Marie-Josée Jacobs à la deuxième Conférence mondiale contre l´Exploitation sexuelle des Enfants (17-20 décembre 2001 - Yokohama - Japon)

Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Au nom du gouvernement luxembourgeois je félicite les organisateurs de la deuxième Conférence mondiale contre l’Exploitation sexuelle des Enfants. Monsieur le Premier ministre Jean-Claude Juncker m’a chargé de remercier le gouvernement du Japon ainsi que les ONG qui ont participé à l’organisation de notre rencontre : ECPAT et UNICEF.

Dans tous nos pays, 24 heures sur 24, des femmes et des hommes, des seniors, des jeunes, des enfants et des bébés sont violés au plus profond d’eux-mêmes, atteints dans les fondements de leur personnalité et de leur dignité. Malgré les investissements considérables investis par les pouvoirs publics et les ONG, il faut constater que ce triste fléau continue à frapper en premier lieu les plus faibles : les pauvres, les désespérés, les illettrés, les exclus et surtout des mineurs de tout âge. Les agresseurs, ne l’oublions pas, sont majoritairement des hommes.

Le Grand-Duché de Luxembourg s’est rallié aux plans d’action que promouvait le 1er Sommet mondial de Stockholm. Par des campagnes de sensibilisation je me suis d’abord adressée aux enfants pour les informer sur leurs droits sexuels et affectifs. En coopération avec des thérapeutes venus de France, de Belgique et d’Allemagne, nous avons organisé des séminaires au bénéfice des médecins, des enseignants, des éducateurs, des magistrats et des psychologues. Par le biais de conventions, mon ministère a renforcé les services de conseil et de thérapie gérés par des ONG luxembourgeoises et qui se consacrent à l’accueil des victimes de violence sexuelle. En matière de législation, il faut souligner l’extension des poursuites judiciaires pour délits et crimes sexuels commis à l’étranger. De même, les procédures de l’audition de l’enfant ont été adaptées afin de mieux protéger l’enfant victime de violence et de transgressions sexuelles en particulier. Le Luxembourg investit des moyens considérables dans la coopération  au développement. L’évaluation des projets éligibles se fait d’après un critère supplémentaire : l’engagement formel du bénéficiaire à participer activement aux actions internationales de promotion des droits et de lutte contre l’exploitation sexuelle de l’enfant. Ainsi, le gouvernement soutient des projets d’ONG qui vont dans ce sens et notamment des projets d’ECPAT.

En tant que ministre de la Promotion féminine, j’ai pu développer des initiatives diverses de promotion de l’égalité des chances entre sexes. Dans le cadre du programme Daphné de l’Union européenne, le Luxembourg a participé à des campagnes d’information et de sensibilisation dans des pays d’Europe centrale. Depuis plusieurs années, je suis particulièrement préoccupée par le sort réservé dans mon pays aux jeunes femmes, mineures ou adultes, en provenance de pays touchés par la pauvreté économique. Plus que d’autres, elles et leurs enfants risquent de constituer les proies faciles de tentatives d’exploitation sexuelle et affective – dans la prostitution tout comme dans le cadre de soi-disant mariages.

Je viens de déposer un projet de loi contre la violence familiale et domestique. Au départ des victimes du foyer familial devra se substituer l’expulsion de l’agresseur. Le projet prévoit des sanctions plus sévères à l’égard des auteurs, mais entend d’abord promouvoir une meilleure prévention. A cet effet, les actions futures associeront davantage les ONG œuvrant pour défendre les droits humanitaires, ceux des femmes et des enfants en particulier.

Le thème de la violence domestique a fait l’objet de séminaires s’adressant plus particulièrement aux magistrats et aux policiers, organisés avec le concours d’experts canadiens.

Notre petit pays, délimité par la France, l’Allemagne et la Belgique, jusqu’ici est resté à l’abri de scandales spectaculaires. Si je m’en réjouis, je suis très consciente que l’exploitation sexuelle des mineurs s’opère à travers et au-delà de nos frontières respectives. Elle est de plus en plus dirigée par de puissants réseaux internationaux qui disposent de moyens financiers considérables et qui arrivent à assujettir à leurs fins les médias électroniques. Depuis notre Sommet de Stockholm, ils continuent à trouver un allié malheureux dans la misère indicible des plus pauvres de ce monde. Apparemment, dans les pays riches, nous avons fini par accepter tacitement le scandale que chaque jour, des dizaines de milliers d’enfants meurent de faim ou des suites de maladies guérissables.

Quelques pistes de réflexion à propos de nos initiatives futures :

  1. Au sein de l’Union européenne, les ministres responsables de la promotion des droits de l’enfant ont constitué un réseau d’échange et de coopération. Je me félicite de cette initiative précieuse des présidences successives, qui nous permet de mieux nous concerter au plan de notre lutte contre l’exploitation sexuelle.

  2. Les libertés merveilleuses de communication que nous ouvrent les nouveaux médias doivent mieux être canalisées par des mécanismes de contrôle internationaux. La santé physique et psychique d’enfants innombrables est en cause.

  3. La banalisation effrayante des risques liés à l’épidémie du SIDA doit nous motiver, sur le plan de la lutte contre l’exploitation sexuelle, à continuer nos démarches de sensibilisation. Nous n’avons pas le droit de nous taire là où sont bafoués les droits les plus profonds de nos concitoyens les plus faibles. Ensemble avec ECPAT Luxembourg, je ne manquerai pas de m’adresser plus particulièrement aux personnes voyageant dans les pays les plus pauvres de ce monde.

  4. De même, nous devrons encourager, au bénéfice de nos enfants et nos jeunes, des initiatives de formation affective et sexuelle. Elles sont tributaires entre autres des principes suivants : amour de soi, développement de l’identité personnelle, respect des différences individuelles, communication sans violence, sens de la responsabilité, prise de conscience par l’individu de ses droits et de ses obligations, égalité des chances et partage équitable des responsabilités entre les deux sexes… Il va sans dire que des jeunes en phase de découvrir leur orientation sexuelle constituent un groupe particulièrement fragile.

  5. Le succès incontestable des projets ciblés de sensibilisation, de formation, de conseil et d’entraide au bénéfice des filles et des femmes devrait nous encourager à nous adresser par des initiatives ciblées comparables aux garçons et aux hommes. Le recours plus fréquent des hommes à la violence sous toutes ses formes ne peut être interprété que comme une terrible faiblesse, une impuissance de fait dans des situations qui requièrent beaucoup de maturité affective.

  6. L’engagement pour l’égalité des chances entre les deux sexes doit se poursuivre. J’identifie deux objectifs complémentaires :
    - amener les hommes à renoncer au recours de la violence
    - encourager les femmes à refuser d’assumer passivement le rôle de victimes.

  7. Les psycho-thérapeutes soulignent à juste titre les effets néfastes à court, à moyen et à long terme des traumas vécus. Ils nous rappellent que la violence sexuelle constitue à cet égard une atteinte particulièrement grave. D’un côté, il est indispensable que les victimes puissent recourir à des services spécialisés d’accueil, de soutien, d’orientation et de thérapie. D’autre part, nous devrons motiver nos médecins, psychologues, pédagogues et travailleurs sociaux à acquérir les compétences spécifiques requises par un encadrement traumatologique de qualité.

  8. Enfin, nous n’avons pas fini nos efforts pour que dans nos familles, nos clubs, nos écoles, nos tribunaux ou nos administrations les enfants soient écoutés avec le respect qui leur est dû. La médiation, entre autres, constitue un outil précieux de prévention.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

J’ai le ferme espoir que la déclaration et le programme d’action qui seront adoptés lors de la session extraordinaire, organisée par l’ONU en 2002, marqueront un engagement renouvelé dans la réalisation des droits de l’enfant, y compris la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants. Dans cet engagement, le Luxembourg, fidèle à sa tradition, restera un allié sûr.

2001 a été proclamée par l’ONU Année internationale du Volontariat. Je ne voudrais pas terminer mon message sans rendre hommage à la générosité des femmes et des hommes qui au sein d’innombrables ONG défendent les droits affectifs et sexuels des enfants. Je les considère comme des partenaires précieux et indispensables.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Merci de votre attention.

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