Le Premier ministre et président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, au sujet du Conseil européen

France-Info: Le Président de l’Eurogroupe est en duplex depuis Luxembourg sur France-Info ce matin. Bonjour Jean-Claude Juncker.

Jean-Claude Juncker: Bonjour Madame.

France-Info: Merci d’être avec nous ce matin. Nous sommes maintenant à quelques heures seulement d’un sommet, que tout le monde annonce décisif pour l’avenir de la zone Euro, et peut-être même de l’Europe. Et c’est précisément le moment qu’a choisi l’agence Standard & Poor’s pour annoncer qu’elle mettait sous surveillance cette fois l’Union européenne. Dites-moi est-ce que c’est la logique implacable des agences de notation qui prévaut aujourd’hui?

Jean-Claude Juncker: Enfin, je ne crois pas que ce soit la logique des agences de notation qui doit prévaloir.

Je suis très surpris par l’acharnement des agences de notation sur l’Union européenne, sur la zone Euro, sur certains pays de la zone Euro depuis quelques jours.

Voilà des gouvernements qui ont entrepris des fortes actions de consolidations budgétaires, voir l’Italie, voir l’Irlande, qui vient d’annoncer de nouvelles mesures. Nous sommes à la veille d’un conseil européen.

C’est sans doute un hasard que l’agence ait choisi ces jours-ci pour attirer notre attention sur un problème qui existe, mais dont nous n’ignorons pas l’existence.

France-Info: Un hasard, dites-vous, en apportant le sentiment que ça met un peu plus la pression avant la réunion de Bruxelles. Est-ce qu’elle est dans son rôle Standard & Poor’s quand elle fait ça, ou est-ce que c’est intrusif finalement, est-ce que c’est plus politique?

Jean-Claude Juncker: Enfin, moi je ne suis pas le porte-parole de Standard & Poor’s. Je constate que l’agence de notation a fait ce qu’elle a fait. Un peu de pression est sans doute bienvenue, mais la pression existerait même s’il n’y avait pas ces avertissements des agences.

France-Info: Alors faut-il, Jean-Claude Juncker, un accord à 27 ce soir, ou demain, ou un accord seulement des pays de la zone Euro pour justement sortir de la crise de la dette? Quelle est votre position?

Jean-Claude Juncker: Il faut un accord solide, il faut la mise en place d’une architecture plus complète que celle dont nous disposons.

Moi je voudrais, je souhaiterais que nous nous mettions d’accord sur un traité à 27. Ce serait souhaitable. Mais si jamais parmi les 27 il devait y avoir des pays qui ne voudraient pas nous accompagner dans la recherche de cette architecture mieux construite, nous ferons un traité à 17.

France-Info: Et un accord à 17 ne serait pas interprété comme un accord à minima qui créerait une sorte d’Europe à deux vitesses au sein de l’Union?

Jean-Claude Juncker: Je crois que le contraire est plutôt vrai. Si nous n’arrivons pas à 27 de construire du solide si j’ose dire, mieux vaut construire du solide à 17.

France-Info: Depuis hier on a vu que Berlin était beaucoup moins confiante, consciente qu’il y a des blocages, blocages notamment avec la Grande-Bretagne. Est-ce que ce sont des blocages qui selon vous peuvent être dépassés ce soir ou demain?

Jean-Claude Juncker: Moi je ne me suis pas trop occupé au moment où je vous parle de la position britannique. Moi je me suis surtout investi dans un exercice qui consiste à collecter tous les éléments, qui nous permettraient de nous mettre d’accord à 17, tout en souhaitant un traité à 27.

Mais je ne voudrais pas que le Royaume Uni se réserve des pages entières où le Royaume Uni ne devrait pas faire ce que les autres devront faire.

Je n’accepterais par exemple pas qu’en matière de services financiers, le Royaume Uni se verrait reconnu des droits et des libertés d’action que les autres n’auraient pas.

France-Info: On a vu, Jean-Claude Juncker, que les dirigeants de l’Europe, Herman Van Rompuy, José Manuel Barroso, étaient favorables à des Euro-obligations. Vous, qu’elle est votre position sur cette question-là, sur la mutualisation de la dette?

Jean-Claude Juncker: J’avais en décembre de l’année écoulée, ensemble avec mon collègue italien d’alors, Monsieur Tremonti, suggéré dans un article qui a eu un certain retentissement, paru au Financial Times, la mise en place d’Euro-obligations.

Moi je considère que la mutualisation des obligations, des dettes européennes est un pas, que nous devrions prendre, mais je suis conscient du fait qu’il est trop tôt pour le faire, parce que cela présuppose en terme de pré-conditions que nous mettions en place une union fiscale bien articulée.

Les Euro-obligations sont une idée qui doivent rester sur la table. Nous devons l’examiner, mais il ne faudrait pas croire, que nous puissions introduire des Euro-obligations d’ici quelques mois.

France-Info: Pourtant Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont balayé cette éventualité, en tout cas ce n’est pas sur la table pour l’instant. Il faudra y revenir, c’est ce que vous dites?

Jean-Claude Juncker: C’est un sujet qui n’est pas d’actualité, mais c’est un sujet qu’il faudra creuser pour que le moment venu l’instrument puisse être mis en place rapidement. Mais ça prendra des années. Ce n’est pas une question qui va se jouer dans les semaines à venir.

France-Info: On parle, Jean-Claude Juncker, de nouveaux mécanismes financiers, qui viendraient remplacer ou s’ajouter aux FESF. Mais là aussi renforcer le parachute financier. Tout le monde n’est pas d’accord.

Jean-Claude Juncker: Enfin, nous nous sommes mis d’accord il y a des mois sur le renforcement des moyens de l’ESFS. Nous avons une idée à peu près précise des moyens qui sont mis à disposition du mécanisme européen de stabilité. Nous allons travailler sur ces sujets.

Et comme il faudra que nous négocions un traité, qui nous permettra la mise en place du mécanisme européen de stabilité, nous allons préciser, me semble-t-il, aujourd’hui et demain que cet aspect important qui concerne l’implication du secteur privé, était une démarche qui concernait exclusivement la Grèce, et que dans les mécanismes du traité sur le mécanisme européen de stabilité il sera prévu que l’implication des secteurs privés doit se faire en ligne avec les pratiques du Fonds monétaire international. L’implication du secteur privé reste une affaire qui concerne la seule Grèce, parce que la Grèce constitue un cas unique.

France-Info: La France et l’Allemagne aujourd’hui proposent d’agir avec une majorité super qualifiée. C’est un nouveau concept, et visiblement c’est là aussi un point de blocage?

Jean-Claude Juncker: Ce n’est pas un nouveau concept, c’est un concept que la France et l’Allemagne ont refusé lorsque nous l’avons proposé il y a une année. Donc je me félicite du fait que la France et l’Allemagne proposent aujourd’hui ce que nous avions proposé à plusieurs il y a une année.

France-Info: C’était donc une bonne idée?

Jean-Claude Juncker: Puisque nous l’avions proposée et puisque la France et l’Allemagne la reprenne, ça doit être une bonne idée.

France-Info: Herman Van Rompuy suggère lui de transformer cet outil, ce fonds en Banques européennes, ce qui permettrait évidemment d’aller chercher plus facilement de l’argent auprès de la BCE. Ca c’est quelque chose qui pourrait trouver un écho aujourd’hui?

Jean-Claude Juncker: Nous sommes plusieurs à considérer que c’est une piste à creuser, et nous évoquerons ce sujet, et nous l’examinerons avec le soin et la sérénité requis.

France-Info: Jean-Claude Juncker, jusqu’où ce soir, demain, est-ce qu’on est prêt pour sauver l’Euro, où est-ce qu’on est prêt à aller pour sauver cet Euro, et pour éviter le scénario du pire?

Jean-Claude Juncker: L’Euro n’est pas en danger. Nous sommes en face d’une crise de la dette publique dans plusieurs de nos États-membres, mais l’Euro lui-même, en ce qui concerne sa valeur interne, en ce qui concerne le régime de changes, il n’est aucunement menacé.

Nous devons tout faire pour mettre en place des instruments et des mécanismes de pare-feu, pour éviter la contagion vers les pays qui relèvent du centre de la zone Euro.

France-Info: Vous êtes optimiste, il y aura un accord d’ici demain?

Jean-Claude Juncker: Il doit y avoir un accord.

France-Info: Il doit y avoir un accord. On va se quitter donc sur ces paroles d’espoir. Merci Jean-Claude Juncker d’avoir été en direct avec nous ce matin sur France-Info.

Jean-Claude Juncker: Merci à vous Madame.

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