Nicolas Schmit: "Renégocier le traité, pas le réécrire!" Le ministre délégué aux Affaires étrangères et à l'Immigration au sujet de la réunion de Madrid du 26 janvier 2007 sur le traité constitutionnel

Le Quotidien: Les 18 pays qui ont pour l'instant dit "oui" à la Constitution européenne se réunissent demain à Madrid. Pourquoi cette réunion?

Nicolas Schmit: L'idée est née lors d'une visite que j'ai faite à Madrid, à mon collègue et ami, Alberto Navarro, secrétaire d'État espagnol aux Affaires européennes. Nous avons fait le constat que le terrain médiatique était occupé par ceux qui tiennent le projet de Constitution pour mort et qui veulent donc reprendre à zéro tout le processus, mais aussi par ceux qui ont une approche minimaliste du projet constitutionnel.

La voix de tous ceux qui ont ratifié la Constitution, et ils sont aujourd'hui les plus nombreux, n'est pas audible. Nous avons voulu rétablir une sorte d'équilibre dans le débat actuel et dans les débats à venir. 18 États membres ont ratifié la Constitution. Cela fait deux tiers des pays de l'Union européenne. On ne peut pas passer par pertes et profits ces votes. En nous réunissant à Madrid, nous voulons envoyer un message positif à tous les pays qui n'ont pas encore ratifié et qui doivent le faire.

Le Quotidien: Comment en êtes-vous arrivé à l'idée d'une réunion à Madrid?

Nicolas Schmit: Alberto Navarro avait une expérience du même type sur les perspectives financières, avec un groupe de pays, baptisés "les amis de la cohésion" et regroupés dans un ensemble informel pour faire entendre sa voix face au "groupe des 1 %".

Nous avons pensé que nous pourrions réunir les 18 pays qui avaient dit "oui". Après concertation de la présidence allemande, les invitations ont été lancées en marge du Conseil européen de décembre.

Le Quotidien: Quels sont donc les objectifs de cette réunion à Madrid?

Nicolas Schmit: Nous concevons cela comme un message positif à l'adresse des pays qui ont ratifié, comme un dialogue avec les pays qui ne l'ont pas encore fait et qui sont confrontés à des problèmes, mais aussi comme un soutien à la présidence allemande.

Le Quotidien: Il y aura donc 18 pays présents en Espagne?

Nicolas Schmit: En fait, il y en aura 18 qui ont dit "oui", plus deux qui ont demandé à être invité. Le Portugal qui assumera la présidence tournante de l'Union européenne au second semestre 2007 et l'lrlande dont la présidence avait connu la négociation finale du texte constitutionnel. Même s'ils ne viendront pas, nous avons aussi reçu des échos très favorables de la Suède et du Danemark qui doivent encore ratifier le texte.

Le Quotidien: Qu'allez-vous dire à Madrid?

Nicolas Schmit: Si nous respectons les deux pays qui ont dit "non" pour l'instant, la France et les Pays-Bas, tout le monde doit comprendre qu'il faut aussi respecter le choix contraire, à savoir le "oui" de 18 autres États souverains. L'Europe a besoin d'une grande réforme institutionnelle, l'Europe a besoin de renforcer un certain nombre des politiques européennes pour faire face aux problèmes majeurs qui se posent à l'échelle mondiale : énergie, immigration, sécurité intérieure et extérieure, environnement... Il faut une union qui fonctionne mieux pour le bien-être de ses citoyens. Pour cela, il faut des institutions fortes qui puissent prendre des décisions. L'Europe doit aussi être plus démocratique et plus transparente. Le meilleur compromis possible, c'est le traité constitutionnel. Le remettre complètement en cause reviendrait à condamner une réforme qui est vitale. L'Europe n'a pas besoin de solution minimaliste, elle a besoin d'ambition.

Le Quotidien: Mais alors que faire de la France et des Pays-Bas qui ont dit "non" alors qu'il faut encore convaincre la Grande-Bretagne, la Pologne et la République tchèque de ne pas dire "non"?

Nicolas Schmit: Chaque chose en son temps. C'est à la France et aux Pays-Bas de dire par quel biais et quelle voie ils vont vouloir ratifier le nouveau texte qui pourrait être l'aboutissement du processus que la présidence allemande est en train d'initier. Mme Royal a dit que si elle était élue, il y aurait un autre référendum.

En France et aux Pays-Bas, il y a des raisons pour lesquelles ce texte a été rejeté. Nous attendons de ces deux pays qu'ils soient capables de nous dire ce qu'il faut modifier et améliorer. Mais il n'est pas question de repartir de zéro. Il faut trouver un compromis sur la base de ce qui avait déjà été trouvé comme un bon compromis. 18 pays ont dit "oui" à ce texte, on peut pas les ignorer. Les Danois avaient dit non au traité de Maastricht et les Irlandais non au traité de Nice. Ces deux traités sont pourtant bel et bien entrés en vigueur.

Le Quotidien: Nicolas Sarkozy plaide pour une version très allégée de la Constitution. Qu'en pensez-vous?

Nicolas Schmit: J'ai quelque sympathie pour sa démarche et j'ai eu quelques contacts avec certains de ses proches. Il propose certes une version allégée, mais ce qui me paraît intéressant, c'est qu'il veut partir du traité actuel. La discussion est ouverte. Il faut renégocier le traité, pas le réécrire!

Le Quotidien: Que disent les textes si un certain nombre de pays ne ratifient pas le traité institutionnel?

Nicolas Schmit: Si cinq pays n'ont pas ratifié la Constitution, c'est au Conseil européen de se saisir de la question et de trancher. Mais la logique du texte, c'est qu'il soit ratifié à l'unanimité. Au final, il faut 27 "oui"!

Le Quotidien: Sans le "oui" de la France ou de la Grande-Bretagne, deux des trois plus importants pays de l'Union européenne, il n'y aura pas de Constitution. C'est votre avis?

Nicolas Schmit: Pour chacun, l'heure de vérité va arriver. Il faut donner les moyens à l'Union européenne d'être plus efficace. Nous devons reprendre le texte constitutionnel, nous devons être capable de le réformer pour qu'il soit ratifiable et ratifié par tous.

Le Quotidien: Vous croyez donc toujours à cette Constitution européenne?

Nicolas Schmit: Nous travaillons avec ardeur et opiniâtreté pour qu'un texte, fruit d'un long et savant compromis soit un jour ratifié. Il faut l'améliorer, l'enrichir, lui donner une dimension sociale, mieux équilibrer le social et l'économique. Il est évident que ce texte ne sera pas celui qui a été soumis à l'approbation du peuple luxembourgeois par référendum en juin 2005. Cela signifie aussi qu'il faudra bien évidemment une seconde ratification.

Le Quotidien: Quand l'Europe aura-t-elle une Constitution?

Nicolas Schmit: L'exigence politique, c'est autour de 2009. Le débat doit dans tous les cas être tranché avant les prochaines élections européennes fixées en 2009.

Le Quotidien: L'Europe joue-t-elle gros avec ce dossier qui traîne en longueur?

Nicolas Schmit: Si l'Europe n'arrive pas à se renforcer de l'intérieur pour faire porter sa voix vers l'extérieur, si elle n'arrive pas à consolider son modèle économique et social, alors elle joue effectivement très gros.

Pendant que l'Europe est freinée par ses problèmes de Constitution, le monde est en marche. Il ne nous attend pas!

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