Lydie Polfer lors du Sommet du Millénaire de l'ONU

Madame / Monsieur le co-Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs,

Le rassemblement à New York des dirigeants des peuples de notre planète constitue un geste fort car il envoie l’image d’une volonté commune, de l’affirmation de l’unité et de l’interdépendance de nos nations.

Cette réunion est importante: il nous faut des repères pour apprécier ce qui nous unit, mais aussi pour mesurer les distances qui subsistent entre nous; mesurables, celles-ci deviendront moins redoutables.

Kofi Annan a évoqué devant nous les potentialités de la liberté face à la peur, la faim, la maladie et l’ignorance. Le sage sera-t-il entendu ? Les sociétés des hommes ont depuis longtemps dégagé l’instrument qui permet de retenir durablement le bonheur que procure la sagesse: c’est le droit et son émanation la loi. Non pas la loi du plus fort, mais celle que définissent et acceptent des partenaires égaux en droit. La légalité internationale, sur laquelle se fonde l’action de la société internationale, n’est certes pas un principe immuable, gravé dans l’airain des certitudes. La société internationale, au même titre que les sociétés des différents Etats, se trouve en constante évolution. A nous de veiller à ce que notre action et les instruments dont nous disposons pour la mener à bien, connaissent les adaptations nécessaires.

A l’aube du XXIe siècle, l’aspiration à la paix et à la prospérité restent au cœur de notre engagement alors que de nombreux foyers de tension subsistent de par le monde, qui risquent d’éclater en crises ouvertes.

Au cours des décennies écoulées, notre Organisation a développé son action en vue de maîtriser ces crises, que ce soit en déployant des opérations de maintien de la paix de l’ONU ou en lançant des actions internationales de gestion de crises en coopération avec des organisations régionales. Les résultats de ces efforts sont pour le moins mitigés, et méritent d’être soumis à un examen critique en vue d’améliorer leur efficacité à l’avenir. Mais le rôle des Nations Unies ne saurait se limiter à celui d’un pompier international.

Avec le rapport de M. Brahimi, notre Organisation a entamé une réflexion globale sur la manière dont elle aborde les conflits, qu’ils aient lieu entre un ou plusieurs Etats, ou encore à l’intérieur de ceux-ci. Sur base de cette réflexion, nous devons développer une stratégie globale sur la gestion des crises internationales. Il nous faudra, avec davantage d’imagination et de persévérance que nous avons montré jusqu’à présent, consacrer nos efforts concertés à une meilleure prévention des conflits.

L’un des meilleurs moyens pour parvenir à cet objectif dans les années à venir sera de continuer notre action en faveur d’un développement équilibré et durable, qui réduise les disparités entre les différents continents, et qui se traduise par une amélioration effective du niveau de vie des populations concernées. Dans ce cadre, la lutte contre la pauvreté représente l’un des pôles essentiels de l’action internationale. Celle-ci demande des efforts considérables de coopération et de solidarité de la part des Etats et des organisations du système des Nations Unies, mais aussi de la part des acteurs économiques et de la société civile.

Le processus de mondialisation de l’économie qui est en cours devrait offrir aux forces du travail et de l’intelligence, et à la liberté d’entreprendre des perspectives nouvelles d’épanouissement; les fermes, les ateliers, les manufactures, les commerces et les services devraient se développer au sein de systèmes mieux équilibrés et dotés de mécanismes efficaces d'auto-contrôle.

La mondialisation ne sera un succès que dans la mesure où la communauté internationale saura se doter de l’encadrement réglementaire nécessaire pour ouvrir à l’ensemble des pays et des groupes sociaux un accès plus harmonieux et plus équitable aux formidables opportunités qui nous sont offertes par les techniques de la communication.

La promotion des valeurs de paix, de justice et de solidarité constitue un autre pilier essentiel de l’action des Nations Unies. Au cours des années écoulées, notre Organisation s’est efforcée de codifier au travers de conventions internationales les principaux droits et devoirs qui permettent le développement des sociétés démocratiques et tolérantes, dans l’acceptation de la différence et le respect de la personne humaine.

Les tragédies qui continuent d’affecter de trop nombreuses régions de notre planète résultent non pas des différences qui distinguent les individus et les peuples, mais du manque de respect de certains envers d’autres. Or, le mépris, le déni de l’égalité sont incompatibles avec la construction d’une société stable, que ce soit sur le plan national ou au niveau international. Sans sentiment d’une égalité vécue profondément, comment concevoir l’authenticité, la sincérité et la solidité de l’entente entre groupes et peuples, entre régions et pays, entre nations et Etats? Sans assurance puisée dans les cultures, les langues, les traditions les plus diverses, comment se résoudre à saisir la main tendue&? Comment opérer sans confiance, comment partager le poids des décisions sans reconnaissance mutuelle?

Il appartiendra à l’instrument incomparable, parce qu’universel, que représente le système des Nations Unies, de se donner les moyens pour que ces droits et ces valeurs soient désormais effectivement mis en œuvre et profitent à ceux auxquels ils sont destinés.

En vue de mieux s’acquitter à l’avenir des tâches importantes qui lui ont été dévolues, l’ONU devra poursuivre et intensifier l’effort de réforme interne qu’elle a entrepris, et rénover les relations entre ses principaux organes: l’Assemblée générale qui nous rassemble tous, le Conseil de sécurité qui devra être élargi afin d’être davantage représentatif, et le Conseil Economique et Social qui devra être revitalisé.

Mais la responsabilité de ce nécessaire effort d’adaptation ne saurait se limiter à l’initiative de notre Secrétaire Général aux travaux et à l’engagement de nos représentants à New York. Si nous entendons démontrer que nous prenons au sérieux la régulation des relations internationales par une concertation et une coopération entre Etats, qui remplacera la raison du plus fort par le respect de la loi et la prise en considération de l’intérêt de chacun, il s’agira de faire preuve de détermination politique. Un tel engagement rassemblera nécessairement la volonté des gouvernements, qui sont les sujets de la communauté internationale, et nécessitera également la coopération et le concours de la société civile, dont l’apport est inestimable.

Les Luxembourgeois sont une communauté qui est très consciente de son identité, et forme en même temps une société qui se veut véritablement multiculturelle. Depuis de nombreuses décennies, mon pays est imbriqué dans un réseau étendu et intense de coopération régionale, européenne et internationale. Le Luxembourg a œuvré pour contribuer à établir la tolérance et la confiance en Europe, et il continuera dans cette voie.

Nous entendons également faire preuve de solidarité active au-delà de notre continent: c’est pourquoi, notre programme d’aide publique au développement respecte, dès cette année, l’objectif de 0,7% du revenu national brut. Notre coopération au niveau international continuera à porter de façon prioritaire sur la recherche de la confiance par le dialogue, la construction de sociétés démocratiques et la prévention des conflits. Notre angle de vue sera celui d’un partenaire certes modeste, mais déterminé à jouer pleinement un rôle actif et engagé au sein de l’Organisation des Nations Unies.

Pour avancer dans la réalisation des objectifs qu’elle s’est fixée, la communauté internationale aura besoin de courage, d’engagement et de lucidité. Nos concitoyens mettent beaucoup d’espoirs en nous. Ne les décevons pas.

Puisse ce Sommet du Millénaire former une étape importante dans la voie de la réalisation de notre objectif commun d’une société internationale plus juste, plus équitable, plus tolérante et plus solidaire, pour le bien commun des peuples du monde.

Dernière mise à jour