Discours d'Erna Hennicot-Schoepges devant la 31ème session de la Conférence générale de l´UNESCO

Paris, le 16 octobre 2001

N.B. Seul le discours prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Madame la Présidente du Conseil exécutif,
Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

C’est avec une émotion non dissimulée que j’interviens aujourd’hui devant cette Conférence générale qui regroupe les représentants de 188 Etats du monde. Emotion sincère car je vois un immense signe d’espoir dans la tenue de cette assemblée un mois à peine après les insupportables attentats terroristes qui ont frappé les Etats-Unis, le 11 septembre. Quelle meilleure réponse en effet peut-on apporter au défi cynique que nous lance le terrorisme que de réunir sous un même toit des représentants des nations de ce monde, de provenances, de cultures, de croyances différentes mais rassemblées autour des idéaux de liberté, de tolérance, de respect des droits de l’homme qui sont énoncés avec solennité dans l’Acte constitutif de notre organisation et les textes fondateurs des Nations Unies?

En intervenant cet après-midi, Monsieur le ministre Demotte de la Communauté française de Belgique a exposé devant vous au nom de l’Union européenne tout le rejet et l’horreur que suscitent les lâches actes du 11 septembre qui constituent – et je le cite – "une attaque non seulement contre les Etats-Unis, mais contre l’humanité toute entière et les valeurs et libertés qui nous sont communes à tous" (fin de citation).

Au-delà de notre solidarité avec les Etats-Unis et les victimes, au-delà même de notre volonté commune de mettre fin au fléau du terrorisme – que rien ne peut justifier – nous sommes appelés ensemble à définir une réponse innovatrice et constructive à ce défi, une réponse qui mette en évidence notre détermination à préserver et à renforcer les principes et valeurs qui fondent la coopération au sein de la communauté internationale.

Une première exigence politique et morale d’une importance capitale est. plus que jamais, la tâche du développement. Alors que le profond mouvement de la mondialisation suscite ici et là des interrogations, voire des doutes profonds sur les bénéfices qu’il peut apporter à l’ensemble des populations et couches sociales, nous devons trouver les voies et moyens pour promouvoir une globalisation maîtrisée au service d’un ordre mondial plus juste et, partant, plus stable, car pour citer le président Chirac : "introduire davantage de justice et d’équité dans cette mondialisation, c’est rendre possible le dialogue des peuples, c’est préparer notre avenir commun" (fin de citation).

A cette œuvre du développement - qui doit être une œuvre commune de l’humanité toute entière – le Luxembourg entend s’associer pleinement et c’est avec une certaine fierté que je voudrais annoncer aujourd’hui que mon pays a rejoint l’année dernière le club malheureusement trop restreint des pays qui consacrent au moins 0,7% de leur PIB à la coopération et au développement. L’intention du gouvernement luxembourgeois est d’atteindre 1% d’ici 2005.

Cette coopération s'inscrit tout à fait dans le même objectif de l’élimination de la pauvreté et, en particulier, de l’extrême pauvreté qui constitue l’un des deux thèmes transversaux qui doivent orienter l’ensemble de l’action de notre Organisation. Un accent particulier est mis sur les questions de l’éducation de base,  placée au centre de l’attention internationale par le Forum de l’Education de Dakar, dont l’Unesco assure si opportunément la coordination du suivi. Je voudrais souligner dans ce contexte l’importance qu'il convient d’accorder notamment à l’éducation des filles, ainsi qu’à l’éducation à la prévention du sida.

Une deuxième exigence me paraît la nécessité d’opposer aux tenants d’un "choc des civilisations" postulé comme inévitable, une logique autre, fondée sur le dialogue, la tolérance et le respect mutuel, une logique aussi qui sache réfuter les amalgames trop faciles et trompeurs, les dérives nationalistes, racistes ou xénophobes, ainsi que l’a déclaré récemment le Conseil européen.

Hier, à l’ouverture de notre Conférence générale, le président de la République française a su trouver des paroles justes et inspirées qui devraient guider notre recherche d’un véritable dialogue des cultures, fondé sur l’égale dignité  et le respect de la diversité qui doivent orienter nos actions. Mais ce dialogue doit se nourrir des références universelles qui s’inscrivent au cœur même de l’action de l’Unesco comme la promotion des valeurs démocratiques, le respect des droits de l’homme, y compris la liberté individuelle et la liberté d’expression, et le développement de l’État de droit.

Dans le débat mondial qui est en cours sur les avantages et les risques de la mondialisation, il me paraît essentiel que les questions culturelles gardent une place centrale, car la préservation et la promotion des diversités culturelles et linguistiques constituent un contrepoids indispensable face à l’action parfois trop uniformisatrice des forces économiques. Il convient cependant d’éviter que la diversité souhaitable ne se traduise par un renfermement identitaire exclusif, voire antagoniste, de même qu'il faut récuser la prétention de la prédominance d'une culture sur les autres!. Trouver les réponses justes, trouver les équilibres  indispensables est à mon sens une tâche qui revient en premier lieu à l’Unesco et au réseau d’intellectuels et d’artistes du monde entier qu’elle anime. Dans cette perspective, je me félicite tout particulièrement à la fois de la Déclaration sur la diversité culturelle et des travaux sur le multilinguisme et de l’accès universel au cyberespace qui seront soumis à cette Conférence générale.

Etant moi-même également ministre de la Recherche de mon pays et poursuivant actuellement la mise en place d’une politique scientifique volontariste, je ne voudrais pas passer sous silence l’intervention tant appréciée de l’Unesco dans les domaines des sciences naturelles et des sciences humaines, ainsi que dans le domaine si étroitement lié aux évolutions technologiques de la communication. Dans ce contexte, les travaux menés en matière d’éthique des sciences et, plus particulièrement de bioéthique nous fournissent des points de repère et des paramètres forts, utiles dans le cadre d’un débat difficile, mais nécessaire qui doit être mené dans tous les pays.

Monsieur le Président,

Les défis qui sont devant nous sont considérables et les moyens dont nous disposons pour y faire face malheureusement limités. Voilà pourquoi nous nous félicitons tout particulièrement du programme de réformes entrepris depuis son élection par notre directeur général. Le Luxembourg lui apportera son plein appui et nous l’exhortons à persévérer sur la voie ardue de la modernisation et de la rationalisation qui sont le gage d’un emploi efficace et efficient des moyens disponibles et la condition même de la crédibilité et du rayonnement de notre Organisation à laquelle nous sommes tant attachés.

Cette crédibilité est également fonction d’un dialogue renouvelé avec la société civile et ses représentants, au premier rang desquels je voudrais mentionner les commissions nationales qui constituent un rouage de transmission indispensable entre l’organisation et les milieux scientifiques, artistiques et intellectuels nationaux.

L’UNESCO n’a cessé, et cela tout particulièrement lors des dernières conférences générales, de souligner l’importance qu’elle attache aux commissions nationales.

Reflets des forces vives de chaque pays dans le domaine de l’éducation, de la science et de la culture, les commissions nationales, selon l’article 3 de la charte, ont pour mission d’assurer la présence de l’UNESCO, de concourir à la coopération intellectuelle internationale et de contribuer à la mise en œuvre du programme de l’UNESCO.

Le Luxembourg reconnaît les efforts qui ont été accomplis par l’unité compétente du secrétariat pour aider efficacement les commissions nationales dans l’accomplissement de leurs tâches.

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,

Voici quelques jours notre Directeur général a constaté que désormais – et je le cite – "l’ordre du jour de l’Unesco se trouve propulsé en tête de l’ordre du jour mondial". Je partage sa conviction; l'UNESCO est appelée, plus que jamais, à être l'enceinte au sein de laquelle doit se dérouler le dialogue entre les cultures, entre les religions, entre les civilisations et, enfin, entre toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, ce dialogue inter-culturel qui est aujourd’hui reconnu comme une des composantes primordiales de la construction d’un ordre mondial plus juste et plus pacifique.

Je vous remercie de votre attention.

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