"Ce qui importe, c'est le modèle industriel". Jeannot Krecké au sujet de l'OPA Arcelor / Mittal

Florence Reinson: Le Premier ministre a dit ne pas comprendre l’OPA lancée par Mittal sur Arcelor. Qu'est-ce que cela signifie?

Jeannot Krecké: L'offre est connue, mais ce qui est moins connu, c'est le modèle industriel, à savoir les secteurs qui, dans ce modèle, doivent être développés, la façon dont se fera la gouvernance de cette nouvelle firme, son plan d'investissement dans les régions, les pays, les produits. Toutes les réponses à ces questions font défaut pour le moment, alors qu'Arcelor a une vision assez claire de son développement. Pour l'instant, nous attendons d'en savoir plus.

Florence Reinson: Le gouvernement a dit qu'il mettrait en œuvre tous les moyens légaux pour faire échouer cette OPA. Quels sont ces moyens?

Jeannot Krecké: Je ne peux pas vous dévoiler tous les détails de la stratégie du gouvernement. Mais il est certain que les moyens ne sont pas légion. Il ne faut pas se leurrer, la politique a certaines possibilités d'influencer ce genre d'opération, mais les moyens ne sont pas tels qu'ils peuvent valablement s'y opposer si les actionnaires sont d'un avis différent.

Nous pouvons veiller à ce que cette opération se fasse dans les règles de l'art et essayer d'influencer les dispositions au niveau de la gouvernance. En tant qu'actionnaires, nous avons intérêt à avoir une gouvernance proche de celle que nous avons avec Arcelor, où la représentation des salariés est assurée au-delà de ce qui est requis par la loi et où l'organisation au sein du conseil d'administration est telle qu'il n'y a pas un groupe qui domine tous les autres.

Au sein d'Arcelor, il existe toute une série de règles qui s'appliquent lorsque des décisions sont à prendre. Un accord passé avec le gouvernement luxembourgeois prévoit que les décisions, au niveau national, soient discutées au sein de la tripartite. Si cette OPA devait avoir du succès, nous souhaitons que tous ces acquis perdurent. Actuellement, nous n'avons pas d'indication sur le fait que M. Mittal veuille accorder aux responsables politiques les mêmes règles que celles qui sont d'application aujourd'hui.

Florence Reinson: Disposez-vous d'informations sur la fermeture éventuelle du site de Schifflange qui appartient à 75% à Mittal et à 25% à Arcelor?

Jeannot Krecké: L'information telle qu'elle nous a été confirmée par Mittal Steel est que, suite à la fermeture des hauts fourneaux de Hayange par Arcelor, l'usine Mittal de Gandrange, qui prépare, entre autres, les billettes qui sont laminées à Schifflange, manquerait de fonte liquide. Mittal serait en train de chercher une solution de rechange pour alimenter Schifflange. Toutefois, nous n'avons aucune garantie que Mittal trouve une telle solution. En tout cas, les employés de Schifflange qui bénéficient du statut Arcelor pourront être reclassés dans une autre usine Arcelor.

Florence Reinson: Le gouvernement est un actionnaire principal d'Arcelor, avec 5,6% mais la majeure partie du capital se trouve aux mains de petits actionnaires. Une législation soutenant les actionnaires minoritaires fait défaut au Luxembourg. Cela se ressent-il dans ce dossier?

Jeannot Krecké: Je crois que cela ne se ressent pas spécialement dans ce dossier, mais il est vrai qu'une telle législation fait défaut et qu'elle serait la bienvenue pour beaucoup d'autres transactions.

Florence Reinson: Qu'est-ce que la transposition de la directive européenne encadrant les conditions de lancement d’OPA, dont un texte vient d'être présenté par M. Frieden, changerait dans cette affaire?

Jeannot Krecké: Je ne vois pas très bien ce que cela pourrait changer. Le texte clarifie certaines choses, mais vous ne pouvez pas légiférer de façon à vous axer seulement sur une transaction. L'opération est en cours, mais nous voulons un texte qui soit applicable pour toutes les OPA à venir. Bien sûr, ceci fait prendre conscience à tout le monde de l'importance de ce sujet.

Florence Reinson: L'offre actuelle rapporterait un milliard d'euros à l'État, s'il vendait toutes ses actions? Ne serait-ce pas une belle opération pour ses finances?

Jeannot Krecké: En tant qu'État luxembourgeois, nous ne pouvons nous permettre de nous contenter d'un bénéfice à court terme. Pour nous, ce qui importe c'est le modèle industriel, l'assise économique de cette entreprise, ici, au Luxembourg. Ce ne sont pas les aspects purement financiers, budgétaires qui nous feront changer d'avis à ce sujet.

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