"La crédibilité de l'UE était en jeu". Le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration au sujet de l'élargissement.

Le Quotidien: Quel est votre sentiment après ces longues heures de discussions?

Jean Asselborn: Je suis heureux et soulagé. Nous nous étions mis à table pour négocier et nous y sommes finalement parvenus, même si ce fut très compliqué. Ouvrir des négociations d'adhésion avec la Turquie, ce n'est pas faire adhérer la Turquie à I'UE. C'est simplement le début d'un processus qui va maintenant durer des années, avec peut-être une réponse négative à la clé, même si je ne le souhaite pas.

Le Quotidien: Pourquoi ces négociations ontelles été si compliquées?

Jean Asselborn: Parce que l'Autriche était opposée aux 24 autres États membres sur la question. En 2002, en 2004 et même début 2005, l'Autriche n'a jamais fait d'objection. Au dernier moment, elle a changé d'opinion. Il a fallu débloquer cette situation et, logiquement, les meilleurs arguments ont fini par s'imposer.

Le Quotidien: L'Autriche a-t-elle été la seule à ne pas être d'accord?

Jean Asselborn: À un autre moment, Chypre et la Grèce ont aussi fait valoir des arguments dans le débat, liés à la reconnaissance de Chypre par la Turquie et aux relations internationales. Le texte final est très clair. Il fait référence deux fois à l'adhésion de la Turquie, mais il dit aussi qu'il n'y aura pas d'adhésion possible sans reconnaissance de Chypre. C'est maintenant à l'Organisation des Nations unies de faire le maximum pour la reunification de l'île puisque c'est de sa compétence, et non de celle de l'Union européenne.

Le Quotidien: Avez-vous pensé un moment pendant cette longue négociation que I'UE courait à la catastrophe?

Jean Asselborn: L'Autriche était fermement décidée. Le premier jour, elle a vraiment donné l'impression de ne pas vouloir céder. Mais le deuxième jour, sa position n'était plus tenable même si elle était respectable. En politique, sans arguments rationnels, on ne réussit jamais à faire triompher ses idées.

Le Quotidien: Avez-vous compris la position autrichienne?

Jean Asselborn: J'ai surtout pensé que l'Union européenne, qui avait pris des engagements fermes dans ce dossier par rapport à la Turquie, ne pouvait pas perdre la face. Après guerre, si on avait sondé les opinions publiques sur l'intégration de l'Allemagne à I'OTAN, imaginez ce qu'aurait pu être le résultat. Nous devons expliquer qu'intégrer la Turquie n'est pas qu'une question économique. Il y a un intérêt géostratégique évident pour I'UE. Et nous ne devons pas laisser se développer un sentiment antieuropéen en Turquie, pas plus qu'il ne doit y avoir de sentiment antiturc en Europe.

Le Quotidien: L'Europe est-elle passée à deux doigts d'une grave crise?

Jean Asselborn: Après les problèmes connus par la Constitution et l'échec des négociations sur les perspectives financières, nous devions prouver que I'UE est une entité politique qui peut encore fonctionner. Il y allait de notre crédibilité sur le plan international. En disant oui à l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie, mais aussi avec la Croatie, l'Union européenne est repartie de l'avant.

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