Jean-Claude Juncker au sujet de l'actualité sociale: "Je veux dire la vérité, et non consoler les Luxembourgeois"

L'Essentiel: Cargolux et ArcelorMittal ont dénoncé leurs conventions collectives. Le modèle social luxembourgeois est-il en péril?

Jean-Claude Juncker: Je trouve gênant, bien que cela soit légal, le fait de dénoncer unilatéralement sans information ni consultation préalable des syndicats. Cela m'inquiète que le dialogue social ne respecte plus les règles qu'il s'est lui-même fixé. Je n'en conclus pas que le modèle luxembourgeois est essoufflé, mais je n'aime pas cette atmosphère de guerre froide qui s'est installée entre les partenaires sociaux. Si cette habitude qui était la leur de pouvoir se parler directement et librement devait se perdre, le gouvernement aura de plus en plus à agir unilatéralement sans chercher le consensus qui doit sous-tendre en matière de politique économique et sociale.

L'Essentiel: Les taux de croissance restent très en deçà des niveaux historiques. La période faste du Luxembourg est-elle finie?

Jean-Claude Juncker: L'avenir du pays sera caractérisé par des taux de croissance plus faibles que ceux auxquels nous étions habitués. Il faudra s'adapter, en suivant et en élargissant la ligne d'action du gouvernement. Nous devons expliquer à nos concitoyens que tout ce qui est souhaitable n'est pas possible. Qu'il n'y aura pas d'augmentation au niveau des prestations sociales. Qu'en matière de politique d'indexation, la modulation a vocation à durer. Je ne suis pas là pour consoler les Luxembourgeois, mais pour leur dire la vérité.

L'Essentiel: Quels sont les grands défis du Luxembourg pour 2013?

Jean-Claude Juncker: II faudra donner plus d'importance aux politiques de l'emploi, car le niveau du chômage est, dans le contexte luxembourgeois, trop élevé. La consolidation budgétaire doit être accélérée en gardant à l'esprit qu'il ne s'agit pas de détruire les quelques ressorts de redressement économique que nous pouvons avoir. Et puis, il y a la réforme de l'enseignement. Penser qu'on peut l'éviter relève du rêve. Cette loi, nous la voterons.

L'Essentiel: Le budget 2013 épargne-t-il les ménages modestes comme vous l'aviez souhaité?

Jean-Claude Juncker: Nous ne réduisons pas de manière exagérée le revenu disponible et donc le niveau de vie des familles à revenus modestes. Nous prenons plutôt sur les pensions fiscales des revenus les plus élevés. On oublie que l'Etat met à disposition des plus modestes une allocation de vie chère dont le montant ne cesse d'augmenter. Pour une famille modeste, bénéficier d'une allocation supplémentaire pour acheter le matériel scolaire compte beaucoup en termes de revenu disponible.

L'Essentiel: Si vous quittez l'Eurogroupe, c'est pour vous concentrer sur la politique nationale...

Jean-Claude Juncker: Je ne me suis pas absenté du pays, et je n'ai pas négligé ce qu'il y a d'important. Je quitte l'Eurogroupe pour avoir du temps libre pour moi-même et non pour les affaires.

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