"Pas de petits adultes." Le ministre de la Santé, Mars Di Bartolomeo, au sujet de la nouvelle réglementation en matière de médicaments pour enfants

La Voix: Pourquoi une nouvelle réglementation en matière de médicaments pour enfants s'est-elle imposée?

Mars Di Bartolomeo: Les enfants ne sont pas de petits adultes. Cela va de soi, mais cela n'a pas encore été appliqué de manière assez conséquente en matière de médicaments. En clair, 50 % des médicaments sur le marché aujourd'hui n'ont pas été développés spécifiquement pour un public enfant et souvent on se contente de jouer uniquement avec le dosage.

C'est la situation de départ. A partir de là, les instances européennes et notamment l'EMEA (l'agence européenne des médicaments) ont débuté des négociations avec les industries pharmaceutiques afin d'obtenir qu'elles développent et adaptent de manière plus systématique des médicaments pour enfants. Après de longues discussions, un accord de principe a pu être trouvé en 2005 sous présidence luxembourgeoise avant d'être formalisé sous présidence autrichienne. En décembre 2006 il a été finalisé et peut désormais entrer en vigueur.

La principale différence qu'apporte ce règlement est que l'industrie pharmaceutique dispose désormais d'un délai supplémentaire de six mois sur ses brevets déposés sur les médicaments pour enfants. Pendant que dure ce brevet, le médicament n'est pas génériquable et ne peut donc pas être produit par d'autres firmes, ce qui a généralement pour conséquence une chute du prix de ce type de médicament. On est parti du principe donnant, donnant, puisqu'en échange, on exige des firmes qu'elles produisent des médicaments spécifiquement adaptés aux enfants. Le résultat attendu de ce règlement est que plus de médicaments adaptés aux enfants sortent sur le marché.

La Voix: Le règlement concerne principalement l'industrie pharmaceutique, est-ce que ce cela signifie qu'il n'y aura pas de grands changements pour les gens sur le terrain, médecins et pharmaciens?

Mars Di Bartolomeo: Si, une fois que ces médicaments pour enfants sortiront sur le marché, ils seront vendus en tant que tels. Et comme les autres ne disparaîtront pas du jour au lendemain, les pharmaciens et les médecins auront le choix et pourront prescrire des médicaments développés pour enfants et pas simplement de ceux où on a uniquement joué sur le dosage. Cela leur donne un choix supplémentaire, un choix simplifié.

La Voix: Et quel changement pour les parents?

Mars Di Bartolomeo: Leur vie sera simplifiée puisque tout, le mode d'emploi, les différents dosages etc., seront également adaptés. Cela permettra plus de sécurité dans l'utilisation des médicaments.

La Voix: Plus généralement, où reste-t-il encore des efforts à faire pour améliorer encore la situation?

Mars Di Bartolomeo: Aussi bien en ce qui concerne les médicaments que les services publics dans le domaine de la santé, un volet qui doit nous tenir à cœur est de rendre possible l'accessibilité aux soins. Dans nos pays, c'est largement le cas grâce à une législation sociale performante, mais il ne suffit pas que l'accès soit possible dans les pays développés, il faut aussi permettre d'y avoir accès dans les pays où les maladies sont largement répandues. Et cela compte aussi pour les enfants. C'est bien si nous avons des médicaments spécialement adaptés mais il est extrêmement important que les enfants dans les pays en voie de développement puissent en profiter eux aussi.

Ici aussi un débat a été lancé par le forum pharmaceutique à Bruxelles et la présidence allemande a débuté les discussions avec les industries en question avec pour but de créer un meilleur accès. Il faut pouvoir accepter que dans nos pays les médicaments aient un coût supérieur à celui dans des pays où une famille ne dispose que du millième du revenu comparé à celui d'une famille d'ici. Il faut tenir compte de ces facteurs dans le prix à appliquer là-bas.

La Voix: Un système social global pourrait-il financer dans les pays riches une partie des médicaments destinés au tiers-monde?

Mars Di Bartolomeo: On peut l'imaginer ainsi. Le bénéfice principal des industries pharmaceutiques étant réalisé chez nous, cela devrait donc leur permettre de vendre les médicaments au prix de revient, voire même en-dessous dans les pays défavorisés.

Tout ceci est une facette de la globalisation. Si l'on veut faire barrage à la maladie il faut une approche globalisée et ne pas se limiter à une partie du monde, mais la combattre à la source et là où elle est le plus répandue. Au contraire de la faim qui ne l'est pas, il y a des maladies qui sont exportables. C'est ainsi qu'il faut agir si on comprend bien le phénomène de globalisation qui ne garde pas ici sa connotation négative de délocalisations et de recherche du profit.

La Voix: De telles idées ne risquent-elles pas de provoquer une vague d'opposition?

Mars Di Bartolomeo: Oui et non. Nous avons les cartes en main. Le débat est lancé, on ne doit pas attendre qu'une industrie pharmaceutique le fasse de son propre chef, mais on a vu, par exemple lors de la grippe aviaire, comment la pression nécessaire a pu être générée par des institutions internationales comme I'OMS. En créant des conditions meilleures là où on peut se le permettre, on peut demander des efforts supplémentaires ailleurs, dans l'intérêt de la santé publique.

La Voix: Cela signifie-t-il que le prix des médicaments risque d'augmenter?

Mars Di Bartolomeo: Non, je ne pense pas. Grâce à des actions concertées lors de ces dernières années et suite à la pression qui a été faite par les sécurités sociales dans les différents pays, on constate que la tendance du prix des médicaments est globalement à la baisse. Cela vient du fait que tous les pays en ont fait une priorité. Par contre, pour les médicaments de pointe qui sont utilisés dans des thérapies, comme par exemple des médicaments contre le cancer, la tendance est plutôt à l'inverse, étant donné qu'ils restent un long moment sans concurrence sur le marché. C'est donc auprès des médicaments courants pour lesquels il y a beaucoup de gaspillage qu'il faut économiser. En clair: adopter une consommation modérée, les utiliser là où ils sont utiles, comme dans le cas des antibiotiques par exemple, pour permettre de garder une certaine marge financière et agir là où le prix est trop élevé. C'est un message relativement simple: si on veut que les médicaments vraiment chers, restent disponibles, sans distinction de revenu des patients, alors il faut faire attention là ou les autres sont consommés en nombre pas toujours justifié.

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