"Cette hausse des taux ne s'impose pas". Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, au sujet des taux d'intérêts

Pierre Avril: La Banque centrale européenne pourrait annoncer jeudi une hausse des taux d'intérêt. Si les intentions de Jean-Claude Trichet se confirment, est-ce que vous soutiendrez cette décision?

Jean-Claude Juncker: Au sein de l'Eurogroupe, nous pensons que cette hausse des taux ne s'impose pas avec rigueur. Nous n'observons pas de résurgence de l'inflation, ni d'effet de "second tour", c'est-à-dire que la modération salariale prédomine et que les niveaux de salaire ne sont pas affectés par la hausse des prix du pétrole. Par ailleurs, la reprise économique reste fragile et n'est pas exempte de risques. Nous faisons face à un manque de confiance des consommateurs, et le fait de tirer dès aujourd'hui ce signal d'alarme monétaire risque d'entamer davantage cette confiance et peut apparaître comme prématuré. Mais ne dramatisons pas ce conflit. Le fait que je n'applaudisse pas frénétiquement à la perspective d'une telle opération ne doit pas surprendre. Si la BCE parvient à nous convaincre qu'une hausse des taux aura un impact imperceptible sur la croissance, nous ne critiquerons pas sa décision. Dans le cas contraire, nous dirons notre mot.

Pierre Avril: Ne va-t-on pas encore vous accuser de remettre en cause l'indépendance de la BCE?

Jean-Claude Juncker: J'ai toujours été soucieux de l'indépendance de la Banque. J'ai en particulier défendu son statut lors des récentes négociations sur la Constitution européenne. J'ai toujours pensé que la BCE avait conduit jusqu'à maintenant une politique monétaire adéquate, et je n'ai pas été de ceux qui, il y a plusieurs mois, réclamaient, à l'inverse, une baisse des taux afin de relancer la croissance. Je suis évidemment partisan de la stabilité des prix, qui constitue l'objectif premier de l'institution. Mais celle-ci doit aussi prendre en compte les politiques économiques de la zone euro. Certes, la BCE ne peut résoudre le problème de la confiance des consommateurs, mais elle partage néanmoins une responsabilité.

Pierre Avril: Votre opinion est-elle partagée par tous les membres de la zone euro?

Jean-Claude Juncker: Je traduis ici les vues de l'Eurogroupe et je n'ai pas connaissance qu'un des Douze se soit départi de cette ligne.

Pierre Avril: Depuis que l'Eurogroupe s'est doté, en début d'année, d'un président, en l'occurrence vous-même, Jean-Claude Trichet se montre-t-il plus ouvert à vos remarques?

Jean-Claude Juncker: Durant ces huit derniers mois, la BCE s'est prêtée à un échange de vues parfois controversé. Sur tous les aspects de la politique monétaire, elle s'efforce encore maintenant d'avoir un dialogue vertueux. Je ne veux pas croire, aujourd'hui, que la Banque centrale européenne prendra le risque d'amoindrir la croissance.

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