Henri Grethen à l'ouverture du salon "Mobiliser l'innovation et l'esprit d'entreprise au Luxembourg"

Messieurs les Présidents, Monsieur l'Administrateur-Délégué
Mesdames, Messieurs,
Chers invités, et tout spécialement ceux qui nous viennent de la Grande Région,

Permettez-moi tout d'abord d'excuser mon collègue Fernand Boden, ministre des Classes moyennes qui s'était déclaré prêt à parrainer à mes côtés ce salon de l'innovation et de la création d'entreprise, mais retenu par d'autres obligations vous envoie néanmoins ses salutations cordiales.

Mesdames, Messieurs,

L'évolution boursière des derniers mois nous rappelle l'implacable loi des marchés financiers.

En dépit de ce que nous voulaient faire croire certains devins financiers, il ne suffit en effet pas d'avoir une bonne idée en apparence – promue à l'aide de campagnes publicitaires coûteuses et de préférence financées avec l'argent des autres – et d'annoncer périodiquement de nouveaux records de vente pour maintenir durablement la confiance des investisseurs sans qu'il y ait des perspectives probantes de résultats économiques concluants.

Soyez toutefois rassurés, car il n'est pas de mon propos aujourd'hui de vouloir décourager ceux parmi vous qui sont prêts à se lancer dans cette aventure passionnante qu'est celle de l'indépendance et de la création d'entreprise.

Bien au contraire, vous vous en doutez certainement qu'étant doté moi-même d'une expérience d'homme d'affaire, ainsi que dans ma qualité de ministre de l'Economie, mon message ne peut être un autre que celui de l'encouragement.

Pour en revenir aux marchés boursiers, bien que nous vivons donc actuellement le désenchantement après l'envolée inconsidérée des valeurs technologiques, force est cependant de constater qu'un changement de mentalité semble avoir définitivement gagné le vieux continent et le Luxembourg de surcroît.

En effet, pendant une bonne vingtaine d'années les hommes politiques européens de tous bords ont inlassablement prôné les bienfaits du capital à risque, alors que ce sont les seuls américains qui en ont réellement fait un moyen de financement courant des activités de haute technologie. Ne nous étions-nous pas déjà accommodés de l'idée que l'aversion au risque était une tare culturelle typiquement européenne dont on ne se débarrasserait pas de si vite?

Sans doute que les avancées technologiques récentes, avant toutes celles de l'informatique et des modes de communication (encore appelées "TIC"-Technologies de l'information et de la Communication), ont redonné à beaucoup l'espoir qu'il ne faut pas nécessairement des infrastructures lourdes et coûteuses et des équipes importantes pour réaliser sa destinée d'entrepreneur.

Si les entreprises - hangards de la "silicon valley" sont certes déjà devenues un cliché, le grand public semble toutefois de plus en plus confiant que les "starts-ups" de la haute technologie – des "TIC", bio-, nano- ou autres technologies –hébergent aujourd'hui le plus gros potentiel de croissance, entre autres raisons également parce qu'elles abordent souvent plus courageusement que leur aînées et avec des outils parfois inédits les défis majeurs qui seront posés à nos sociétés modernes d'ici peu et dont je ne citerais que la croissance ininterrompue de la population mondiale, l'épuisement progressif des ressources naturelles, l'environnement en général, la santé, la mobilité.. et j'en passe.

Il est donc à espérer que la décongestion des valeurs technologiques ne signifie pas la fin impromptue de cet engouement nouveau des particuliers pour ces titres et l'initiative privée en général.

Il m'importe toutefois de parler un langage clair et réaliste qui ne cache pas les risques qui resteront attachés à la création d'entreprise et cela malgré les multiples soutiens de tout genre que pouvoirs publics et organismes privés ont mis sur pied au fil du temps.

Ne nous adonnons non plus à l'illusion que toute entreprise nouvelle doit nécessairement trouver son salut dans une cotation en bourse.

En particulier pour la majorité des entreprises d'origine luxembourgeoise les niveaux d'activité envisageables et les besoins financiers à anticiper n'en font certainement pas la source de financement la mieux appropriée.

Aussi suis-je très satisfait qu'autant les établissements financiers souvent qualifiés de "classiques", que les nouveaux fonds de capital à risque ont au cours des dernières années développé des solutions adaptées aux besoins spécifiques des jeunes PME luxembourgeois pour le financement de leurs projets innovateurs, créateurs d'emplois et de valeur ajoutée. 

Je ne citerais à titre d'illustration que la société de capital de développement pour petites et moyennes entreprises, intitulée CD-PME, qui a été constituée en 1998 avec un capital social initial de 100 millions de francs, dont la moitié a été apportée par la Société nationale de Crédit et d'Investissement – SNCI et dont l'autre moitié est répartie à parts égales entre 5 des plus importants établissements de crédits de la place du Luxembourg. Avec ses prêts participatifs subordonnés aux fonds de tiers, CD-PME se situe à mi-chemin entre le banquier traditionnel et la société de capital à risque. Elle n'intervient pas dans la gestion de l'entreprise. Son intervention se veut temporaire et c'est ainsi que sa rémunération sera progressive et fonction du risque encouru.

Cet instrument de financement qui complète les fonds propres de l'entrepreneur s'ajoute aux autres aides publiques – qu'il s'agisse de crédits d'équipement et de prêts de moyen à long terme de la SNCI ou de subventions des ministères de l'Economie ou des Classes moyennes – qui sont en revanche octroyées pour cofinancer des projets et programmes d'investissements matériels ou des activités de recherche-développement.

Je suis toutefois conscient de la dématérialisation croissante des investissements dans la société de l'information et du savoir. C'est pourquoi j'ai, du moins dans le contexte d'un projet de loi pour le développement économique de certaines régions du pays, incorporé aux coûts éligibles à une subvention publique également les coûts salariaux sur 24 mois du personnel supplémentaire dont l'engagement est en rapport direct avec la réalisation d'un projet d'investissement matériel dans une des régions éligibles. La Chambre des députés projette d'ailleurs de voter aujourd'hui même ce projet de loi.

Toujours est-il que le lancement d'une activité restera une des phases critiques de l'entreprise qui nécessitera le recours à beaucoup de compétences diverses qui ne peuvent pas nécessairement être toutes couvertes par l'entrepreneur et son équipe.

Il s'agit souvent de compétences qui ne sont pas en rapport direct avec le savoir-faire essentiellement technique de la majorité des nouveaux chefs d'entreprise.

D'abord celles qui sont liées à l'élaboration du plan d'affaire ou d'entreprise. Quels sont mes objectifs d'entreprise? Quels besoins en moyens matériels et humains me faut-il pour atteindre ces objectifs? Qu'elles sont mes propres ressources financières pour les financer? Quels sont les moyens de financement complémentaires les plus appropriés et comment les obtenir? Autant de questions pertinentes qui requièrent souvent un conseil professionnel, que ce soit d'un conseiller en entreprise, d'un banquier ou d'un de ces anges gardiens ("Business Angels" en anglais) qui sont autant des conseillers que des actionnaires ou des financiers de la phase de lancement de l'affaire.

S'ajoute ensuite toute une panoplie de besoins d'encadrement et de guidance qui sont autres que financiers.

En premier lieu la guidance dans les démarches administratives.

Le gouvernement a mis beaucoup d'efforts dans la simplification de ces procédures administratives en lançant avec le concours des Chambres de Commerce et des Métiers des centres de formalités afin que les créateurs d'entreprise puissent régler l'ensemble de leurs démarches administratives dans un seul et même endroit.

Ensuite, lorsque l'entreprise va démarrer avec une activité innovante lui faudra-t-il souvent encore réaliser des prototypes de démonstration de son produit ou service, stabiliser les développements par des tests de fonctionnement, s'associer le concours d'experts externes pour solutionner des problèmes techniques de dernière minute, régler la propriété du savoir-faire développé en partenariat avec d'autres entreprises ou centres de recherche, évaluer les possibilités de protection de la propriété industrielle et entamer une procédure de demande de brevet. Pour chacune de ces actions individuelles d'une démarche d'innovation il s'agit de s'associer le concours de l'expert approprié. Pour optimiser son efficacité pourquoi ne pas se faire guider par un intermédiaire neutre et bien introduit auprès de l'ensemble de ces acteurs techniques et qui peut servir d'interface et de coordinateur pour l'ensemble de la démarche et de surcroît vous orienter dans l'approche des instances publiques appropriées pour bénéficier d'éventuels encouragements financiers, jusqu'à vous conseiller dans l'élaboration du dossier? Ce sont précisément les tâches essentielles de Luxinnovation, notre agence nationale de la promotion de l'innovation et de la recherche, un groupement d'intérêt économique commun du gouvernement et du secteur privé représenté par la FEDIL et les deux Chambres de Commerce et des Métiers. 

Pour maintenir du moins pendant la phase de lancement vos frais administratifs et autres coûts fixes à un stricte minimum, vous pouvez éventuellement être intéressés par des centres d'accueil et autres maisons relais vous permettant de partager avec d'autres start-up les infrastructures techniques et d'agrément tout comme les services de secrétariat, voire des ateliers techniques et de surcroît bénéficier d'échanges d'informations utiles et de bonnes pratiques, voire éventuellement recourir à des compétences techniques de centres de ressources spécialisés qui peuvent compléter l'offre de services de telles infrastructures d'accueil. C'est le cas du Technoport "Schlassgoart" à Esch-sur-Alzette, un projet-pilote commun du gouvernement et du groupe ARBED qui a été conçu et qui est géré par le Centre de Recherche Public Henri Tudor et dont la démarche sera certainement imitée par d'autres promoteurs publics ou privés.

Il ne s'agit là que de quelques illustrations sommaires de questions et de choix que doit affronter tout créateur d'entreprise mais pour la résolution desquels il ne doit pas nécessairement oeuvrer en solitaire.

Nous en débatterons certainement plus en détail au cours de la table ronde avec les représentants de ces différents organismes de support.

Mesdames, Messieurs,

Lorsque j'ai accédé aux fonctions de ministre de l'Economie, j'ai identifié comme faisant partie de mes préoccupations primaires de mobiliser l'innovation et l'esprit d'entreprise.

Il s'agit là de deux qualités essentielles qui peuvent permettre à une nation de se démarquer du lot dans une économie globalisée dont les frontières physiques, institutionnelles et culturelles au libre flux des capitaux, des technologies, des personnes physiques et de leur savoir et savoir-faire sont vacillantes.

Je suis parfaitement conscient que le petit Luxembourg ne peut prétendre à un rôle de précurseur dans le domaine de la recherche. Mais rappelez-vous que le vrai génie n'a pas consisté à inventer la première roue mais à lui adjoindre la seconde, voire les trois autres permettant de concevoir un moyen de locomotion utile.

C'est ainsi qu'au moyen d'une politique de promotion active et au bénéfice de transferts technologiques importants de l'étranger, le Luxembourg a su se forger au cours des décennies passées avec le support de mon département de l'Economie un tissu industriel diversifié et complété par de nombreuses activités artisanales, de commerce et de services financiers et autres.

Aujourd'hui, chacune de ces entités, chaque maillon de cette toile pris individuellement ou en relation avec d'autres peut constituer un pôle de compétence pouvant engendrer par l'innovation et l'esprit d'entreprise de nouvelles entités, par exemple des "spin-offs", c.à.d. des entreprises crées par d'anciens collaborateurs ou issues d'un département d'une entreprise existante, souvent fortement spécialisées qui travailleront dorénavant en sous-traitance ou en partenariat avec leur ancien employeur, tout en élargissant progressivement leur clientèle à d'autres entreprises ayant des besoins similaires.

Ces mouvements sont souvent liés au désir de la société-mère d'externaliser des postes de coûts qui, pour des spécialistes qui s'y consacrent intensivement, peuvent devenir – innovation et économies d'échelles aidantes – de vrais centres de profit.

Mais le phénomène des "start-up" n'est pas limité au seules activités de la haute technologie. La société moderne a de plus en plus besoin de services d'appoint de tout genre qui, gérés efficacement à l'aide des "TIC" et de l'Internet en premier lieu, peuvent être générateurs de valeur ajoutée et de revenus. C'est entre autres dans la masse des activités "point-com" qu'on retrouve un large vivier d'idées pour de nouvelles activités de service aux professionnels ou aux particuliers.

D'autres activités plus intensives en capital humain se consacrent par exemple aux travaux de proximité du domaine social et de la santé notamment.

Mesdames, Messieurs,

Toute initiative individuelle ou collective qui est prometteuse de création de richesse et d'emplois additionnels mérite notre reconnaissance, c'est mon message personnel d'encouragement à tous ceux qui sont tentés à relever ce défi.

Informer les intéressé(e)s sur la vaste panoplie de supports publics et privés auxquels ils ou elles peuvent prétendre, telle est l'idée de ce salon de la création d'entreprise et de l'innovation.

Je suis particulièrement heureux que cet événement peut également servir de plate-forme de lancement officiel à une initiative par ailleurs privée, je le souligne, d'un concours de "business plan" intitulé "1,2,3,…go!"

J'aimerais d'ailleurs saluer à cette occasion la clairvoyance de mon ami Marc Assa, l'ancien président de la FEDIL, qui en homme d'affaire chevronné a détecté un maillon manquant dans la chaîne des acteurs de promotion de l'esprit et de la création d'entreprise et a donc décidé, il y a un peu plus d'un an, de lancer une initiative dans ce domaine avec le support de son organisation. Cette initiative, intitulée Business Initiative a rencontré un franc succès auprès de ses pairs qui – chose plutôt rare pour des entrepreneurs prévoyants – n'ont pas rechigné à sponsoriser directement cette initiative, tout comme l'ont également décidé de la faire le gouvernement luxembourgeois et la SNCI.

Je laisserais aux soins de l'administrateur-délégué de cette Asbl, Monsieur Alexandre Codran, de vous préciser les objectifs et le fonctionnement de cette initiative.

Permettez-moi simplement de relever les deux aspects prédominants de cette initiative qui sont la stimulation d'idées innovantes au travers d'un mécanisme de prix d'encouragement mais également l'encadrement, le "coaching" des proposants d'idées par des experts de tous bords (financiers, juristes, fiscalités, ingénieurs, consultant, etc.) jusqu'à la concrétisation de leur idée dans un projet d'entreprise.

 Je me réjouis également que Luxinnovation – dont je salue d'ailleurs le remarquable travail d'organisation de ce salon – s'est déclarée prête à supporter cette initiative au niveau du travail de promotion et d'organisation des évaluations et du suivi des projets qui seront soumis au concours.

Je crois savoir que même avant son lancement, ce concours rencontre déjà un large écho et je suis honoré d'en être aujourd'hui le parrain, en particulier puisqu'il se veut être une initiative interrégionale qui sera également supportée par les autorités publiques et des entreprises privées de nos voisins. Les idées ne connaissent effectivement pas de frontières et chacune d'entre elles mérite de pouvoir se mesurer aux plus performantes qu'elle qu'en soit leur origine.

Mesdames, Messieurs,

Tout à l'heure et pendant le reste de la journée un ensemble de professionnels se tiennent à la disposition de tous ceux parmi vous qui ont un rêve et le courage et la volonté de vouloir le réaliser. Ce salon est peut-être encore une formule inédite au Luxembourg pour s'informer sur la création d'entreprises mais qui me semble très intéressante pour nouer des contacts utiles. Je vous suggère d'en profiter abondamment et vous souhaite beaucoup de succès dans votre entreprise.

Merci de votre attention.

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