"Veiller à l'indépendance de la justice". Luc Frieden au sujet de la réforme du système judiciaire et de la politique pénitentiaire

Le ministre de la Justice, Luc Frieden, poursuit les chantiers engagés pour améliorer le système judiciaire et la politique pénitentiaire. Un ministre souvent exposé à la critique.

Le Quotidien: Vous serez entendu, mercredi, avec les autorités pénitentiaires par la commission juridique du Parlement au sujet du décès de deux détenus survenu à Schrassig. La prison se porte-elle si mal?

Luc Frieden: La prison c'est le reflet de ce qui se passe dans la société. C'est toujours dramatique de constater un décès en prison mais il y a des suicides chaque jour dans la société qui ne font pas l'objet d'une information dans la presse. Bien sûr, c'est dans un établissement placé sous la responsabilité de l'État que le drame s'est joué. Je ne me prononcerai pas sur un cas concret car une enquête est en cours. Mais la politique que je mène vise à réduire tous les problèmes en prison y compris le suicide.

Le Quotidien: Les moyens pour y parvenir sont-ils suffisants?

Luc Frieden: La prison est toujours une situation difficile. L'écoute doit être plus forte encore pour les détenus et les nombreux intervenants devraient permettre à chaque détenu de trouver un interlocuteur pour lui faire part de ses problèmes. Je crois véritablement que si un détenu cherche à se confier, il peut trouver un interlocuteur.

Nous continuons à mener un certain nombre d'actions en veillant surtout à ce que l'encadrement médical et psychologique soit amélioré. Je rappelle que les services au sein de la prison ont considérablement augmenté avec la création du service d'accueil psychosocial, l'accord avec deux centres hospitaliers que sont le CHL et le CHNP et cela a contribué à améliorer la vie des détenus. Je peux vous dire que les personnels qui travaillent à la prison aimeraient aussi que les médias rendent compte de ce qui se fait de positif derrière ces murs. Leur travail est payant mais c'est un sujet de fond qui intéresse moins que les drames ou les incidents...

Le Quotidien: Revenons alors à la politique et indiquez-nous sous quel signe se place cette rentrée judiciaire?

Luc Frieden: Il y a de gros dossiers qui attendent. Dans les prochains mois, je veux avoir des progrès sur la législation relative au divorce et à la nationalité luxembourgeoise. Et enfin, le droit des victimes est une loi qui me tient particulièrement à cœur. Et j'invite la Chambre des députés et le Conseil d'État à se prononcer rapidement. Je serai omniprésent sur ces trois dossiers. Je compte aussi revoir la loi sur l'adoption. Je continuerai aussi à chercher un endroit approprié pour réaliser une seconde maison d'arrêt.

Le Quotidien: Vous avez déjà une idée?

Luc Frieden: Non, pour l'instant, il est encore trop tôt pour annoncer un lieu. Nous cherchons...

Le Quotidien: Concernant le texte relatif à l'obtention de la nationalité luxembourgeoise pourquoi avoir augmenté la durée de résidence à 7 ans à la place de 5 ans?

Luc Frieden: Nous souhaitons que ce soit le résultat d'une réflexion. La décision de prendre une nationalité doit être mûrement réfléchie et l'acquisition de la nationalité luxembourgeoise doit être le point culminant du processus d'intégration. Sept ans me paraît être une durée suffisante.

Le Quotidien: Où en est-on des propositions des différents groupes de travail issus de la conférence nationale de la justice qui s'est déroulée en juin de l'année dernière?

Luc Frieden: Ces groupes ont soumis un certain nombre de propositions et je tirerai les conclusions au début de l'année prochaine. Ces propositions tendent à rendre l'organisation de la justice plus efficace en termes de management d'un grand nombre de personnes. Je rappelle quand même que sous mon mandat, presque 10 ans, le nombre de magistrats a augmenté de 30% ce qui est unique en Europe. Quand je suis arrivé au ministère, nous avions 166 magistrats, nous en avons 218 aujourd'hui.

Enfin, je voudrai que ces propositions visent à consolider l'indépendance de la justice qui est un élément clé de notre système et auquel on ne peut pas toucher. On remarquera d'ailleurs dans tout ce que je fais que l'indépendance de la justice et son bon fonctionnement guident mes choix dans le domaine judiciaire.

Le Quotidien: Votre homologue française, Rachida Dati, connaît des problèmes avec les membres de son cabinet qui ont démissionné les uns après les autres. Elle évoque souvent une "obligation de résultats" qui la conduit à être parfois très exigeante. C'est quoi au juste cette notion pour un ministre de la Justice?

Luc Frieden: C'est simple, soit on se contente de gérer les dossiers, soit on cherche à atteindre des objectifs. Mon souci est d'améliorer sans cesse la qualité de vie des citoyens et je veux qu'un certain nombre de règles soient émises et respectées. C'est à la loi de donner une réponse et le ministère de la Justice a une énorme obligation de résultats, une énorme responsabilité. C'est le grand ministère régalien d'un État. Quant à Rachida Dati que je connais depuis peu ainsi que Nicolas Sarkozy qui fut mon homologue à l'lntérieur, j'aime leur façon de travailler car j'aime les gens qui agissent.

Le Quotidien: La politique européenne en matière de sécurité est-elle toujours une de vos principales préoccupations?

Luc Frieden: Je passe beaucoup de temps sur les dossiers européens. On ne peut faire aucun progrès en matière de sécurité sans coopérations judiciaire et policière sinon nous n'aurions pas, ici, à Luxembourg, cette qualité de vie que nous connaissons.

Le Quotidien: Vivons-nous toujours sur un îlot au sein de l'Europe?

Luc Frieden: Il faut reconnaître que notre situation est meilleure que dans les pays voisins. La sécurité est un facteur important de notre qualité de vie et un atout compétitif pour notre économie. Nous travaillons tous les jours pour maintenir ce niveau de sécurité.

Le Quotidien: Comme vous êtes en pleine préparation du budget, pouvez-vous nous dire le contenu de l'enveloppe que vous réservez au département de la justice et à la politique pénitentiaire en particulier? En augmentation?

Luc Frieden: Il est trop tôt pour indiquer un chiffre. Mais je puis vous assurer que la sécurité, et donc les moyens de la police, continuent à figurer parmi les priorités du gouvernement.

Le Quotidien: Et sinon, vous n'en avez pas assez, parfois, d'exercer une fonction aussi exposée, celle de ministre de la Justice? Après tout, c'est votre tête que l'on réclame le plus quand des détenus décèdent en prison où quand un système anti-incendie d'un commissariat s'avère défaillant?

Luc Frieden: Non! C'est une fonction passionnante car je m'occupe de la sécurité des gens. Je continue ce métier avec un grand plaisir car sans sécurité, pas de libertés fondamentales. Je me répète peut-être, mais je continue de penser que les différents drames et incidents qui émaillent le quotidien judiciaire enlèvent une vue d'ensemble sur le problème de la sécurité. Mon rôle est de veiller à ce que la chaîne de la sécurité soit bien organisée.

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