Discours: S.A.R. le Grand-Duc à l'occasion du dîner de gala (05-12-2006)

- Seul le discours prononcé fait foi -

Madame le Président, cher Monsieur Freibergs,
Excellences, Mesdames, Messieurs,

C’est avec plaisir que nous accueillons, la Grande-Duchesse et moi-même, pour la première fois en cette maison un Chef de l’État de la Lettonie

Avec l’ensemble de mes compatriotes je vous adresse, Madame le Président, une chaleureuse bienvenue.

En dépit d’une conjoncture internationale des plus préoccupante, il me faut souligner que cette rencontre au plus haut niveau entre la Lettonie et le Luxembourg est entourée d’heureuses circonstances qui, voici quinze ans, étaient à peine imaginables.

Au lendemain d’un long processus la Lettonie fait désormais partie de l’Union européenne comme de l’Alliance Atlantique.

Il revient aux gouvernements successifs chargés sous votre autorité de la conduite des affaires de votre pays, d’avoir su très vite donner à la Lettonie une crédibilité et partant une stature qui forcent le respect. Je n’en veux pour preuve que le récent sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Riga.

Le Luxembourg se flatte de pouvoir compter à ses côtés une Lettonie reconnue et respectée dans le concert des nations.

En disant cela, je ne voudrais taire les nombreux avatars et péripéties tout comme les multiples épreuves subies par votre peuple qui ont permis l’émergence d’une nation indépendante et fière. D’innombrables victimes font à vrai dire la trame de votre histoire.

Il me faut souligner que le Luxembourg, pour ce qui le concerne, n’a jamais reconnu le funeste diktat de l’histoire qui porte la signature de deux régimes criminels. Cela est si vrai, dans la mesure où il était interdit, depuis 1945, à tout représentant officiel luxembourgeois de se rendre dans l’un des trois pays baltes, de peur qu’un tel déplacement n’eût pu être interprété comme une reconnaissance implicite de cette honteuse annexion.

Ces années de plomb, si elles ne peuvent être passées sous silence, au nom du devoir de mémoire, ne doivent pas nous empêcher de regarder l’avenir.

Membres actifs de pratiquement toutes les organisations et institutions européennes et internationales, les trois pays baltes assurent avec conviction leurs responsabilités.

Certes, si la Lettonie est modeste par sa taille comme par le nombre de sa population, elle a su, avec ses deux voisins immédiats, engager une démarche qui, à bien des égards, rappelle celle engagée à Londres voici plus de 60 ans et qui a donné naissance au Benelux.

Nous comprenons fort aisément qu’au lendemain des grands changements intervenus à partir de 1991 sur notre continent, l’aspiration sécuritaire l’emporta sur la relance du développement économique.

Aujourd’hui, c’est l’Europe et son avenir qui doivent nous préoccuper, tant il est vrai que pour la première fois nos pays ne sont plus exposés à une menace de l’un de leurs grands voisins.

J’ai lu ces jours-ci que les dix nouveaux états-membres se plaignent de la faible audience qui serait la leur dans les instances de l’Union européenne. Me trouvant à la tête de l’un des plus petits États-membres qui a porté avec cinq autres nations ce grand projet européen sur les fonts baptismaux, il me tient à cœur de rappeler ce qui suit:

Ce qui incontestablement fait l'originalité des Communautés, puis de l'Union européenne, et partant son attractivité - c'est la méthode communautaire d'une part - et le principe de l'égalité des états-membres d'autre part.

La méthode communautaire d'abord: elle est fondée sur le monopole d'impulsion d'une instance supranationale dont les propositions sont adoptées à la majorité qualifiée. Leur application peut être sanctionnée par une juridiction qui veille au respect de la même règle de droit par tous et dont les décisions s'imposent car directement applicables.

Force est de constater que cette méthode communautaire et partant l’intégration telle qu'imaginée par les pères fondateurs comptent un aspect révolutionnaire: elles sont le contraire de l'intergouvernementalisme et des coopérations interétatiques traditionnelles et momentanées où les petits états-membres sont souvent réduits au rôle de spectateur. Voilà déjà une première leçon.

Autre acquis majeur: le principe d'égalité des États-membres: quelle que puisse être la taille d'un état, sa place, c'est-à-dire sa représentativité dans l’ensemble des instances de l'Union européenne, ne saurait être remise en cause.

Tout observateur reconnaîtra que les pays "dits petits" ont davantage su tirer profit de leur appartenance à cette construction qui ne trouve pas son équivalent dans le monde. Ne dit-on pas par exemple que les Présidences luxembourgeoises ont chaque fois fait avancer le processus d’intégration en apportant une nouvelle pièce à l’édifice commun. Décembre 1997, avec la décision d’ouvrir l’Union à dix nouveaux états constitue à ce titre un moment historique.

Nous avons depuis pu constater qu’en termes de performance, la Lettonie figure très haut dans le tableau de ces nouveaux pays adhérents.

Il est vrai que bien des chantiers restent encore ouverts dans votre pays, chantiers qui sont la résultante des bouleversements intervenus dans cette partie de l’Europe.

Dans la solidarité de ses partenaires et alliés, tous respectueux des évolutions en cours, la Lettonie parachèvera l’œuvre si courageusement engagée pour faire bénéficier toutes ses populations d’une même prospérité dans une société ouverte à tous les courants de pensée.

Madame le Président,

Qu’il me soit permis de vous dire que le prestige gagné par votre pays vous revient pour une large part. Votre propre parcours fait d’exil, d’attente et d’espoir est si emblématique à plus d’un titre. Vous connaissez l’Europe, ses langues, ses cultures, mais vous êtes également familière du prodigieux esprit et des potentialités qui caractérisent les civilisations outre-atlantiques.

Comme professeur d’université, dotée d’une solide formation en psychologie, un nombre d’observateurs reconnaissent que ces qualités font de vous une personnalité politique de tout premier plan.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

En ayant à l’esprit que cette Visite d’État constitue une pierre angulaire dans les relations entre nos deux nations je vous prie, avec la Grande-Duchesse,

  • de boire à la santé de Madame le Président et de Monsieur Freibergs;
  • à la prospérité du peuple letton;
  • et à l’amitié entre nos deux nations dans une Europe enfin pacifiée et toujours plus unie.

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