Henri Grethen à l´occasion de l´ouverture de la 78e Foire internationale de Luxembourg

Monseigneur, Madame,

C’est pour moi un honneur tout particulier de pouvoir Vous accueillir à la cérémonie de ce matin, surtout que c’est la première fois que Vous y assistez en Votre qualité de Grand-Duc et de Grande-Duchesse.

Vous continuez ainsi une tradition hautement appréciée dans nos milieux économiques.

C’est d’habitude en automne que Vous présidiez à la cérémonie d’inauguration de la Foire Internationale de Luxembourg. Vous le faisiez alors, Monseigneur, dans Votre fonction de Grand-Duc Héritier et surtout de Président d’honneur du Comité de Développement Économique, fonction que Vous avez quittée à l’occasion de Votre ascension au trône en octobre dernier.

Je pense pouvoir parler au nom de tous les membres du comité en constatant que Vous y avez laissé Votre empreinte. Nous continuons à apprécier la contribution inestimable que Vous y avez apportée.

Après un premier voyage en Corée le mois dernier, j’ai cependant aussi le plaisir de Vous confirmer qu’en Votre fils, le Grand-Duc Héritier, Vous avez trouvé un digne successeur, qui, j’en suis persuadé, continuera à défendre les intérêts de notre pays et de notre économie avec le même enthousiasme et la même efficacité que Vous Monseigneur.

Je tiens aussi à formuler une pensée à l’attention de Leurs Altesses Royales le Grand-Duc Jean et la Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte qui, avec gentillesse et compétence, et ce pendant de nombreuses années, nous ont honorés de Leur présence lors de cette cérémonie au printemps.

Encore une fois, soyez remerciés de Votre présence et de l’intérêt dont la Famille Grand-Ducale continue à faire preuve pour notre économie.

Altesses Royales,
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Traditionnellement, l’ouverture de la Foire internationale de Luxembourg est pour le ministre de l’Economie l’occasion de commenter l’évolution conjoncturelle récente et de donner un éclairage de ce que l’année en cours nous réserve sur le plan économique et social.

Je ne manquerai pas à cette coutume, tout en soulignant également quelques points de nature structurelle afin de mettre en perspective l’action du gouvernement et celle de votre humble serviteur.

Pour le Luxembourg, l’année 2000 restera dans les annales des comptables nationaux un des exercices où la croissance aura été une des plus fortes des dernières quinze années: 8,5% de hausse du P.I.B., voire 9% - si l’on tient compte d’une correction des termes de l’échange comme le suggère la Banque centrale du Luxembourg dans son dernier rapport. 

Cette croissance exceptionnelle a irrigué tous les secteurs : les transports et communications, les banques et assurances et, finalement, l’immobilier et les services aux entreprises. Ces trois grands secteurs de l’économie luxembourgeoise ont généré ensemble quelque 60% de la croissance totale du PIB.

L’emploi salarié intérieur a suivi à une allure folle : 6% soit 14.000 emplois salariés nouveaux en l’an 2000. En conséquence, le taux de chômage a encore baissé atteignant 2,7%, niveau le plus faible d’Europe.

Cela ne veut point dire que l’économie ait atteint le plein emploi des ressources humaines potentiellement disponibles.

D’un côté, on constate qu’une frange de chômeurs a du mal à se placer sur le marché de l’emploi ; de l’autre, une pénurie de main-d’œuvre qualifiée pénalise les entreprises comme le montre la récente enquête de la FEDIL. Il faut admettre que, sans l’aide des travailleurs frontaliers et des travailleurs migrants, l’écart entre la demande et l’offre d’emploi ne pourrait  guère être comblé. Les travailleurs non-nationaux occupent ainsi environ 65% de l’emploi salarié et leur proportion va encore augmenter. La politique de l’emploi menée en concertation avec les partenaires sociaux autour du Plan d’Action national Pour l’Emploi doit, avant tout, contribuer  à réduire ce hiatus entre le besoin et l’offre de ressources humaines.

Venons-en aux prévisions pour l’année en cours.

Les perspectives économiques internationales sont dominées par les Etats-Unis. Le retournement tant attendu et souvent prédit de l’exceptionnelle conjoncture américaine a fini par arriver avec l’éclatement de la bulle de la "nouvelle économie". La croissance américaine semble se ralentir notablement sans que l’on puisse parler de récession.

L’atterrissage, si incertain quant à sa nature, du long cycle de croissance ininterrompue a enfin eu lieu. Je garde bon espoir cependant que la politique de relance budgétaire, grâce à une réduction massive de la charge fiscale engagée par la nouvelle administration américaine et la politique monétaire accommodante suivie par la Réserve Fédérale permettront à l’économie américaine de rebondir rapidement. Cela devrait soutenir la croissance dans l’Union européenne, révisée à la baisse à plusieurs reprises, en permettant de sortir du trou d’air dans laquelle elle semble se trouver passagèrement.

Au Luxembourg, les effets du ralentissement de la conjoncture européenne restent limités.

Les perspectives pour 2001 annoncent une croissance plus modérée : le FMI estime qu’elle pourrait descendre à 4,5%, la Commission européenne, traditionnellement plus optimiste, prévoit 5,5%. Le STATEC a fait tourner son modèle macro-économétrique et prévoit, pour sa part, une croissance autour de 5%.

Les attentes pour cette année se situent donc nettement en-dessous du potentiel de croissance de moyen terme, taux que les experts de la Commission européenne évaluent à 6%. Si la croissance s’est donc assagie, elle reste toujours très appréciable par rapport aux performances de nos voisins et elle devrait rassurer tous ceux qui craignent qu’elle était trop rapide et risque de provoquer une surchauffe inflationniste.

L’emploi devrait être fortement stimulé et progresser de 5,1%. En conséquence, on peut s’attendre à voir le taux de chômage descendre à 2,5%.

En conclusion, l’économie réelle se porte bien et continuera à le faire cette année.

Mesdames, Messieurs,

Je ne vous cacherai pas cependant qu’il y a une ombre dans ce tableau de lumière : l'inflation.

Permettez-moi de m’attarder quelque peu à cette question qui agite régulièrement les esprits, pour dissiper quelques malentendus.

L’inflation, il est vrai, a progressé plus rapidement que la moyenne communautaire ou encore celle de nos voisins les plus proches. C’est un fait. L’inflation enregistrée par l’indicateur harmonisé national s’est élevée à 3,2% en 2000. Un paramètre plus intéressant cependant est celui de l’inflation sous-jacente, mesuré par l’indice purgé des éléments volatiles comme le prix de l’énergie ou celui des produits frais : ce dernier a progressé modérément de 1,8%.

Pour juger l’évolution de l’inflation, il faut le comparer à une période déterminée. Or, sur la longue période, les taux d’inflation constatés ces deux dernières années n’ont rien d’exceptionnel. En fait, ce sont les taux d’inflation observés de 1996 à 1998 qui étaient anormalement bas.

Le Service central de la Statistique et des Etudes économiques a procédé à une analyse minutieuse des taux d’accroissement mensuels moyens et les a comparés à ceux de nos partenaires européens. Sur les dernières cinq années, les résultats sont éclairants et rassurants : la progression des indices de prix au Luxembourg était plus faible qu’en Espagne, en Irlande, aux Pays-Bas et au Portugal et semblable à celle de la Finlande et de la Grèce. Ceci m’amène à un autre constat : le Luxembourg n’est pas parmi les pays les plus inflationnistes. Ce constat tient aussi pour une série de services intensifs en main-d’œuvre et prestés localement, à l’abri des pressions de concurrence.

D’ailleurs, pour l’année en cours, l’indice des prix à la consommation national a déjà entamé une lente décrue, passant à 2,8% en avril et devrait continuer à fléchir pour atteindre 1,5% en fin d’année. Le danger d’inflation excessive semble donc s’éloigner.

La cause immédiate de cette poussée inflationniste en 2000 est bien connue : la baisse de la devise européenne de 27% par rapport au dollar américain et la hausse des produits pétroliers de près de 30%.

Un facteur aggravant est – paradoxalement - le faible niveau des accises qui grève le prix des produits pétroliers et le mécanisme de fixation des prix des carburants à la pompe.

Le choc inflationniste ne trouve donc pas son origine première au sein de l’économie luxembourgeoise. Il n’y a pas  non plus eu d’explosion intempestive des coûts salariaux, ni dans le secteur public ni dans le secteur privé. 

La baisse substantielle des impôts intervenue au 1er janvier de cette année n’est pas davantage une cause du choc inflationniste. Le danger d’un syndrome inflationniste à l’irlandaise, provoqué par une baisse des impôts dans une phase de haute conjoncture, le danger d’une surchauffe de l’appareil de production n’est guère pertinent dans le contexte de notre petite économie largement ouverte. Une récente étude du Centre de Recherche public Gabriel Lippmann vient de le confirmer avec éclat.

A ce propos, le Secrétariat de l’OCDE écrit dans son rapport : "Ces allégements fiscaux devraient avoir des effets bénéfiques sur le taux d’activité et sur l’attrait du Luxembourg en tant que pays d’accueil des investissements. Même si les réductions d’impôts stimulent également la demande au moment où l’économie affiche déjà une forte expansion, elles ne risquent guère de provoquer une surchauffe, étant donné l’élasticité de l’offre de la main-d’œuvre et le contenu en importations élevé des dépenses de consommation".

Il n’y a rien à ajouter à ce commentaire judicieux !

Sinon que le gouvernement va mettre en œuvre la deuxième étape de la réforme fiscale. Pour 2002, le tarif d’impôt sera plus favorable qu’initialement envisagé : un taux marginal minimal de 8% et un taux marginal maximal de 38% pour l’impôt prélevé sur le revenu des ménages. De la sorte, le Luxembourg reste le pays avec l’imposition la plus basse, en particulier pour les revenus modestes.

La brève analyse de l’inflation serait très incomplète sans aborder la question lancinante des canaux de transmission des effets inflationnistes au sein de l’économie, la manière dont les effets se répercutent sur les différents secteurs. L’effet "d’auto-allumage" qui amorce la "boucle prix-salaire" pose la question de la nature du lien entre la hausse des prix et des salaires.

A ce propos, je tiens à clarifier un débat qui ressurgit périodiquement en matière d’indexation des salaires. Les études économétriques montrent clairement qu’il y a une adaptation des salaires plus ou moins rapide à l’indice des prix dans tous les pays de l’UE. Il n’y a donc pas de différence fondamentale, en matière d’adaptation des salaires à l’inflation, entre le Luxembourg et les autres pays de l’Union européenne, du moins sur le moyen et long terme.

Ce qui singularise le Luxembourg des autres pays, c’est que l’adaptation se fait automatiquement, de jure, alors que, dans d’autres pays, c’est la négociation collective ou individuelle qui joue, de facto.

C’est la raison pour laquelle, l’abolition voire la modification du mécanisme d’indexation automatique n’est pas à l’ordre du jour du gouvernement.

Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,

Je voudrais conclure la question de l’inflation en revenant à l’essentiel.

En effet, la question décisive n’est pas tant la comparaison des taux d’inflation nominaux, - exercice utile mais stérile - mais l’impact qu’ils ont sur la compétitivité des entreprises.

Au risque de me répéter, ce qui importe, c’est l’évolution des coûts de production, en particulier des entreprises exposées à la concurrence internationale. Il est un fait aussi que les coûts salariaux réels jouent un rôle important sinon décisif dans les entreprises intensives en travail, par rapport à la croissance de la productivité du travail.

Il faut donc suivre l’évolution du coût salarial unitaire réel, c.à.d. le coût salarial par salarié pondéré par l’accroissement de la productivité du travail. Or, que constate-t-on?

Le coût salarial unitaire a diminué de 2,2% en 2000, et de 1,6% en moyenne au cours de la période 1995 à 2000.

Tant que la hausse des coûts salariaux ne dépasse pas durablement l’amélioration de la productivité du travail, il n’y a pas de véritable danger de perte de compétitivité et de destruction de l’emploi. 

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi d’aborder maintenant quelques questions structurelles.

L’empreinte que le gouvernement a décidé de donner à la croissance s’inscrit dans le cadre du "développement durable". Selon la définition du rapport BRUNDTLAND, le développement durable doit permettre à la génération présente de satisfaire ses besoins sans compromettre la capacité des générations futures à assurer les leurs.

Ainsi, le développement durable repose-t-il sur trois piliers : économique, social et écologique. Ces trois piliers sont considérés par le Plan national pour un Développement Durable comme trois impératifs d'égale valeur. On voit bien qu’il s’agit là d’un concept fondamental, mais très difficile à appréhender et encore plus complexe à mettre en oeuvre concrètement dans la vie des consommateurs, des travailleurs et des entreprises.

Il m'appartient de m'occuper plus particulièrement du volet économique du développement durable, en l'occurrence de la façon dont la politique de développement économique tient compte des aspects écologiques et sociaux.

Je commencerais par rappeler que notre pays n’est pas une terra incognita sur le plan du développement durable : nous disposons d'ores et déjà d'un appareil de production largement tourné vers le recyclage de matières premières, que ce soit dans le domaine des métaux comme l’acier, le cuivre, et l’aluminium, des matériaux de construction, des matières plastiques ou du verre.

Nous disposons également d’un arsenal complet d’instruments d'incitation à l'investissement de prévention et de réduction des nuisances écologiques. Je citerais seulement l'application de l'article 7 de la loi-cadre de développement et de diversification économiques modifiée du 27 juillet 1993 et les mesures fiscales concernant l’amortissement spécial d’investissements écologiques.

Il faut également relever les nombreuses interventions dans le domaine des investissements en équipements de production d'énergies nouvelles et renouvelables.

Il y a lieu par ailleurs de signaler les interventions en matière de recherche-développement, applicables à la protection de l'environnement.

Au niveau des projets dont l’objectif immédiat a été la réduction ou l’élimination d’une nuisance environnementale, il convient de relever les  nombreux programmes et projets réalisés au cours des dernières années par des entreprises luxembourgeoises et accompagnés à travers les instruments publics.

Hélas, ces projets et efforts d’accompagnement sont régulièrement occultés dans certains discours et publications tendancieuses qui prennent en otage le développement économique dans le dessein de propager des thèses écologiques extrémistes.

Je ne nie pas que des mesures réglementaires peuvent contribuer à l’objectif d'un développement durable. Bien au contraire. Mais il faut qu'elles soient appliquées avec discernement, qu'elles aient véritablement un caractère incitatif et régulateur des comportements humains et surtout qu'elles soient appliquées en tenant compte de l'impératif de compétitivité internationale des entreprises. Ce dernier test est sans appel.

J'estime par ailleurs que notre pays ne devrait pas jouer un rôle précurseur en matière d'introduction de mesures eco-fiscales. En revanche, la poursuite de la politique des accords volontaires, étendue à d'autres branches, ou encore celle des audits environnementaux ou des labels écologiques peuvent être compatibles à la fois avec les impératifs écologiques et de compétitivité. 

Enfin, plutôt que de miser sur l'application inconditionnelle du principe de la meilleure technologie disponible sans égard à ce qui est économiquement justifiable, il me semble digne de réfléchir à une application de normes réglementaires et de laisser aux acteurs concernés le choix de la technologie à mettre en oeuvre pour atteindre les valeurs choisies.

En effet, l'application du principe de la meilleure technologie disponible en soi ne tient pas nécessairement compte de l'impératif économique. Appliqué d'une façon inconsidérée, il mène au statu quo, au blocage voire à des choix incohérents ou incompatibles avec le développement économique et social.

Pour ma part, j'entends privilégier les instruments à caractère incitatif et volontariste. Ainsi, je me propose de saisir prochainement le Conseil de gouvernement d'un projet de loi visant à adapter les instruments d'aides à la protection de l'environnement et à l'utilisation rationnelle de l'énergie à l'encadrement communautaire des aides aux entreprises en la matière.

Un dernier point me paraît essentiel dans le volet économique de la politique du développement durable : c’est le déplacement progressif du centre de gravité de la politique industrielle vers la R&D, le transfert de technologie et de l'innovation. Je souhaite y ajouter l'accent à mettre sur le développement des PME. Le développement structurel de l'économie luxembourgeoise sera donc davantage "endogène", basé sur le développement des compétences de la technologie. Je rappelle dans ce contexte la volonté du Gouvernement d'augmenter la part du PIB consacré à la R&D à 0,3%. Cela ne signifie nullement que le Luxembourg pourra se passer du vent frais qui peut nous arriver des investissements étrangers, surtout lorsque leur contenu technologique est élevé. Mais leur poids relatif sera moins significatif à l'avenir.

Mesdames, Messieurs,

Il faut savoir se méfier des modes intellectuelles et des analyses superficielles. Songez par exemple à la soi disant "nouvelle économie" à laquelle certains attribuaient des vertus magiques dans des termes dithyrambiques.

La dictature des prophéties auto-réalisatrices et les comportements mimétiques qui s’en suivent sont responsables de ce qu'Alan Greenspan a appelé "l’exubérance irrationnelle" que nous venons d’observer sur les marchés boursiers.

Les corrections de valeurs technologiques parfois drastiques, la déconfiture d’un grand nombre d’entreprises "dot.com" de la nouvelle économie, les déboires d’entreprises phare dont je me garde de mentionner les noms ont fait office de douche écossaise. Après l’euphorie, la gueule de bois !

Pourtant, nous assistons là à un phénomène bien connu dans l’histoire économique. Régulièrement, nous avons pu constater que la spéculation frénétique qui accompagne l’émergence de nouveaux marchés est une donnée classique. Après une phase de valorisation excessive, la réaction de défiance des financiers qui tardent à voir le retour sur leur investissement, est sans doute tout aussi exagérée.

Il y a des exemples historiques : la faillite des sociétés de chemin de fer au 19ème siècle n’a pas empêché le rail de se développer et le krach boursier de 1929 n’a pas arrêté le sort de l’industrie automobile naissante.

Dans la nouvelle économie, les investisseurs n’ont pas de références clairement établies pour évaluer les profits futurs et la valeur des projets. Ils ont donc tendance à adopter des comportements moutonniers : la hausse entraîne la hausse jusqu’au moment où le sentiment de panique s’empare des agents qui finissent alors par s’entraîner mutuellement dans un mouvement brutal à la baisse.

La nouvelle économie ne serait-elle qu’un mythe, une simple bulle spéculative ?

En fait, avec un peu de recul, il faut constater que les ressorts intimes de la net-économie sont encore mal élucidés. La logique des coûts fixes importants implique inévitablement des pertes au cours des premières années, tant que les ventes sont insuffisantes. Le refroidissement des marchés boursiers ne va pas persister, car l’économie basée sur la connaissance et sa rencontre avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication est une tendance séculaire lourde. C’est donc une branche dans laquelle je continue à garder ma confiance, sans exubérance toutefois.

J’aimerais insister, une fois de plus, sur une autre leçon importante que Patrick Artus, professeur à l’Ecole Polytechnique, tire de sa récente étude consacrée à la genèse de la nouvelle économie aux Etats-Unis. Je cite "Il n’y a pas de séparation entre la nouvelle et la vieille économie. L’essentiel du surcroît de croissance ne vient pas de la croissance du secteur producteur de nouvelles technologies, mais de l’amélioration de l’efficience du capital productif dans l’ensemble de l’économie grâce à l’incorporation de nouvelles technologies dans le capital". 

Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,

L’économie numérique prend forme au Luxembourg. Voyons ce que les rares chiffres dont nous disposons, peuvent nous apprendre.

Il y a un indicateur macro-économique fondamental : la productivité globale des facteurs. Il reflète, en gros, le progrès technologique. C’est la croissance de la production qui ne s’explique pas par l’accroissement du stock de capital et de travail. Selon le récent rapport de l’OCDE sur l’économie luxembourgeoise, la croissance de la productivité totale des facteurs est une des plus forte de l’UE, elle est même supérieure à celle des Etats-Unis, pourtant champions de la nouvelle économie.

Un autre indicateur intéressant est la transformation rapide des emplois hautement qualifiés. La Commission européenne vient de publier une étude comparative dont il ressort que le Luxembourg connaît la plus forte croissance d’emplois dans les branches "high-tech".

L’accès des ménages à Internet donne une idée pertinente de la diffusion des nouvelles technologies et de leur utilisation par le consommateur : 35% des ménages étaient connectés sur le Net en octobre 2000, situant le Luxembourg dans le peloton de tête des pays branchés.

La pénétration des entreprises luxembourgeoises sur la toile progresse également rapidement. Selon une enquête des Eurochambres auprès d’un échantillon représentatif de 600 entreprises actives au Luxembourg, 40% des entreprises se déclarent concernées par le commerce électronique. Les entreprises de services sont en tête, en avance sur les entreprises industrielles. Fin octobre 2000, 10% environ des entreprises déclarent réaliser une partie de leur chiffre d’affaires via des transactions en ligne et 16% des entreprises sont en train d’élaborer une telle stratégie.

Plus parlants encore sont les nombreux sites web d’entreprises qui continuent d’éclore. Plus qu’une vitrine, Internet devient un "modèle d’affaire", un outil de distribution et de prestation de services.

Mesdames, Messieurs,

Le commerce électronique est une de mes priorités. J’avais promis d’aller vite.

La loi sur le commerce électronique est entrée en vigueur le 14 août 2000. Comme vous le savez, c’est une loi-cadre qui comprend des dispositions sur la signature électronique - la preuve, la certification et l'accréditation - ainsi que sur les contrats conclus par voie électronique, la responsabilité des fournisseurs d'accès, les paiements électroniques et les communications commerciales.

Elle contient aussi certaines dispositions sur le traitement des données à caractère personnel.

Enfin, le cadre juridique comprend des dispositions en faveur de la protection des consommateurs, y compris – et je le souligne - en matière de services financiers négociés à distance.

J’ai également déposé un projet de loi sur la protection des consommateurs dans les ventes à distance afin d’étendre la protection bienveillante du législateur aux transactions autres qu’électroniques.

Il est devenu primordial de désigner les normes techniques que doivent appliquer les prestataires de services de certification. Mais ces normes, qui sont européennes sinon mondiales, n’ont été publiées que récemment. Je veillerai à ce que des normes assurant un haut niveau de sécurité seront appliquées dans les mois qui viennent. J’ai également l’intention de créer un label de sécurité des transactions sur internet.

Dans cet ordre d’idées, il faut relever l’importance d’une réforme sur les droits d’auteur. Peu de gens ont conscience que le droit de propriété sur les services, par nature immatériels, est régi par le "copy-right". Le droit d’auteur, on l’a bien vu avec les affaires MICROSOFT ou NAPSTER, est au centre de la nouvelle économie virtuelle.

Le 15 février dernier la Chambre des députés a voté une réforme en profondeur de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins. Cette loi transpose la fameuse directive instaurant un droit de propriété en faveur de créateurs de bases de données. Cette loi doit favoriser le développement du commerce en ligne.

Le commerce électronique ne peut se développer que dans la mesure ou il s’inscrit dans une démarche cohérente visant à promouvoir la société de la connaissance. Le gouvernement, en lançant le "Plan e-Luxembourg" ne cache pas ses ambitions, je cite : "il s’agit de lancer, à partir d’aujourd’hui, une véritable offensive dans le domaine des nouvelles technologies. Cette offensive devra assurer à notre pays une position de premier choix parmi les pays de l’Union européenne en route vers la société de l’information. Une très forte mobilisation de la fonction publique elle-même servira de signal pour l’ensemble des forces vives de la nation", fin de citation.

Mesdames, Messieurs,

La diversification économique nous invite à explorer de nouvelles pistes, à rechercher de nouveaux pôles de développement à haute valeur ajoutée qui pourraient émerger au Luxembourg. Je songe ici en particulier à la biotechnologie, au génie génétique. Certains redoutent que les sciences de la vie risquent de sceller une alliance faustienne : il est vrai qu’elles interpellent des valeurs philosophiques fondamentales.

La Commission "Ethique" de la Chambre des députés a eu raison de lancer une réflexion approfondie sur les implications éthiques que pose la propriété industrielle sur le vivant, elle a pris soin de s’entourer des conseils d’experts et des avis d’organisations non gouvernementales.

La directive sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, adoptée en 1998 et négociée sous présidence luxembourgeoise de l’UE, vise à préciser les règles en matière de brevetabilité des inventions. Elle permet de tenir compte des inventions qui seraient contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs en donnant des exemples d’exclusions à la brevetabilité: le clonage humain, la modification de l’identité génétique de l’être humain, les utilisations d’embryons à des fins industrielles ou commerciales ainsi que les modifications de l’identité génétique des animaux qui sont de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l’homme ou pour l’animal.

Les recommandations du  rapport de la Commission "Ethique" devraient permettre de baliser le champ d’activités possibles et souhaitables dans un secteur promis à un bel avenir. Je songe, par exemple, aux applications informatiques.  

Mesdames, Messieurs,

Hier, lors du colloque consacré à l’entrepreneuriat dans la Grande Région, j’ai eu l’occasion d’affirmer mes convictions quant à l’importance fondamentale de l’esprit d’entreprise et de la création d’entreprise qui sont le véritable moteur de la croissance à long terme. Sans la création permanente de petites et moyennes entreprises innovantes, le tissu productif ne pourrait pas se régénérer, se redéployer et s’adapter en permanence. 

Or que constate-t-on? Au cours des dernières quinze années, le nombre des indépendants a stagné et leur proportion a même fortement reculé dans l’emploi total. 

Certes, l’essaimage de nouveaux projets d’entreprise, l’émergence d’une culture d’entrepreneur ne se décrètent pas. Le goût du risque ne s’acquiert que progressivement grâce à la sensibilisation et à l’encouragement volontariste de toute la société.

L’Etat peut œuvrer de différentes manières afin de susciter de nouvelles vocations entrepreneuriales. Je citerais quelques exemples parmi d’autres: la réduction des formalités administratives, la formation continue des gestionnaires et des collaborateurs des entreprises tout au long de la vie, l’accès aux capitaux d'amorçage, enfin, l’accompagnement en matière de reprise d’entreprises. Le plan d’action actualisé en faveur des PME y apporte certainement des réponses.

Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,

Je ne solliciterai plus davantage votre attention et votre patience. J’espère avoir apporté un éclairage actualisé d’une situation conjoncturelle exceptionnelle, du chemin que nous avons parcouru dans l’action législative et la reforme structurelle depuis 22 mois, de la qualité nouvelle que l’action politique est en train d’imprégner au développement économique de notre pays. Je formule l’espoir que l’ensemble des forces vives de notre pays soit au rendez-vous pour accompagner le gouvernement dans sa démarche.

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