Lydie Polfer au 1er Sommet UE-Afrique au Caire

Discours tenu lors de la troisième session de travail : "Développement", le mardi 4 avril 2000, 15 à 18h

Discours tenu lors de la troisième session de travail : "Développement", le mardi 4 avril 2000, 15 à 18h

Introduction

Monsieur le Président,
Monsieur le Co-Président,
Mesdames et Messieurs,

Le développement de l’Afrique nécessite une approche intégrée qui tient compte des dimensions politiques et économiques autant que des aspects de la sécurité et du développement. Une telle approche doit de même prendre en compte la spécificité de chaque pays africain et la diversité des cultures.

La première priorité à laquelle nous devons faire face est celle d’assurer la paix qui constitue le préalable à la solution de tous les autres problèmes. L’Afrique est ravagée par trop de guerres, par trop de conflits qui plongent dans la détresse des populations entières. La solution ne peut être que politique. Il convient en premier lieu d’appliquer et de respecter les accords de paix conclus - je pense notamment à celui de Lusaka signé par les parties au conflit dans la région des Grands Lacs. Utilisons à des fins sociales les dépenses militaires que nous pourrions ainsi économiser !

L’expérience des dernières années doit nous conduire de même à appuyer le renforcement des capacités dans le domaine de la prévention des conflits, de la gestion des crises, et du maintien de la paix.

La deuxième priorité est à réserver à la lutte contre la pauvreté et en faveur du développement durable. Comment arriver à éradiquer la pauvreté?

Le Luxembourg est conscient des difficultés que créent dans ce contexte pour beaucoup de pays africains les contraintes des programmes d’ajustement structurel et la dette extérieure. Le Luxembourg salue, et appuie, les décisions prises par la communauté internationale pour réduire le poids de la dette en particulier des pays les moins avancés. Nous souhaitons que ces mesures soient mises en œuvre rapidement. Cette démarche, essentielle, appelle néanmoins à notre avis des actions complémentaires.

L'éradication de la pauvreté demande en particulier que tous les pays industrialisés arrivent à donner suite à leurs engagements quant à l'Aide publique au Développement qui, après une tendance à la baisse au cours des dernières années, a heureusement connu une augmentation de 10% en 1998.

La stratégie de développement, avec l’objectif de réduire la pauvreté et l’exclusion et de s’attaquer aux causes les plus profondes pour l’instabilité et les conflits, devraient intégrer les principes suivants :

  • renforcer le dialogue politique entre l’UE et l’Afrique, et ce Sommet constitue assurément un pas important, voire décisif, sur cette voie
  • reconnaître le concept d’appropriation, "ownership", comme un facteur incontournable pour le développement et la paix
  • promouvoir la coopération et l’intégration régionale et sous-régionale
  • définir la démocratisation comme un processus continu à long terme qui ne se limite pas à la tenue régulière d’élections
  • renforcer en parallèle les institutions de l’Etat et les institutions de la société civile qui sont complémentaires
  • encourager et appuyer la décentralisation comme élément vital pour une meilleure participation locale à la vie politique et au développement
  • consacrer plus d’efforts encore sur la lutte contre le paludisme et le SIDA, ces deux fléaux qui risquent de contrecarrer tous les efforts de développement en Afrique

La coopération luxembourgeoise et l’Afrique

Au cours de la décennie écoulée, le Luxembourg a régulièrement augmenté son budget consacré à l’Aide publique au Développement (APD). Cette année, fidèles à nos engagements, nous allons atteindre l’objectif de 0,7% de notre RNB. Nous allons poursuivre notre effort, et nous nous proposons d’atteindre l’objectif de 1% en 2005.

L’essentiel de nos efforts est orienté vers l’Afrique, en particulier le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique australe, et la région des Grands Lacs. La plupart de nos partenaires africains font partie de la catégorie des pays les moins avancés (PMA - LDC, least developed countries).

L’APD luxembourgeoise n’est pas liée à des considérations commerciales. Néanmoins, nous souhaitons également développer nos relations économiques avec l’Afrique, promouvoir les investissements, et encourager la coopération entre entreprises luxembourgeoises et africaines. Il est en effet évident que le développement d’un pays passe également par l’appui aux activités et échanges commerciaux et par l’appui au secteur privé.

Plus de 60% du budget de notre coopération sont consacrés aux secteurs sociaux, et en particulier à l’éducation de base, à la santé primaire, et au développement rural intégré. Nous respectons ainsi très largement les engagements pris lors du Sommet social de Copenhague il y a cinq ans.

Le développement au 21ième siècle sera fondé sur l'intelligence plus que sur la matière, sur l'éducation et sur la connaissance. La coopération luxembourgeoise met un accent particulier sur le transfert de savoir, sur la formation à la gestion et sur le développement des capacités professionnelles. Ceci correspond d’ailleurs à notre souci de durabilité de nos projets et de leur appropriation par nos partenaires.

Plus de 1,4 milliards d’êtres humains, dont beaucoup vivent en Afrique, n’ont pas accès à l’eau potable. Raison pour laquelle le Luxembourg mène des actions substantielles dans ce secteur. Au 2e Forum mondial sur l’eau qui s’est tenu récemment à La Haye, nous avons réaffirmé la nécessité d’une vision globale de l’eau et l’importance du rôle des collectivités publiques dans le contrôle de la gestion des services de l’eau.

Nous sommes conscients du rôle crucial que joue la femme dans la société. Nous voulons contribuer à accélérer l’éducation des femmes pour leur permettre de prendre en main leur propre destin. Pour préparer l’Assemblée générale spéciale de l’ONU en juin prochain qui va dresser un bilan des efforts menés dans ce sens depuis le Sommet de Beijing il y a cinq ans, le Luxembourg a accueilli début février la Conférence des Femmes de la Francophonie qui a adopté un programme d’action important.

Notre politique est menée dans un esprit de partenariat et de développement participatif. Cela suppose un contact étroit et un dialogue continu avec les gouvernements et avec les bénéficiaires directs de nos projets dans nos pays partenaires avec lesquels nous souhaitons discuter de nos politiques de développement, de nos priorités, des stratégies et programmes que nous voulons réaliser ensemble.

Nous fournissons aussi un soutien important aux efforts de coopération entre représentants de la société civile au Nord et au Sud qui sont menés dans un grand nombre de pays africains. Nous nous réjouissons de la culture de solidarité que les ONG développent en premier lieu par l’action quotidienne qu’elles mènent au bénéfice des plus démunis, mais aussi par la sensibilisation à la problématique qu’elles assurent, par l’information qu’elles fournissent sur la vie politique, économique et culturelle de nos partenaires du Sud.

Conclusions

Concernant le rôle particulier que l’Afrique pourra jouer dans le développement, le chercheur français Philippe Engelhard a constaté que "l'Afrique est sans doute la seule à produire de la relation sociale ou plus précisément à innover socialement (...) alors que les civilisations occidentales et asiatiques vont peut-être finir dans l'autisme. (...) Le triomphe de l'économique et du financier conduit inexorablement à une mondialisation à double configuration: celle des riches et celle des pauvres".

L’Afrique est donc non seulement un bénéficiaire de la coopération au développement, mais a sa contribution à apporter à un autre développement au niveau mondial, là où le choc de la modernité risque de produire des effets néfastes.

Pour conclure, laissez-moi constater que je ne partage pas l’avis de ceux qui produisent des images pessimistes de l’Afrique. Les bouleversements sans précédents au plan politique et une amélioration non négligeable des performances de croissance dans plusieurs pays du continent résultent certainement d’une amélioration de la gestion des politiques économiques et la mise en œuvre des réformes structurelles.

Ce qui vient de se passer au Sénégal est également de nature à renforcer mes convictions : je salue la formidable leçon de démocratie que le Président Diouf et le peuple sénégalais ont donné au monde.

Comment ne pas voir là autant de signes encourageants qui prouvent que l’Afrique et l’Europe partagent des valeurs communes et sont engagées dans un partenariat prometteur et mutuellement bénéfique !

(Publié le 4 avril 2000)

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