"La Grèce doit d'abord tenir ses engagements". Le Premier ministre, Jean-Claude Juncker au sujet de la situation financière de la Grèce

Jean Quatremer: Les premières réactions des marchés montrent qu'ils ont des difficultés à comprendre le message envoyé par le Conseil européen d'hier...

Jean-Claude Juncker: Ils comprendront mieux au cours des jours à venir. Qu'avons-nous décidé? D'une part, la Grèce s'est engagée à diminuer de 4 points de PIB son déficit budgétaire en 2010 et, en cas de besoin, à prendre des mesures supplémentaires. D'autre part, si la Grèce respecte son engagement - le gouvernement nous a convaincus qu'il le fera - et si les marchés financiers ne devaient toujours pas comprendre notre message, nous sommes prêts, en tant que membres de la zone euro, à garantir la stabilité financière de la zone et donc à venir en aide à la Grèce. Mais, cette assistance de la zone euro à la Grèce n'est pas unilatérale, c'est un engagement réciproque. Les Grecs doivent faire ce qu'il est nécessaire de faire, et les membres de l'Eurogroupe feront ce qu'il est nécessaire de faire.

Jean Quatremer: Une réduction de 4% du déficit budgétaire, c'est énorme...

Jean-Claude Juncker: C'est énorme, c'est vrai. Mais l'Irlande l'a fait, comme d'autres pays européens. Il n'y a pas d'alternative, et la Grèce le sait. Elle ne peut pas miser sur une quelconque espèce de générosité de la part des membres de l'Eurogroupe. Nos contribuables ne sont pas là pour financer ces manquements, et elle doit donc d'abord y remédier. C'est seulement alors qu'elle pourra compter sur notre solidarité.

Jean Quatremer: Donc si une partie des marchés continue à attaquer la Grèce, les Etats de la zone euro interviendront ?

Jean Quatremer: Pas tant que ce pays n'aura pas fait ce qu'elle doit faire. La Grèce doit d'abord tenir ses engagements et répondre à nos attentes. Sans cela, on ne peut pas donner d'argent. Le plan grec doit apparaître comme étant crédible. Si les marchés mettent en cause la crédibilité de la démarche grecque, des mesures additionnelles devront être prises. La zone euro n'interviendra que lorsque cela aura été fait. C'est un appui conditionnel.

Jean Quatremer: Les Vingt-Sept ont-ils discuté des mesures que vous pourriez prendre ou vous en êtes-vous tenus à une discussion de principe ?

Jean-Claude Juncker: Il n'y a pas eu de grands débats au Conseil européen. La décision adoptée ce jeudi a été préparée lors d'une téléconférence des ministres des Finances de la zone euro que j'ai organisée mercredi et lors d'une réunion que j'ai tenu jeudi matin avec Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne [BCE, ndlr, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, et José Manuel Durâo Barroso, le président de la Commission européenne. Ce que nous avions préparé a simplement été soumis pour approbation par le Conseil européen.

Jean Quatremer: Quels types de mesures peuvent être prises ? Des achats de dette grecque par chaque Etat ou par la BCE sur le marché secondaire?

Jean-Claude Juncker: L'hypothèse que l'on mettrait en place un instrument consistant à échanger des titres est valable. Ce n'est probablement pas la seule initiative que nous pourrions prendre. L'essentiel est que ces instruments bilatéraux, puisque l'Union ne peut intervenir directement, soient coordonnés au niveau de la zone euro, n faut que cette aide à la Grèce apparaisse comme une mesure cohérente, déterminée et coordonnée de la zone euro. Il est dommage que plusieurs Etats se soient opposés dans le passé à la création d'un instrument qui nous aurait permis d'émettre des euro-obligations, ce qui aurait été plus simple. Mais, au moins, il y aura une réaction coordonnée de la zone euro.

Jean Quatremer: Peut-on demander aux citoyens allemands, par exemple, de se porter garants pour des dépenses effectuées par la Grèce en violation de ses obligations?

Jean-Claude Juncker: L'instrument que nous allons mettre en place sera un instrument de solidarité et non de générosité. Il y aura une forte conditionnante. Ce n'est pas gratuit. Mais si la Grèce fait les efforts nécessaires, les marchés financiers doivent savoir que la solidarité de la zone euro jouera.

Jean Quatremer: La zone euro n'a-t-elle pas utilisé les marchés pour contraindre la Grèce à faire des réformes qu'elle a toujours refusées de faire ?

Jean-Claude Juncker: Comme dernier rédacteur du traité de Maastricht encore en fonction, je peux vous dire que nous avons toujours estimé que si un Etat divergeait en dépit de toutes les mises en garde, il y aurait une sanction des marchés financiers. Nous ne sommes pas dans un monde où la sanction n'existe plus sous prétexte qu'on est membre de la zone euro. Mais je pense que les marchés exagèrent et spéculent désormais sur la probabilité d'une absence de réaction de la zone euro. Ils ont tort : on ne laissera pas tomber la Grèce.

Jean Quatremer: La crise actuelle ne montre-t-elle pas qu'il y a un défaut de gouvernance de la zone euro?

Jean-Claude Juncker: Il n'y a pas eu une absence totale de gouvernance de la zone euro, le pacte de stabilité est là pour le prouver. Mais nous avons désormais décidé, après de mauvaises expériences, de davantage nous concentrer sur les divergences de compétitivité qui existent entré les Etats membres de la zone euro. Si un Etat diverge, nous aurons avec lui un débat viril. De même, il faudra que chaque gouvernement discute d'abord au sein de l'Eurogroupe des mesures de politique économique qu'il compte prendre avant de les annoncer dans son propre pays. Je n'accepterai plus aucun manquement aux obligations inhérentes à l'appartenance à la zone euro. Il faudra que nous soyons plus sévères entre nous.

Jean Quatremer: Y a-t-il eu des réticences allemandes à proclamer sa solidarité avec la Grèce?

Jean-Claude Juncker: L'Allemagne doit affronter sur le plan intérieur des problèmes de justification que la France ne connaît pas. Ce qui fait que la France a eu une approche plus offensive que l'Allemagne. Mais il y a maintenant accord entre Paris et Berlin.

Jean Quatremer: Et Jean-Claude Trichet?

Jean-Claude Juncker: Si le président de la BCE n'avait pas été d'accord avec la double décision prise aujourd'hui, compte tenu de sa crédibilité, la réaction des marchés aurait été funeste.

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