"Nous avions préparé le terrain". Le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, au sujet du sommet de Bruxelles (15-16 décembre)

Denis Berche: Avez-vous craint que le sommet de Bruxelles de décembre ne se termine comme celui de juin par un échec à trouver un compromis sur le budget européen 2007-2013?

Jean Asselborn: À l'issue de la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères, le 7 décembre, j'étais persuadé que nous trouverions un accord. Quand les 24 États membres de I'UE ont dit non à la Grande-Bretagne, je pense que les Britanniques avaient compris. Ils avaient bien joué tactiquement, mais leur position n'était plus vraiment tenable. Et ils le savaient.

Denis Berche: Qu'a-t-on décidé à Bruxelles?

Jean Asselborn: Le budget global de fonctionnement pour l'Union européenne de 2007 à 2013. La Commission européenne réclamait 994 milliards d'euros, soit 1,14% du produit intérieur brut de I'UE à 27, soit les 25 actuels plus la Bulgarie et la Roumanie. La présidence luxembourgeoise avait proposé 871,5 milliards soit 1,06%. Nous sommes tombés d'accord, sous présidence britannique, pour 862,4 milliards soit 1,045%.

Denis Berche: C'est une différence infinie par rapport à juin. Cela valait-il toutes ces discussions?

Jean Asselborn: C'est ainsi, l'Europe est compliquée et il n'est jamais simple de trouver un compromis. Ce budget pour sept ans ne représente que la moitié de l'engagement militaire américain pour une année en Irak.

Denis Berche: De quoi se composent les recettes du budget européen?

Jean Asselborn: Pour les trois quarts, soit 74%, du produit intérieur brut des États membres. Pour 14,4% de différentes recettes de TVA et pour 11,6% des droits de douane sur les produits agricoles.

Denis Berche: Que se passe-t-il côté dépenses?

Jean Asselborn: Les plus gros postes sont les ressources naturelles, dont la politique agricole commune, avec 42% et les politiques de cohésion et de solidarité avec 35,7%. Ce que nous appelons Lisbonne, les politiques pour l'emploi, l'innovation, l'éducation, la formation, comptent pour 8,5%, les relations extérieures pour 6,1%, les frais d'administration pour 5,8%, la justice et les affaires intérieures pour 0,7%, la santé, les médias et la protection des consommateurs pour 0,4%.

Denis Berche: Qu'est-ce qui a changé entre les propositions de la présidence luxembourgeoise et celles de la présidence britannique?

Jean Asselborn: Rien sur les trois postes compétitivité 72 milliards, liberté, sécurité et justice 6,6 milliards et relations extérieures 50 milliards. Sur la cohésion, nous proposions en juin 309,4 milliards. L'accord de samedi porte sur 308,119 milliards. La grosse différence est que le Luxembourg souhaitait 53% pour les nouveaux États membres et 47% pour les anciens. Nos sommes maintenant à 50-50 alors que nous estimions que les nouveaux en avaient plus besoin que les anciens.

Denis Berche: Et le "rabais" britannique?

Jean Asselborn: Il est maintenu mais Londres cède 10,5 milliards d'euros sur un total estimé entre 50 et 55 milliards d'euros si on n'avait rien changé. Chaque année, le chèque britannique représente 1,5 fois le budget de l'État luxembourgeois.

Denis Berche: Quelle part devra payer le Luxembourg au budget de I'UE?

Jean Asselborn: Une contribution brute en moyenne de 262 millions d'euros par an avec une croissance à 2,2%. Avec une croissance à 4%, ce serait 281 millions d'euros par an, soit moins de 1% de notre revenu national brut. Notre contribution au chèque britannique est d'une trentaine de millions d'euros annuellement.

Denis Berche: Que retenir aussi de Bruxelles?

Jean Asselborn: Dans les couloirs, les diplomates luxembourgeois ont réussi à modifier la clé de repartition pour les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Soit 70 pays parmi les plus pauvres qui percevront une dotation globale de 22 milliards d'euros pour sept ans. La majorité des délégations nous ont encore remerciés pour la travail de la présidence luxembourgeoise. Car la base de cet accord sur le budget repose bel et bien sur le terrain que nous avions préparé en juin.

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