre l'histoire, l'histoire de l'art et la littérature. Autant les exploiter.

L'évaluation basée sur un portfolio, un mélange d'auto-évaluation et de jury externe est aussi intéressante.

Laurence Harf: L'accord de coalition insiste sur l'évaluation.

Mady Delvaux-Stehres: La difficulté des projets pilotes lancés un peu partout est l'absence de documentation et d'évaluation. Le Nouveau Lycée s'est tout de suite associé à l'Université du Luxembourg dans ce but. Mais il reste beaucoup à faire.

Au primaire, nous avons instauré une épreuve standardisée obligatoire en 6e année et deux facultatives en 2e et 4. Les résultats sortiront sous peu. La culture de l'évaluation se met doucement en place. Au post-primaire un protocole d'action "qualité scolaire" a été préparé avec les lycées. Huit établissements par an s'y soumettront.

Nous prendrons aussi part aux tests internationaux, tels PISA mais aussi Progress in international reading literacy, en 5e primaire.

Laurence Harf: Où en est le chantier des socles de compétences?

Mady Delvaux-Stehres: Les travaux préparatoires sont achevés, du préscolaire à la fin de l'obligation scolaire.

Le premier document sera soumis aux enseignants: commissions des programmes et représentants envoyés par les syndicats. En décembre, une grande conférence traitera des langues. Nous ne devons pas perdre notre avance en matière de plurilinguisme. C'est pourquoi je veux définir combien de français, d'allemand, de luxembourgeois ou d'anglais chaque enfant doit savoir à chaque niveau d'enseignement.

Rien n'empêchera ensuite l'enseignant d'organiser des activités pour aller au-delà avec les élèves plus rapides. Les programmes devront offrir assez de latitude pour cela. C'est comme cela que je conçois d'allier l'excellence à la formation du plus grand nombre!

Laurence Harf: Les instituteurs seront désormais formés en quatre ans au lieu de trois. A quels changements vous attendez-vous?

Mady Delvaux-Stehres: Nous avons défini au ministère le profil de l'instituteur comme un professionnel réflexif capable d'analyser chaque enfant, ses besoins, ses forces... Il était clair pour moi que cela ne pourrait se faire en trois ans.

J'attends des enseignants qu'ils aient une réflexion sur leur pratique pédagogique et plus d'assurance pour affronter un métier difficile.

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