Discours du président de la République de Slovénie, Milan Kucan, à l'occasion du dîner donné en l'honneur de leurs Altesses Royales le Grand-Duc et la Grande-Duchesse

Ljubljana, le 1er octobre 2001

Altesses Royales, Grand-Duc et Grande-Duchesse du Luxembourg, c'est pour mon épouse et moi-même un immense honneur et un grand plaisir que de pouvoir vous recevoir en Slovénie. C'est la première fois que la Slovénie reçoit une visite d'une telle importance de la part de notre ami le Luxembourg et elle vous accueille le cœur grand ouvert.

Je suis persuadé que Votre visite renforcera davantage encore les excellentes relations qui existent entre nos deux pays et qu'elle permettra de rapprocher nos concitoyens. Les fondations de ces bonnes et cordiales relations sont profondes. Elles remontent à une époque lointaine marquée par de terribles épreuves, au siècle dernier. Quand les nazis occupaient la Slovénie, des Luxembourgeois mobilisés furent envoyés sur notre territoire. Vétus des uniformes de la police militaire allemande, ils auraient du utiliser leurs armes contre les Slovènes mais beaucoup se mutinèrent. A travers le sort de la Slovénie occupée ils voyaient le sort de leur patrie. Ils préférèrent sacrifier leur vie. Ils sont restés dans notre mémoire historique comme des hommes nobles, solidaires et courageux. Nous leur sommes infiniment reconnaissants. Et, lorsque Vous voyagerez de par la Slovénie, Vous aurez l'occasion de vérifier cela.

Mon souvenir des Luxembourgeois est de la même nature. Il remonte à une époque lourde de conséquences pour la Slovénie, il y a bien dix ans de cela. C'était par une chaude nuit de juillet. La guerre en Slovénie prenait un tour destructeur, sinistre et apocalyptique. A Zagreb, débutait une rencontre avec la Troika ministérielle de l'Union européenne. Elle était dirigée par le ministre des Affaires étrangères, monsieur Poos. Monsieur Poos comprit mon embarras et la situation sans issue où je me trouvais pris, dans le drame des sentiments et des responsabilités. Il s'avançe vers moi, me serra la main et me dit : "Je sais que c'est dur. Mais dans cette guerre, vous n'êtes pas seuls. Vous avez des amis. Ayez courage et esperez." Je n'oublierai jamais cette cordialité humaine et sincère. Le Luxembourg fut parmi les premiers Etats prêt à accepter le dialogue avec les autorités de la République de Slovénie et à ouvrir les yeux sur la vérité brutale des événements qui secouaient l'Ex-Yougoslavie. La Slovénie fait grand cas du soutien et de la compréhension que lui manifesta, durant cette terrible époque, le Grand-Duché du Luxembourg et elle lui en est très reconnaissante. Le Luxembourg a, lorsqu'il présidait l'Union européenne, contribuée de façon désive à ce que les membres de l'Union européenne reconnaissent la Slovénie comme un Etat indépendant.

Altesses Royales, toute l'histoire des relations de la Slovénie indépendante et de l'Union européenne est étroitement liée au Luxembourg. Lors de l'attaque de l'armée populaire de Yougoslavie en Slovénie, le sommet européen réuni à Luxembourg prit la décision d'envoyer la Troika ministérielle, dirigé par le ministre des Affaires étrangères de l'époque, monsieur Poos, en Slovénie. C'est au Luxembourg également qu'en avril 1993 fut signé l'Accord de coopération entre la Slovénie et l'Union européenne et qu'en juin 1996 fut signé l'Accord d'association slovène. En décembre 1997, le Conseil européen réuni à Luxembourg décida d'ouvrir des négociations d'adhésion avec cinq Etats parmi lesquels se trouvait également la Slovénie. Si nous réussissons à conclure les négociations d'adhésion ainsi que nous le souhaitons, le Traité d'adhésion de la Slovénie à l'UE sera également signé au Luxembourg. J'en serai très heureux. Le cercle du destin serait ainsi bouclé.

La Slovénie suit avec attention la trajectoire confiante du Luxembourg vers l'histoire de demain. Nous avons une haute opinion de son règne dans la communauté internationale et, particulièrement, au sein de l'Union européenne. Vous êtes pour nous la meilleure preuve que la vie dans cette vaste intégration européenne est certes, pleine d'obligations, mais qu'elle est également riche d'opportunités éclatantes que le Luxembourg a très bien su saisir. Votre réussite servira d'argument à nous tous qui souhaitons convaincre les eurosceptiques slovènes que l'adhésion à l'Union européenne est aussi un bien pour les Etats qui, à l'instar de la Slovénie, ne font pas partie des grands. Que c'est un bien pour tous, pour les grands comme pour les petits Etats, pour toute l'Europe qui, transforme son passé difficile en un futur client, en sachant qu'elle ne résistera qu'en respectant et en tenant compte de sa diversité interne. L'identité et la confiance nationales, solides et ouvertes aux autres, des Luxembourgeois sont pour nous un encouragement et un soutien.

Altesses Royales, je suis très heureux de Vous recevoir en cette année où la Slovénie fête les dix ans de son indépendance. Vous pourrez vérifier par vous-même que notre pays est en passe de terminer sa transformation qui fait de lui un Etat semblable aux Etats membres de l'Union européenne. Aussi, nous serions très reconnaissants à votre pays, s'il nous soutenait avec l'énergie dont il a fait preuve jusqu'au moment de notre dernier pas vers l'adhésion. En disant cela, j'ai à l'esprit plus qu'un simple soutien auprès des institutions compétentes de Bruxelles. En effet, de nombreux citoyens de l'Union européenne ont peur de l'élargissement. Ils ont peur de l'inconnu, de ce qui autrefois vivait de l'autre côté du rideau de fer.

C'est pourquoi, je pense qu'il serait opportun que les Etats membres et les pays candidats avec la Commission européenne fassent tout ce qui est possible pour mettre en place une information juste sur les pays candidats et sur les aspects positifs de l'élargissement afin que ces peurs disparaissent. Une meilleure connaissance des uns et des autres est assurément le chemin le plus sûr vers l'acceptation de nouveaux partenaires dans l'UE et vers la vie commune à venir. Le Luxembourg et la Slovénie sont, ࠣet 駡rd, en bonne voie et je suis persuadé que la mise en œuvre de l'accord de coopération dans les domaines de l'éducation, de la science et de la culture et, surtout, votre visite ici, chez nous, contribuera considérablement à aller dans la direction souhaitée.

Nos entretiens d'aujourd'hui confirment que même si nos deux Etats entretiennent d'excellentes relations, il y a toujours matière à approfondir ces relations notamment dans le domaine économique. Les Slovènes considèrent le Luxembourg comme un modèle de réussite économique d'un petit pays qui a su anticiper et s'adapter avec succès aux exigences de l'économie mondiale et du marché européen.

Cependant, l'économie mondiale et la mondialisation nous posent à tous de nombreuses questions, urgentes et lourdes de conséquences. De mauvaises réponses ou des réponses tardives pourraient conduire à de nouvelles crises, peut-être même une impasse dans les relations entre, d'un côté ceux qui sont économiquement et technologiquement déloppés et, de l'autre, ceux qui sont pauvres, privé du droit à l'espoir et au futur. Dans un monde ainsi divisé il y aura beaucoup de place pour le terrorisme tel que celui qui nous a ébranlé ce terrible mardi aux Etats-Unis et qui a réveillé notre conscience sur nos responsabilités.

Cet acte demande une réponse énergique et réfléchie. La solidarité fonctionnelle, politique et humaine envers les Etats-Unis est urgente. Le terrorisme doit se heurter à un mur infranchissable. Mais cela ne sera pas suffisant pour éradiquer ce fléau. Le monde est la propriété incontestée de tous les individus. Il est nécessaire de mettre en place un ordre mondial meilleur, plus juste et fondé sur la responsabilité mondiale. C'est la première condition pour une plus grande sécurité pour tous. Pour nous, Européens, l'Alliance atlantique est, vu ces nouvelles circonstances, une intégration encore plus importante. C'est pourquoi, la Slovénie souhaite entrer le plus tôt possible dans cette organisation, assumer sa part de responsabilité pour la paix et la sécurité sur le continent européen et contribuer à sa défense. Cela fait déjà de nombreuses années que nous avons constaté par nous-mêmes combien il est important d'avoir des alliés. Nous serons reconnaissants au Luxembourg du soutien qu'il nous apportera dans la réalisation de cet objectif.

La Slovénie tente également d'être un facteur de stabilité dans la région agitée de l'Europe du Sud-Est. L'institution du Fonds international pour le déminage est une des actions qui a donné de nombreux résultats positifs. Le Fonds a permis de sauver de nombreuses vies et de protéger de nombreuses personnes contre l'invalidité et les tragédies. Nous accordons beaucoup de prix à l'aide et à la coopération du Luxembourg dans la réalisation de ce projet humain.

Votre Altesse Royale, dans quelques jours cela fera un an que vous aurez succédé à votre père, le Grand-Duc. Ce fut un honneur pour moi que de l'avoir connu et d'avoir coopéré avec lui. Je Vous félicite et je souhaite que sous Votre conduite, le Grand-Duché du Luxembourg soit également marqué par le succès et que ses relations avec la Slovénie soient cordiales.

Excellences,
Mesdames et messieurs,

mon épouse et moi-même levons ce verre en l'honneur de leurs Altesses Royales, le Grand-Duc et la Grande-Duchesse, au bien-être de la nation luxembourgeoise et à la prospérité de Votre pays, un foyer européen bienveillant des nations et des pays, une maison commune des hommes libres !

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