Lucien Lux: "La pression sur les politiques". Le ministre de l'Environnement sur les propositions de la Commission européenne en matière de politique énergétique

Le Quotidien: Les objectifs fixés par la Commission européenne en matière de politique énergétique vous conviennent-ils?

Lucien Lux: II y a naturellement du positif. La politique énergétique reste du domaine de la souveraineté nationale. Dire clairement qu'on doit réduire les émissions de CO2 de 20% d'ici 2020 et même aller jusqu'à 30%, c'est une bonne chose. Cela montre enfin que l'Union européenne, à tous les étages, prend la question du changement climatique au sérieux. Le travail des scientifiques et le rapport Stern y sont sans doute pour quelque chose.

Je pense aussi que l'opinion publique est de plus en plus consciente des risques que court notre planète. On voit bien qu'elle met les politiques sous pression. Aux États-Unis, l'environnement pourrait devenir le thème principal de la prochaine campagne présidentielle. De même au Canada, le ministre qui voulait tourner le dos au protocole de Kyoto a été remercié et remplacé par quelqu'un qui s'est empressé de dire que le Canada respecterait ses engagements.

Le Quotidien: Qu'impliquent-ils pour le Luxembourg?

Lucien Lux: Pour nous, cela reste une chose difficile. Les derniers mois ont montré que l'opinion publique au Luxembourg acceptait le fait d'être responsabilisée sur la question et même de mettre la main au portefeuille. J'en veux pour preuve la révision de la taxation des voitures qui n'a pas soulevé de polémique. Le principe du pollueur-payeur doit continuer à jouer.

Mais sur les 13 millions de tonnes de CO2 que nous émettons au Luxembourg, six sont exportées en raison du tourisme pétrolier. À ce niveau, je pense que la réponse du gouvernement doit venir des transports en commun. Il faut, par exemple, que nous améliorions notre offre vers les frontaliers qui ne sont que 6% à utiliser ces moyens. Il s'agit là d'un énorme défi.

Le Quotidien: La porte ouverte au recours à l'énergie nucléaire semble vous irriter. Pourtant, l'Union européenne va investir des sommes considérables dans le projet ITER...

Lucien Lux: Je crois qu'il existe une différence entre le nucléaire classique et ITER. Nous croyons qu'il faut faire cette recherche. Je constate que la Commission respecte le choix national en matière de production d'énergie. Mais j'espère bien, par exemple, que le choix de l'Allemagne de renoncer au nucléaire ne sera pas remis en question.

Je crois qu'aujourd'hui, les meilleures pistes de réflexion mènent à une utilisation plus rationnelle de l'énergie. Il faut que chacun jette un œil chez soi et regarde combien de lampes il laisse brûler pour rien, quels appareils il utilise, etc.

Le Quotidien: Avec cette politique communautaire qui se dessine, le Grand-Duché a-t-il toujours intérêt à augmenter sa propre production d'énergie?

Lucien Lux: Dans le cadre du principe de territorialité du protocole de Kyoto, cet intérêt n'est pas très grand il est vrai. Mais nous avons des engagements sur la production d'énergies renouvelables et sur l'utilisation de centrales de cogénération que nous devons respecter.

Quoi qu'il en soit, l'étude que nous avons menée avec le ministère de l'Économie sur la potentialité des énergies renouvelables au Luxembourg sera achevée d'ici deux ou trois semaines et devrait nous permettre d'en savoir plus sur la stratégie à adopter.

Le Quotidien: Que vous inspire la douceur exceptionnelle de cet hiver?

Lucien Lux: Je ne pense pas qu'il faille faire peur aux gens. Je suis d'un caractère beaucoup trop optimiste pour tenir des propos alarmistes. Cela dit, la difficulté à trouver de la neige pour aller skier montre bien que ce ne sont pas seulement les sports d'hiver qui sont en danger mais toute une série de mécanismes naturels qui mettent en danger notre environnement.

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