Interventions de Jacques Santer à la Convention européenne sur les thèmes de la défense et des relations extérieures

Le 20 décembre 2002, M. Jacques Santer, représentant du Premier ministre Jean-Claude Juncker à la Convention européenne sur l'avenir de l'Europe, s'est prononcé sur les thèmes de la défense et des relations extérieures.

Intervention sur le thème de la défense

Monsieur le Président,

le rapport du groupe de travail "Défense" mérite un examen et une attention particulièrement bien intentionnés. D'une part, et d'abord, parce qu'il s'est agi d'un groupe aux débats difficiles mené de main de maître par le président Michel Barnier. D'autre part, parce que nous sommes en présence ici d'un document fondateur qui, sans révolution, propose pour le futur un véritable saut qualitatif par rapport au présent. Dans la mesure où ces propositions sont séparées mais non séparables de celles formulées dans le cadre du groupe "Action extérieure", il s'agit à mon avis d'un rapport aux fonctions de pivot.

A l'instar de mes commentaires concernant l'action extérieure, je me limiterai aux trois points qui, à mon sens, devraient faire l'objet d'un consensus parmi ceux qui souhaitent aller de l'avant. Avec l'élargissement décidé à Copenhague, l'esprit de Yalta est exorcisé. C'est pourquoi je pense que dans l'affaire qui nous occupe à l'heure actuelle, il n'est point de ligne de clivage légitime. Notre objectif doit être d'avancer ensemble.

La solidarité est un leitmotiv de l'intégration européenne et fonde l'ensemble des politiques communes développées depuis 1951. Elle fonde la cohésion politique entre Etats membres et établit l'Union, sur le plan international, en acteur autonome et indépendant. De fait, le principe de solidarité s'applique aussi aux domaines de la sécurité et de la défense. A l'heure où la Turquie, en tant que membre de l'Alliance atlantique, a décidé de lever le blocage imposé à la mise en oeuvre des décisions du Conseil Européen de Helsinki en 1999, j'estime que nous devons être à la hauteur de notre engagement commun.

L'Union doit maintenant confirmer sa vocation globale et pouvoir fonder l'efficacité de son action, le cas échéant, sur une clause de solidarité, garante à son tour de la cohérence des efforts communs. A mon sens, la solidarité, la cohérence et l'efficacité sont les trois éléments indissociables d'une même approche. Ce constat implique qu'aucun pays ne devra être exclu d'avance de la participation à une coopération plus étroite devant conduire à la mise en oeuvre d'une mission de combat ou de rétablissement de la paix, dès lors que sa capacité de présence physique sur le terrain et ses capacités de commandement le qualifient à une participation aux forces multinationales.

J'avais plaidé à plusieurs reprises pour plus d'audace dans la mise sur pied de capacités communes. Il est évident que cette question est intimement lié à celle des armements. C'est pourquoi je suis particulièrement satisfait des propositions relatives à l'établissement d'une agence européenne d'armement et de recherche, notamment en ce qui concerne les modalités, dont je voudrais souligner le caractère équilibré.

Finalement, une dernière remarque à propos des propositions relatives à la clause de défense collective. Je prends note des positions formulées par les Etats membres qui se revendiquent du statut non-aligné. Aux autres, dès lors qu'il n'ont pas formulé d'exception culturelle aux dispositions pertinentes du traité d'Amsterdam, je leur ferais remarquer leur signature au bas du traité de Bruxelles et, sur un ton conciliant, que ce dernier ne se limite pas à l'article V. Il me semble cependant primordial de s'entendre maintenant sur le sort du traité de Bruxelles, dont les engagements doivent être transférés dans le cadre de l'Union.

Je vous remercie.

Intervention sur le thème des relations extérieures

Monsieur le Président,

Nous examinons aujourd'hui deux rapports particulièrement importants. D'une part, l'action extérieure et la défense sont parmi les domaines pour lesquels les attentes européennes des citoyens sont claires: à ce titre, celles-ci font figure de mandat. D'autre part, et c'est un fait, il s'agit ici de deux domaines-clés décisifs pour le fonctionnement et la nature du contexte institutionnel. Nous serons jugés sur notre capacité à parvenir à un consensus qui permette à l'Union de renforcer son rôle sur la scène internationale.

Je tiens à féliciter notre collègue et ami Jean-Luc Dehaene du travail accompli au cours de ces derniers mois à la direction du groupe "Action extérieure". Je ne vous étonnerai pas en déclarant mon soutien le plus entier aux orientations générales telles que dégagées par la partie A du rapport.

Je voudrais souligner les trois points qui, à mon sens et conformément à mon intervention lors de la réunion conjointe des deux groupes de travail, le 14 novembre dernier, nous permettront d'opérer un saut qualitatif.

Point 5

Premièrement, j'apporte un soutien clair à la proposition visant à instituer une fonction "double chapeau" pour un Représentant européen pour les affaires extérieures. Je suis satisfait des modalités de nomination et d'exercice proposées par le rapport. En ce qui concerne le rôle du Commissaire chargé des relations extérieures au sein du collège, je tiens à rappeler la déclaration 32 annexée à l'acte final d'Amsterdam et relative à l'organisation et au fonctionnement de la Commission. Celle-ci précisait déjà en 1997 "qu'il serait souhaitable de placer les relations extérieures sous la responsabilité d'un vice-président".

Point 6

Deuxièmement, je partage entièrement la proposition selon laquelle il serait utile d'envisager la création d'une formation spécifique du Conseil dénommée "Action extérieure" et distincte de la formation "Affaires générales". Mon expérience du passé m'enseigne que si l'on veut renforcer le rôle du Conseil au sein du triangle institutionnel, il faut absolument que le Conseil "Affaires générales" retrouve la plénitude de ses fonctions primaires, à savoir de se mettre en mesure d'assurer la coordination horizontale des différentes composantes du Conseil. Il appartient aux Gouvernements de chaque Etat membre de pourvoir à sa représentation adéquate.

Point 13

Troisièmement, quant à la représentation extérieure unique de la zone euro dans les institutions financières internationales, il va de soi que je me réjouis de la recommandation du groupe en ce sens. Je précise toutefois qu'au-delà des déclarations de principe, il est important d'en définir de façon précise les modalités d'exercice et de mise en oeuvre. Car, déjà aujourd'hui, l'article 111 TCE prévoit une représentation de la zone euro et le conclusions du Conseil Européen de Vienne des 11 et 12 décembre 1998 en ont prévues les modalités. Or, celles-ci jusqu'à nos jours sont restées lettres mortes, l'interprétation de l'article 111 laissant trop de latitude.

Finalement, un dernier mot sur la prise de décision en matière de politique commerciale. Mon interprétation de la logique institutionnelle m'impose d'attirer l'attention de mes collègues sur la nécessité d'étendre le mandat de négociation de la Commission Européenne sans restrictions aux services et les aspects de la propriété intellectuelle liés au commerce.

Je vous remercie.

Dernière mise à jour