Luc Frieden: "Communiquer concrètement, avec engagement". Le ministre du Trésor et du Budget au sujet de la future agence de promotion de la place financière

paperjam: Monsieur le ministre, vous avez annoncé, à l'automne dernier, le financement d'une agence de promotion de l'économie luxembourgeoise et de la place financière. Comment se dessine plus spécifiquement le volet "place financière" dans ce projet global?

Luc Frieden: Après les élections de 2004, j'ai commencé à intensifier la communication au sujet de la place financière, à l'extérieur de nos frontières. J'estime qu'il est important d'expliquer ce que nous faisons, aussi bien dans les pays qui nous connaissent bien que dans les nouveaux marchés.

C'est la raison pour laquelle j'ai participé à un nombre considérable de missions de promotion de la place financière dans le monde entier et que je souhaite désormais professionnaliser et structurer davantage cette démarche de promotion. Cela doit également concerner les périodes entre deux déplacements, ainsi que le suivi de ces missions après coup.

Tous ces éléments figureront parmi les missions principales qui seront dévolues à cette future agence pour le développement de la place financière.

paperjam: Nous parlons donc bien d'une agence spécifique pour la place financière et non pas d'une agence pour l'ensemble de l'économie...

Luc Frieden: La place financière est le principal pilier de l'économie luxembourgeoise, que ce soit en termes de recettes fiscales ou de contribution au PIB. Il est donc nécessaire de consacrer une bonne partie de notre énergie à la promotion de cette place dont dépendent tellement d'emplois au Luxembourg, tant dans le secteur financier que dans les autres secteurs de l'économie.

Evidemment, il faut, dans cette communication sur la place financière, faire des références aux autres secteurs en fonction de l'endroit où l'on se trouve dans le cadre d'une mission de promotion. Il est clair qu'il faut aussi parler de la sidérurgie, des médias, de la culture ou du tourisme.

Mais je ne voudrais pas que la place financière soit diluée dans un message général. C'est pourquoi je souhaite que cette agence s'occupe principalement de la place financière, en jetant des ponts vers d'autres agences ou sous-agences qui auraient en charge d'autres secteurs de l'économie.

Le message général que nous donnons sur l'économie luxembourgeoise doit être coordonné et telle sera la mission principale du ministre de l'Économie, d'une part, et de moi-même en tant que responsable politique de la place financière, d'autre part.

paperjam: Concrètement, quelles missions envisagez-vous pour cette agence?

Luc Frieden: J'en identifie trois. Premièrement, elle devra communiquer pendant toute l'année sur l'ensemble des activités de la place financière, vis-à-vis d'un public spécialisé, de clients potentiels, mais aussi vis-à-vis de la presse, surtout spécialisée, à l'étranger. Ensuite, elle devra organiser, autour d'un message unique, la promotion de la place hors des frontières. Enfin, cette agence devra constituer le point de relais et de contact pour les investisseurs intéressés à la suite des voyages de promotion, tout comme elle devra établir une sorte de banque de données des personnes pouvant être concernées dans les pays où se prépare un voyage de promotion.

Nous souhaitons clairement développer quelque chose de durable, afin que la place financière maintienne sa position de leader dans le monde dans chacune de ses activités...

paperjam: Depuis l'annonce de cette initiative, où en est-on concrètement, aujourd'hui?

Luc Frieden: Je suis arrivé pratiquement à la fin de la phase de consultation au cours de laquelle j'ai rencontré les associations professionnelles et écouté beaucoup de représentants de cabinets d'avocats et de fiduciaires. Il y a eu une concertation avec le ministre de l'Économie et nous sommes tous tombés d'accord sur le fait qu'il faut professionnaliser la communication au sujet de l'économie luxembourgeoise en général et de la place financière en particulier.

Nous sommes maintenant dans une phase de concrétisation, avec les organisations du secteur privé et la Chambre de commerce. Je pense pouvoir réaliser ce travail avant les vacances d'été. Mais de toute façon, une ou plusieurs agences verront le jour encore cette année.

paperjam: Quels seront les moyens dévolus à ces agences?

Luc Frieden: Je voudrais avant tout éviter le moindre double emploi. Il existe déjà, aujourd'hui, beaucoup de choses en matière de promotion qui sont bien faites. Il s'agit donc de regrouper et de coordonner tout ça et de mettre en place quelque chose de plus durable.

Les moyens seront à la fois les ressources du secteur privé et du secteur public, à parité. Je souhaite établir une structure de type partenariat public-privé et surtout éviter que cela ne puisse pas être financé sur le long terme. Je pourrais, par exemple, m'imaginer que le secteur privé y contribue, notamment, par le détachement de personnel à côté d'autres contributions.

L'État est, en tous les cas, prêt à mettre un capital de départ substantiel, qui dépendra de la contribution de secteur privé.

paperjam: Qu'entendez-vous par "substantiel"?

Luc Frieden: J'ai déjà annoncé, récemment, que le montant maximum alloué par l'État dans cette initiative serait de 20 millions d'euros.

paperjam: Quel serait le statut de cette agence?

Luc Frieden: L'idée est d'en faire une structure juridique autonome. Je pense plus particulièrement à la forme d'un groupement d'intérêt économique, afin de pouvoir doter cette agence d'un capital de départ.

paperjam: Cela marquera-t-il la fin de l'activité de Profil, la Fédération des professionnels du secteur financier, présentée déjà comme une agence de promotion, mais qui n'a pas trop fait parler d'elle ces dernières années?

Luc Frieden: Il appartiendra au secteur privé de voir si l'ABBL (Association des banques et banquiers, Luxembourg, ndlr.) ou l'ALFI (Association luxembourgeoise des fonds d'investissement, ndlr.), séparément ou dans le cadre de Profil, seront associées à cette future agence. C'est une décision qui appartient au seul secteur privé et à laquelle il conviendra sans doute d'associer également la Chambre de commerce qui a toujours fait un excellent travail en matière de promotion de l'économie luxembourgeoise.

paperjam: Vous évoquiez vos nombreuses missions de promotion à l'étranger Quel constat pouvez-vous en tirer quant à la perception du Luxembourg dans les pays étrangers?

Luc Frieden: Je dois dire que cela dépend à la fois des pays visités et du public rencontré. J'observe tout de même, qu'en règle générale, les spécialistes de la finance ont une très bonne image du Luxembourg dans presque toutes les grandes structures internationales. Le pays est considéré comme un acteur extrêmement sérieux et sophistiqué. C'est pour cela qu'il est choisi par beaucoup de groupes internationaux, car il est un des rares à avoir une telle ouverture vers les autres.

Les préjugés sont surtout concentrés auprès de certains publics européens mal informés et d'une certaine presse. Mais ceux qui nous intéressent, ce sont les professionnels qui privilégient notre centre financier par rapport à d'autres.

paperjam: Y a-t-il des pays davantage ciblés que les autres?

Luc Frieden: Comme je le disais, il va de soi que nous nous devons d'expliquer le Luxembourg aux pays dans lesquels nous avons été moins présents par le passé dans le secteur financier. Je pense, par exemple, à l'lnde ou à l'Arabie Saoudite. D'une manière générale, il est évident que les pays qui s'ouvrent lentement, comme la Chine ou les pays de l'Europe de l'Est, qui font partie de l'Union européenne, nous intéressent également.

Je citerais encore le Chili ou le Pérou, qui devront faire partie du périmètre au sein duquel nous allons travailler à l'avenir. Mais il ne faudra évidemment pas négliger nos marchés traditionnels en Europe, en particulier dans le domaine du private banking.

D'ici à la fin de l'année, les prochaines missions de promotion sont prévues en Pologne, Hongrie et République tchèque, en juin, et en Amérique latine, en novembre.

paperjam: Y aura-t-il sur place, pour tous ces marchés éloignés, des relais physiques?

Luc Frieden: Notre intention n'est pas d'ouvrir de nouveaux bureaux, ne serait-ce que pour une raison de coûts, et surtout pas dans les pays où il existe déjà une antenne de notre board of economic development avec qui nous allons évidemment travailler en très étroite collaboration.

Pour les autres pays, il faudra néanmoins réfléchir, mais ultérieurement, à l'opportunité de disposer, sur place, d'un représentant ou non.

paperjam: Le point de départ de ce projet d'agence de promotion a été le réemploi d'une partie de la plus-value de 400 millions d'euros générée par l'échange des actions Arcelor détenues par l'État. Cela veut-il dire qu'il n'y aurait, aujourd'hui, rien d'engagé sans cette manne financière exceptionnelle?

Luc Frieden: Il y a certainement des raisons financières qui ont fait que nous avons souvent, par le passé, hésité sur ce projet. Mais il y a ensuite une expérience que nous voulions d'abord capitaliser au travers des démarches entreprises à l'étranger lors de ces trois dernières années. À l'heure actuelle, nous sommes dans le calendrier que nous nous étions fixé au début de la législature.

paperjam: N'avez-vous pas le sentiment que beaucoup de temps a été perdu ces dernières années en matière de promotion?

Luc Frieden: Non, je ne le crois pas.

paperjam: La grande diversité des activités de la place financière, et donc la diversité des cibles visées par la démarche de promotion, rendent-elles les choses plus compliquées à organiser?

Luc Frieden: Je dirais, au contraire, que cette diversité est une richesse et le gouvernement soutient les développements de chacune de ces activités sur la place. Les expériences au cours de ces dernières années furent très utiles pour créer une agence qui apporte une réelle plus-value par rapport à ce qui se fait actuellement.

paperjam: Cette agence aura-t-elle la promotion comme seule et unique compétence, ou bien devra-t-elle également soigner l'image du pays et de sa place financière?

Luc Frieden: Ni l'un ni l'autre. Il ne s'agit pas en effet de seulement promouvoir, mais aussi de communiquer objectivement, concrètement, avec engagement, sur le thème de la place financière et de contribuer au développement d'une activité qui a tant apporté au pays en termes d'emploi et de qualité de vie. Le gouvernement choisira l'appellation exacte de cette agence le moment venu.

paperjam: La direction de cette agence serait-elle plutôt confiée à un représentant du secteur privé ou bien à un fonctionnaire d'État?

Luc Frieden: Il faudra tout simplement que ce soit la meilleure personne qui puisse remplir ce rôle, indépendamment de son origine privée ou publique. Elle sera désignée conjointement par le ministre du Trésor et les représentants du secteur privé, dans le cadre de ce partenariat. Il faudra surtout que ce soit quelqu'un qui connaisse très bien la place financière et ses différents métiers....

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