Contribution écrite du ministre de la Coopération Jean-Louis Schiltz: "Réussir le développement au Mali avec le Mali"

Le Mali est au cœur de la Coopération luxembourgeoise au développement. A côté des autres pays cible de notre action, le Mali fait partie du groupe de pays qui sont entrés, depuis des années maintenant, dans un partenariat privilégié avec le Luxembourg. Nos projets et programmes communs au bénéfice de la population malienne ont jeté au fil du temps les bases d’une relation de partenariat et d’amitié qui dépasse les relations professionnelles souvent techniques. L’engagement du Luxembourg aux côtés du peuple malien et de ses autorités politiques se décline aujourd’hui également en termes de relations internationales au sens large – et notamment en termes de relations politiques et culturelles. La visite d’État du président malien ATT à Luxembourg – la première d’un chef d’État africain depuis de longues années – en témoigne à coup sûr.

L’effort de la coopération luxembourgeoise au Mali est bien entendu guidé par le souci partagé par la communauté internationale de lutter contre la pauvreté extrême avec l’objectif d’un développement humain durable

Classé en 174ème position de 177 États dans le rapport 2005 du PNUD sur le développement humain, le Mali est un des pays les moins développés du monde. Les statistiques reprises dans ce rapport sont en effet alarmantes: 72,3% de la population survit avec moins de 1 USD par jour. Environ 52% de la population est privée d’accès à un point d’eau aménagé et le taux d’analphabétisme des adultes atteint 81%. Ce n’est donc pas par hasard que le Mali fait partie des dix pays cible de la Coopération luxembourgeoise.

Bien sûr, les causes de la pauvreté sont multiples et évoluent dans un contexte international complexe. Le Mali est un pays politiquement stable, composé d’un grand nombre de différentes ethnies (Bambara, Marka, Soninké, Peul-Fulbé, Somono, Dogon, Songhai, Touaregs). Ceci dit, l’instabilité dans la sous-région a des répercussions sévères pour le Mali non seulement au niveau politique mais également économique. Le Mali étant un pays enclavé, les produits maliens  transitent en principe par la Côte d’Ivoire. Or, depuis la crise qui frappe la Côte d’Ivoire, des routes alternatives (Dakar, Lomé, Cotonou) plus éloignées ont dû être trouvées. Ces routes alternatives entraînent fatalement une hausse importante des coûts et la facture pèse lourdement sur l’économie malienne.

Il va sans dire qu’au vu des effets de cette conjoncture politique et économique sur la situation d’une large partie de la population malienne, les programmes de la coopération dans les secteurs prioritaires de la santé, de l’éducation et du développement rural intégré gardent toute leur pertinence.

La coopération entre le Luxembourg et le Mali, désormais fermement ancrée dans le Programme indicatif de coopération, s’inscrit bien évidemment dans un cadre international plus vaste.

Au cours des six mois de la Présidence luxembourgeoise de l’Union européenne, nous avons à plusieurs reprises eu l’occasion de peser de tout le poids de l’Union sur les circonstances ambiantes de la réalité internationale. Dans ce contexte, il m’a été donné de prôner fermement dans les fora internationaux – aux Nations unies, comme à l’OCDE – la conviction européenne qu’il faut d’urgence non seulement davantage d’Aide publique au développement mais aussi une aide de meilleure qualité.

Nous avons réussi à engager les États membres de l’Union européenne à consacrer d’ici 2010 0.56% de leur revenu national brut (PNB) à l’Aide publique au développement et 0.7% d’ici 2015. D’aucuns ont qualifié cette décision d’historique.

Le Forum de Paris a permis de faire des progrès substantiels en matière d’harmonisations des procédures. Ces progrès ont été réalisés sous l’impulsion de la Présidence luxembourgeoise.

Nous avons remis durant notre Présidence la cohérence des politiques en haut de l’agenda politique du développement. Cela est important et cela le sera encore plus à l’avenir.

Un exemple qui démontre de façon frappante la nécessité de plus de cohérence des politiques et celui du coton.

Trois millions de Maliens vivent du coton. Ce produit a une importance capitale pour l’économie du pays. Or, les prix du coton sont en baisse permanente. De plus, le pays est victime de calamités naturelles comme les invasions de criquets et il est confronté à un déficit en pluviométrie important. Tous ces faits réunis ont des conséquences dramatiques pour les paysans maliens.

La cohérence des politiques sera également l’un des principaux enjeux de la sixième conférence ministérielle de l’OMC à Hongkong en décembre prochain. Hongkong devra démontrer que la communauté internationale est capable de faire du Doha Round le round du développement qu’il était censé être dès le début. Mais il est au moins aussi important de renforcer concrètement les organisations de producteurs du Sud sur le terrain, afin que ces dernières puissent participer aux différents débats et négociations qui les concernent.

C’est dans ce sens que le Luxembourg a signé, en septembre 2001, une Convention avec le réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), auquel participe la plupart des associations paysannes d’Afrique de l’Ouest. Le Réseau participe aux négociations qui se tiennent au niveau régional et international et qui concernent les paysans d’Afrique de l’Ouest, notamment les consultations avec l’UE, l’UEMOA, la CEDEAO et l’OMC. L’appui du Luxembourg en la matière s’insère dans le cadre de l’Objectif millénaire pour le développement n°8 qui prévoit "la mise en place d’un partenariat mondial pour le développement".

Le développement en Afrique est une priorité pour l’UE, celui du Mali une priorité pour la Coopération luxembourgeoise. Dans le cadre de l’accord du mois de mai, l’Union a en effet décidé d’allouer au moins 50% de l’augmentation de son Aide publique au développement à l’Afrique sub-saharienne.

Au niveau des relations ACP-UE, la révision de l’Accord de Cotonou constitue une avancée politique majeure. Elle témoigne d’un engagement commun pour un partenariat efficace et je suis ravi que les négociations sur l’Accord révisé ont pu être conclues avec succès sous Présidence luxembourgeoise.

Bien sûr la réalisation des Objectifs du millénaire n’est pas de la seule responsabilité des pays donateurs. Les pays en développement doivent aussi fournir des efforts de leur côté, comme par exemple améliorer leur gouvernance ou lutter efficacement contre la corruption. La politique de décentralisation en cours au Mali, qui est d’ailleurs soutenue par la  Coopération luxembourgeoise, est un processus dynamique d’organisation et d’administration qui illustre bien les efforts entrepris en ce sens. Le dispositif financier (Fonds d’Investissement des collectivités territoriales) et le dispositif d’appui technique (à travers les Centres de conseil aux communes), mis en place appuient la mise en œuvre de la politique de décentralisation.

Ceci dit, le manque de moyens humains, techniques, matériels et financiers adéquats sont autant de freins à l’efficacité du processus pour le moment. La Coopération luxembourgeoise au Mali s’applique à écarter ces obstacles au développement. Elle est définie par un Programme indicatif de coopération (PIC) qui couvre la période 2003-2006 et qui est doté d’une enveloppe budgétaire de 19,4 millions €. Le PIC constitue un cadre programmatique à moyen terme, qui se greffe sur les priorités du Mali, dont le Cadre stratégique de Lutte contre la pauvreté (CSLP) est la principale référence. Les Objectifs millénaires pour le développement fournissent un élément essentiel de l’orientation du PIC.

Géographiquement notre coopération bilatérale se concentre dans les régions de Kidal et de Ségou ainsi que dans le district de Bamako. Choisir la région de Kidal n’a pas été une décision facile eu égard aux besoins énormes de la région, à l’éloignement de celle-ci et la relative instabilité qui y règne. Mais au vu des résultats de la première phase du projet Développement durable dans la région de Kidal, il a été décidé, en concertation avec les autorités politiques du Mali, de poursuivre l’intervention du Luxembourg dans cette région qualifiée jadis de "Mali inutile".

Dans le contexte de l’Objectif millénaire pour le développement n°7 qui prévoit de "réduire de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable", le Luxembourg soutient d’importantes réalisations de réseaux d’adductions d’eau potable dans la zone périurbaine de Bamako et dans la région de Kidal. Une troisième intervention, qui  a trait à une coopération Nord-Nord-Sud en associant la République tchèque, est en cours de formulation.

La Coopération luxembourgeoise appuie également les programmes exécutés par des agences onusiennes comme par exemple le "programme d’appui à l’éducation de base des filles et des femmes dans les régions du Nord" du PNUD, ou encore le  "programme national de lutte contre l’excision" de l’UNFPA et du ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Cette collaboration s’étend même au domaine culturel avec le programme intitulé "les manuscrits de Tombouctou" piloté par l’UNESCO.

Le volet culturel de la coopération ente le Luxembourg et le Mali trouve son prolongement naturel dans l’organisation de la semaine culturelle malienne du 9 au 20 novembre 2005 à Luxembourg. Au fil d’un programme de grande qualité des artistes, musiciens et artisans d’art maliens invitent la population luxembourgeoise à partager avec eux la richesse culturelle de leur terre natale. La présence simultanée du président du Mali à Luxembourg rehausse bien évidemment le prestige de ces manifestations. Nous voulons y voir le signe tangible d’un rapprochement entre deux peuples, deux pays, deux continents qui ont tout à gagner de mieux se connaître. La coopération au développement, secteur important de l’action extérieure du gouvernement, y aura contribué de manière non négligeable.

Le Mali est peut-être un pays pauvre au sens économique du terme, mais le Mali est aussi un pays riche. Riche notamment de son héritage culturel. Riche encore en femmes et hommes de talent qui oeuvrent à tous les niveaux. Qu’ils aient des responsabilités particulières à assumer au niveau politique ou ailleurs, qu’ils représentent la société civile, qu’ils s’activent dans le monde de la culture, de l’économie ou ailleurs. C’est sur cette richesse qu’il nous faut construire l’avenir. Un avenir meilleur et plus radieux. Ensemble, nous pouvons réussir au Mali le défi de la fin de la pauvreté.

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