Henri Grethen à l'occasion du dixième Colloque des Juges européens de Brevet

Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats,
Monsieur le Vice-Président de l'Office européen des Brevets,
Mesdames, Messieurs,

Je voudrais tout d'abord vous dire que je suis honoré de pouvoir ouvrir le 10eme Colloque des juges européens de brevets ici dans la belle ville de Mondorf-les-Bains.

Le Luxembourg fait partie de ces pays pour qui la propriété intellectuelle est du ressort du ministre de l'Economie. La propriété intellectuelle - le brevet et la marque, également le droit d'auteur - sont considérés comme des éléments de la politique de recherche et d'innovation. Ainsi, la direction générale de la propriété intellectuelle fait-elle partie intégrante du ministère de l'Economie.

Permettez-moi, dans ce contexte, de rappeler l'objectif essentiel du brevet comme d'ailleurs de toute la propriété intellectuelle.

L'objectif primordial du système du brevet est de favoriser la création, de stimuler l'invention, de promouvoir l'innovation et de favoriser le transfert de technologie. Inutile d'insister sur le développement de la science et de la technologie, nous savons tous qu'elles sont le vecteur de la croissance et du bien-être des citoyens.

Il faut garder à l'esprit que le brevet confère un droit de propriété garanti par l'Etat pendant 20 ans. Les entreprises sont donc incitées à développer de nouveaux produits et procédés en se protégeant de l'imitation et de la copie.

Mais le brevet impose, en contrepartie du monopole conféré par l'Etat, de divulguer le contenu de son invention. Il alimente de la sorte le transfert de technologie et le patrimoine de connaissances de tout un chacun, qu'il soit partenaire ou concurrent.

Le brevet, on l'oublie trop souvent, est un droit de propriété qui permet le fonctionnement d'un marché de la technologie. Le jeu des cessions et des contrats de licence facilite la diffusion et la valorisation des inventions.

Trop protéger retient l'information et gène le transfert de technologie.

Trop diffuser risque de décourager la recherche car l'imitation et la contrefaçon seraient trop aisées.

Il y a donc un dilemme. Les décideurs politiques doivent donc veiller à bien calibrer les paramètres d'efficacité de la protection et de diffusion de la connaissance. Mais à un coût total raisonnable pour l'utilisateur!

Le système judiciaire revêt une importance particulière.

Permettez-moi de féliciter l'Office européen des Brevets d'avoir pris l'initiative de réunir périodiquement les juges européens de brevets. Ces rencontres peuvent aider les magistrats à échanger leurs vues et leurs expériences quant à l'application du droit. Elles contribuent certainement à la convergence, voire à l'uniformisation de la jurisprudence.

Deux événements vont marquer le monde du brevet dans les prochaines années: d'une part, la révision de la Convention de Munich sur le brevet européen et, d'autre part, les travaux du Conseil et de la Commission européenne sur le brevet communautaire.

Les travaux préparatoires en vue de la révision de la Convention de Munich ont bien avancé. Le mandat donné par les ministres en juillet 1999 à la conférence de Paris a été bien respecté et je suis convaincu que la conférence intergouvernementale qui se tiendra à Londres, le mois prochain, permettra d'acter des avancées importantes. 

C'est le cas dans un domaine aussi sensible que les traductions.  C'est également le cas pour les questions liées au contentieux en matière de brevets européens.

En juin dernier, le groupe de travail mis en place par la conférence ministérielle de Paris s'est réuni à Luxembourg, au Château de Bourglinster. Ce n'est pas à un auditoire de hauts magistrats qu'il faut rappeler l'importance du futur système judiciaire européen en matière de brevets. C'est une veille revendication des représentants de l'industrie et qui est tout à fait légitime.

Cependant, je pense que le profil du futur système judiciaire en matière de brevets européens comportera indéniablement une dimension communautaire, du moins pour les Etats membres de l'Union européenne.

La position du Luxembourg est connue et se résume par la devise: un marché, une monnaie, un brevet!

L'histoire du Luxembourg est très liée au brevet communautaire. En 1975, a été signée la Convention de Luxembourg sur le brevet communautaire. Cette convention a été modifiée par l'Accord de Luxembourg du 15 décembre 1989 comportant entre autres un règlement des litiges en matière de contrefaçon et de validité des brevets communautaires. Cet Accord prévoit la création d'une Cour d'Appel Commune plus connue sous l'étiquette de COPAC.

Je ne me lasserai pas de répéter que les chefs d'Etat et de gouvernement se sont engagés, au sommet d'Edinburgh en 1993, à soutenir la candidature du Luxembourg comme siège de la future Cour d'Appel Commune.

Hélas, les conventions de Luxembourg sont restées lettre morte puisque sept Etats Membres seulement les ont également ratifiées. Il y a de nombreuses raisons à cet échec.

Je ne souhaite pas m'appesantir sur les causes, elles sont largement connues.

La proposition de Règlement du Conseil sur le brevet communautaire adoptée par la Commission européenne répond au souhait des chefs d'Etat et de gouvernement exprimé au Sommet spécial de Lisbonne sur la Société de la Connaissance.

Ce nouvel instrument va certainement permettre de progresser rapidement sur la voie d'un brevet communautaire et l'instauration d'un système judiciaire performant, centralisé et exclusif sur le territoire de l' Union.

La Commission propose la création d'un tribunal communautaire de propriété intellectuelle. Il n'est pas sûr qu'il faille créer un tribunal spécial, mieux vaudrait créer une ou plusieurs chambres spécialisées au sein même du Tribunal de Première Instance à Luxembourg. Mais c'est une question qui sera soulevée au prochain Conseil Marché Intérieur et dans le cadre de la Conférence Inter Gouvernementale.

 

Mesdames, Messieurs,

 

Vous débattrez de ces sujets et d'autres encore tout au long du colloque. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un bon travail et un agréable séjour au Luxembourg.

 

Dernière mise à jour