"La Turquie, pas le seul enjeu". Jean Asselborn au sujet des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne

Nadia Di Pillo: Dans quel état d'esprit êtes-vous après ces difficiles négociations?

Jean Asselborn: Cela n'a pas été facile, je l'avoue. Le fait que nous soyons arrivés à un accord est vraiment à saluer, car le sommet s'annonçait difficile. Comme je le soulignais avant la réunion, la Turquie n'est pas le seul enjeu des débats, c'est aussi la crédibilité de I'UE qui est en cause. Il fallait que nous montrions que I'UE n'est pas seulement un amalgame d'intérêts nationaux, mais que nous pouvions parler d'une seule voix sur cette question. Certains pays tiraient dans un sens, d'autres dans un autre, mais la majorité des pays se retrouvaient au milieu. Nous avons donc déployé tous nos efforts pour éviter un nouvel échec lors de ce conseil. Il faut dire que la volonté politique a vraiment été au rendez-vous.

Nadia Di Pillo: Quel ont été les points de l'accord les plus difficiles à arracher?

Jean Asselborn: La Turquie refuse toujours de s'ouvrir au trafic chypriote grec. Pour la punir, la Commission avait proposé de geler 8 des 35 chapitres thématiques qui jalonnent les négociations d'adhésion. Hier soir, nous avons donc décidé de suspendre ces huit chapitres. Sur ce point en particulier, nous avons trouvé un accord relativement vite. En revanche, d'autres points étaient beaucoup plus difficiles à négocier.

Nadia Di Pillo: Lesquels?

Jean Asselborn: La reconnaissance formelle de la République de Chypre par la Turquie a été un de ces points. Nous avons insisté pour que ce problème soit également à l'ordre du jour. Dans ce cas précis, nous avons convenu que le sujet fera l'objet d'une déclaration de la Présidence.

Un autre sujet qui a été particulièrement difficile concerne la clause de révision.

Nadia Di Pillo: Qu'avez-vous décidé à ce sujet?

Jean Asselborn: Là aussi, les États membres avaient des positions différentes, mais en fin de compte nous avons trouvé un compromis pour réévaluer tous les ans jusqu'en 2009 les progrès que pourraient effectuer la Turquie. Dès lors, en 2007, 2008 et 2009, la Commission fera une évaluation de la situation turque lors de la présentation de son rapport sur l'élargissement. Enfin, le dernier point que nous avons discuté concerne les 259 millions d'euros affectés par la Commission européenne à la partie septentrionale de Chypre. Nous avons décidé de poursuivre dans cette direction.

En revanche, nous n'avons toujours pas trouvé d'accord en ce qui concerne les relations commerciales pour Chypre du Nord.

Nadia Di Pillo: Finalement, vous paraissez assez satisfait de cet accord?

Jean Asselborn: Nous avons réussi à dégager une position commune, ce qui a été possible grâce à une volonté politique certaine. Je dois dire que le Luxembourg a redoublé d'efforts pour parvenir à ce résultat. Avec cet accord, les ministres évitent à leurs chefs d'État et de gouvernement un sommet qui s'annonçait épineux, jeudi et vendredi, à Bruxelles.

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