Jean-Claude Juncker au sujet de la conférence de Madrid des 18 États membres ayant ratifié le traité constitutionnel

Luc Évrard: C’est un sommet qui, vu de France, passe un peu pour une provocation. L’Espagne invite aujourd’hui à Madrid les 18 pays de l’Union favorables au traité constitutionnel. Deux d’entre eux, l’Espagne justement et aussi le Luxembourg, l’ont même ratifié par référendum. Bonjour, Jean-Claude Juncker.

Jean-Claude Juncker: Bonjour.

Luc Évrard: Vous êtes Premier ministre du Luxembourg. Quel est l’objectif de cette rencontre?

Jean-Claude Juncker: L’objectif est simple. Les gouvernements espagnol et luxembourgeois ont considéré qu’il faudrait que ceux qui ont dit "oui" au traité constitutionnel, s’expriment. Nous observons qu’en France, aux Pays-Bas, un peu ailleurs, on discute surtout les éléments qui ont fait que les Français, les Néerlandais aient dit "non". Nous voulons dire, et redire, pourquoi nous avons dit "oui".

Luc Évrard: Mais que signifie un sommet européen justement dont sont absents la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Pologne et j’en passe?

Jean-Claude Juncker: Ce n’est pas un sommet européen, mais c’est la réunion de ceux qui ont dit "oui" au traité constitutionnel. Il ne s’agit pas d’un putsch contre ceux qui ont dit "non" ou contre ceux qui ne se sont pas exprimés. Mais il s’agit de redévelopper devant l’opinion publique européenne l’argumentaire de ceux qui ont dit "oui". Et ils ont dit "oui" pour donner plus de tonus à la construction européenne pour mieux ancrer la présence internationale de l’Union européenne, pour faire plus de politique sociale, plus de politique de l’énergie, plus de politique de sécurité et de défense et de politique extérieure. Mais comme ceux qui ont dit "non" s’expriment, il est normal que ceux qui ont dit "oui" le fassent également.

Luc Évrard: C’est votre espoir qu’il y ait une autre rencontre, cette fois où tout le monde serait là pour relancer ce processus d’adoption d’une nouvelle règle commune, puisqu’il s’agit de cela en fait?

Jean-Claude Juncker: Nous nous réunissons à Madrid, ceux qui ont dit "oui", pour dire les raisons qui ont fait que nous ayons dit "oui". Il n’est pas envisageable que nous réunissions sous drapeau hispano-luxembourgeois tous les États membres. Réunir tous les États membres est l’affaire et restera l’affaire de la Présidence allemande qui de toute façon avant la fin juin devra mettre sur table une feuille de route qui nous indiquera les chemins à prendre, les avenues à emprunter pour arriver à un nouvel accord européen, qui lui ne doit pas se dégager de la substance, du contenu du traité constitutionnel.

Luc Évrard: Pour vous, cela reste la base sur laquelle il faut travailler aujourd’hui pour avancer?

Jean-Claude Juncker: Il est évident que cela reste la base. Mais il faudra bien-sûr prendre en compte les éléments qui ont fait que les Néerlandais et les Français ont dit "non". Mais les autres écouteront ces arguments et puis nous verrons où peut se trouver l’intersection entre les positions des uns et des autres, étant entendu que ceux, qui comme l’Espagne où par exemple on a passé le traité par la voie référendaire, nous ne pourrons pas renoncer aux éléments qui ont fait que leurs citoyens aient dit "oui".

Luc Évrard: Vous suivez de près, j’imagine, les propositions des candidats à la présidentielle en France. Pensez-vous qu’il y a là des évolutions qui aillent dans votre sens, qui soient favorables à ce que vous souhaitez?

Jean-Claude Juncker: J’ai pu avoir des entretiens chez moi au Luxembourg avec Monsieur Sarkozy et avec Madame Royal. Je les ai écoutés soigneusement. Et je vois bien le problème qui est le leur, et qui en fait est celui de la France. Il faudra compléter sur un certain nombre d’axes les éléments de contenu du traité. Moi, je fais partie de ceux qui voudraient ajouter une ambition sociale au traité.

Luc Évrard: Merci, Jean-Claude Juncker.

Dernière mise à jour